Tout jeune retraité des pelotons, Damien Garcia s'est reconverti depuis quelques mois en tant que manager de l'équipe continentale franco-japonaise Interpro - Stradalli. Pour Velo-Club.net il a accepté de faire le point sur sa fin de carrière tout d'abord, puis sur son nouveau rôle dans le cyclisme.
Peux-tu tout d’abord nous présenter le projet de l’équipe, comment les choses ont-elles débuté ?
C’est une équipe qui est née en 2006 grâce à Stephan Forest et Sébastien Pilotte, un français et un canadien qui étaient installés au Japon. Depuis l’an dernier, la structure est passé Continentale et nous avons donc couru sur 3 continents, que ce soit en Asie, en Afrique ou Tesfom avait bien lancé la saison grâce à une seconde place obtenue au général de la Tropicale Amissa Bongo, ou en Europe où nous avons également participé notamment à plusieurs épreuves de Coupe de France.
Qu’est-ce qui a justement amené l’équipe à passer à l’échelon pro ?
En fait, l’équipe avait terminé première formation amateur de la Coupe du Japon, et par conséquent, les dirigeants ont décidé de passer à l’échelon supérieur, en trouvant également les moyens financiers de monter une équipe Continentale.
Tu as d’ailleurs rejoint l’équipe en 2017, qu’est-ce qui t’avait plu dans le projet ?
Ce qui m’a surtout plu à l’époque, c’est que c’était une équipe franco-japonaise avec un siège en France, et qui proposait un calendrier qui permettait d’alterner Europe Tour et Asia Tour. Le fait qu’il y ait un staff français était également un peu nouveau pour moi, car j’avais pas mal bourlingué à droite à gauche.
Quel regard tu portes sur cette dernière année chez les pros ?
Très mitigé, car j’ai eu mon accident en janvier et je ne suis jamais revenu à 100%. J’ai pu recourir ensuite, mais j’avais toujours des séquelles, et des douleurs qui revenaient régulièrement. Au niveau personnel, ça n’a donc pas été un grand succès, mais au niveau de l’équipe ça s’est vraiment bien déroulé. J’ai découvert une structure avec une super mentalité, et sur le plan sportif, je pense qu’on a effectué une première saison plutôt honorable.
Comment s’est déroulée la transition entre les rôles de coureur et de manager ?
L’équipe m’a proposé le poste au mois de novembre, car l’ancien staff s’était dirigé vers de nouveaux projets. J’ai pris le temps de me poser quelques jours pour y réfléchir, car c’était vraiment un gros changement. Après, je voyais quand même que d’un point de vue de la santé, ça ne progressait pas forcément, surtout au niveau de mon genou. J’avais déjà fait 4 ans en Conti, et je pense que j’avais plus ou moins vu mes limites sur le vélo. Je pense que je n’avais pas forcément les moyens d’aller au dessus, et j’avais plutôt fait le tour de la question à vrai dire. j’ai donc fait le choix de saisir l’opportunité qui se présentait à moi, et je tiens à remercier Stephan Forest et Sébastien Pilotte qui m’ont laissé les rênes de l’équipe sur la partie sportive.
Avec le recul, comment juges-tu tes débuts en tant que manager, est-ce ça a été compliqué de s’acclimater à ce nouveau rôle ?
Au début, cela n’a pas forcément été évident, ne serait-ce que par mon âge, car je n’ai que 25 ans, et ce n’est pas courant d’occuper ce genre de poste si jeune. Néanmoins, ça s’est plutôt bien passé, même si c’est différent, notamment au niveau de la pression, car on a 15 coureurs dans l’effectif, 2 directeurs sportifs, plus le reste du staff, et il faut rendre des comptes un peu à tout le monde, mener le bateau, et à ce niveau, c’était quelque chose de nouveau pour moi. Ceci dit, en ayant été sportif de haut niveau, et en étant bien organisé, je crois que ça ne se passe pas trop mal.
Comment se sont passées les premières courses dans la voiture, est-ce que ça t’a manqué de ne pas monter sur le vélo ?
Nous sommes partis en stage à Miami en janvier, et j’ai roulé un peu avec les gars. J’ai fait plusieurs sorties avec eux d’une centaine de kilomètres, et ensuite je suis parti en Asie, puis en Océanie où l’on a pris part au Tour d’Indonésie puis à l’Herald Sun Tour. Bizarrement non, durant ces premières courses, j’étais content d’être là dans la voiture, donner les consignes, faire les briefings, etc...Cela m’a surpris d’ailleurs, car je pensais avoir un pincement au cœur, et au final non, c’est juste que l’on vit la course d’une manière différente, il y a toujours autant d’adrénaline, et même un peu plus de responsabilités, car on n’a pas le droit de se louper. Donc non, franchement, je n’ai aucun regret, ce qui est le principal.
