Alors que l’arrivée d’un sponsor majeur comme Total Energies devait permettre à la structure dirigée par Jean-René Bernaudeau de s’assurer d’une certaine qualité sur le plan sportif, le bilan est finalement plutôt négatif. Plus inquiétant encore, la formation vendéenne semble chuter dans la hiérarchie au fur et à mesure que les saisons passent.
Symbole de ces difficultés, la place de Total Energies au classement UCI, qui lors de la mise à jour du 6 février, devrait présenter un score négatif. En effet, si seulement 11 petits points ont été marqués, une pénalité de 15 unités vient annuler le faible pécule accumulé depuis le début de saison.
L’occasion donc pour nous de faire le point, sur les aspects qui paraissent problématiques, et qui sans changement drastique, risquent d’entraîner l’équipe dans le mur assez rapidement.
C’est un peu le point central lorsque l’on va poser des questions sur le fonctionnement de la formation Total Energies. Cette notion d’absence de remise en question de méthodes en place depuis longtemps déjà, et qui paraissent dépassés, surtout dans un monde du cyclisme où la concurrence est de plus en plus forte.
Cette idée aussi que certains dans le staff profitent de la gentillesse du patron, et font tout simplement acte de présence, qu’ils sont là, parce qu’ils l’ont toujours été. Et qu’à vrai dire, la situation actuelle ne les perturbe pas tant que ça tant que l’avenir est assuré et que personne ne vient se plaindre publiquement.
Bref, cette rumeur persistante qui consiste à expliquer qu’on pense d’abord à son propre cas avant de réfléchir au bien commun, et à tirer le groupe vers le haut. Mais après tout, pourquoi agir différemment si personne ne vient jamais vous taper sur les doigts et que personne ne vient jamais remettre en cause vos choix ou vos résultats ?
Car c’est ça le plus important lorsque l’on parle d’une structure de haut niveau, obtenir des résultats et se montrer performant tout en cherchant toujours à s’améliorer. C’est par ailleurs la différence entre une équipe pro et un club de potes qui se retrouvent le dimanche. Entre potes, on cherche avant tout à s’amuser et à se faire plaisir, alors que dans une structure de haut niveau, on est rémunéré pour obtenir des résultats, et quand ça ne fonctionne pas, logiquement, on doit rendre des comptes.
C’est aussi souvent pour cela que de plus en plus de structures ne mélangent plus le personnel et le professionnel, en embauchant les gens pour leurs qualités, et non plus comme il y a une vingtaine d’années pour leur lien de parenté avec X ou Y, ou encore pour leur côté sympathique.
L’une des conséquences de ce qui a été évoqué dans le premier paragraphe, c’est le manque de maîtrise du système de points qui coûte très cher à Total Energies. Car clairement, et de l’avis de nombreux fans ou observateurs, la structure vendéenne avait largement moyen d’aller chercher Uno-X pour la 3ème place en Pro Team en 2023.
Et c’est cet échec qui coûte aujourd’hui très cher à l’équipe. Car cette 3ème place était synonyme de qualification automatique pour toutes les épreuves d’un jour du World-Tour cette saison. Très cher parce que la conséquence directe est sans appel, Total Energies va louper le Tour des Flandres, Milan-San Remo, les Strade Bianche ou bien encore le Het Nieuwsblad. Et cette liste risque fort de s’allonger dans les semaines à venir.
Autre problème, le choix du calendrier apparaît également assez hasardeux. Louper Majorque par exemple, aller mobiliser une partie de l’effectif au Rwanda sur une épreuve peu rémunératrice, alors qu’Oman, l’Algarve ou encore l’Andalousie sont en Pro Series, représentent des choix assez curieux,. Comme l’est celui des coureurs envoyés sur certaines épreuves depuis le début de saison.
Et le résultat de ces décisions, c’est que même sans la pénalité de 15 unités, Total Energies a récupéré seulement 11 points UCI en 5 courses.
Alors certes, les points ne font pas tout, mais cela signifie que l’équipe n’a placé que 3 coureurs dans le top 25 de pas moins de 5 épreuves de classe .1 à la concurrence réduite, et c’est cette stat qui fait mal.
C’est l’un des bruits de couloir qui circule depuis quelques temps, cette idée que quoi qu’il se passe, les gros salaires de l’effectif iront sur les grosses courses, sans forcément qu’il y ait cette saine concurrence interne, censée servir de carburant pour l