Tu évoquais les premières courses, ce qui nous amène au sportif, quel bilan tires-tu de ce premier trimestre ?
Le bilan est très positif, car on a eu un début de saison chargé. Pour tout te dire, en 30 jours, on a eu un stage d’une semaine à Miami, puis un front à Dubai (pour le Sharjah Tour) et un autre en Indonésie, avant de conclure cette tournée en Australie pour l’Herald Sun Tour, donc d’un point de vue logistique ce n’était pas évident. Côté sportif, nous avons été acteurs sur toutes les courses auxquelles on a participé. On a placé par exemple deux coureurs dans le top 5 du général en Indonésie, puis nous avons été acteurs tous les jours en Australie. On a un groupe varié, et un état d’esprit très positif, et pour les semaines à venir, ça promet de belles choses.
Concernant ce bilan positif, on notera notamment l’apport des recrues, dont Daniel Whitehouse, qu’est-ce qui vous a séduit chez ce coureur ?
C’est moi qui suit allé le chercher, car c’est un coureur que plusieurs personnes m’avaient recommandé. Je l’ai contacté en novembre, et on a vite trouvé un accord. C’est un coureur jeune, qui a besoin d’apprendre en Europe, mais au vu de ses capacités physiques, je suis certain qu’il ira très loin, et si on peut l’amener au plus haut niveau, que ce soit en Conti-Pro ou en World-Tour, on sera les premiers satisfaits. Il va falloir qu’on l’encadre comme il faut, mais on le verra vite en Europe, notamment lors de la Semaine Castille et Leon, qui sera sa première épreuve.
Une autre recrue a également brillé dès le début d’année, Jokin Etxabe. Moins connu que Whitehouse, qu’est-ce qui a fait que tu te sois porté sur lui ?
C’est son entraîneur, que j’ai connu lorsque je courrais en Espagne, qui me l’a recommandé. Il faisait partie de la sélection espagnole lors du Tour de l’Avenir 2016. Il a un gros potentiel en montagne, peut aussi être un très bon équipier et possède un état d’esprit toujours positif. Il n’a pas eu la chance de rejoindre une formation basque, puisqu’il est originaire de cette région, et il nous a de suite prouvé qu’on avait eu raison de lui faire confiance.
En dehors de ces deux coureurs, le gros coup réalisé, c’est la venue d’Alexey Vermeulen, peux-tu nous expliquer comment ça s’est passé avec lui ?
J’ai pris le premier contact avec lui en janvier, lorsque j’ai vu qu’il n’avait pas de contrat, car notre sponsor (Stradalli) cherchait un coureur américain. C’est un garçon qui veut se relancer chez nous, et qui aura accès à un beau programme de courses en Europe, plus varié que ce qu’il aurait eu si il avait rejoint une formation continentale aux États-Unis. Pour être honnête, son niveau est ailleurs, et sa place est dans le World-Tour, et je lui souhaite de ne pas rester chez nous plus d’une année.
Il a d’ailleurs semblé dans le rythme le week-end dernier lors de la Classic Loire-Atlantique, est-ce que ça t’as étonné, malgré le fait qu’il manque de rythme ?
Au briefing, on ne lui a mis aucune pression, car il n’avait en effet pas couru depuis plusieurs mois. Il nous a bluffé dans le sens où il est déjà dans une forme vraiment correcte, il a été acteur de la course en tentant de sortir dans la dernière bosse notamment, et outre l’aspect sportif, j’apprécie ses qualités humaines, car nous n’avons pas la structure de LottoNl-Jumbo, et le gars est toujours optimiste, positif, ne se plaint jamais, et je pense qu’il va beaucoup apporter au groupe, notamment en terme de maturité et d’expérience.
Cette nouvelle arrivée renforce par ailleurs l’effectif, est-ce que vous vous êtes fixés des objectifs en terme de résultats ?
Toute victoire sera bonne à prendre, mais l’objectif principal c’est vraiment d’être acteurs de toutes les courses. De se battre, notamment en Europe, où le niveau sera vraiment relevé, sur le circuit asiatique, par contre on essaiera d’aller chercher des victoires. On a le groupe pour ça avec 15 coureurs, et on ira sur toutes les courses avec des ambitions, ça c’est certain.
Et à moyen terme, quelles seront les ambitions pour la suite ? Passer en Conti-Pro ?
On ne veut pas brûler les étapes, et se structurer comme il faut, notamment sur la partie européenne. Après, oui, l’ambition de notre sponsor est de passer en Conti-Pro, mais est-ce que ce sera en 2019 ou en 2020, à l’heure actuelle, je ne peux pas répondre à la question. On va déjà essayer de réaliser les meilleurs résultats possible cette saison, et on fera un premier bilan cet été par rapport au futur.
Propos recueillis par Charles Marsault (crédit photo : etienne garnier, interpro - stradalli)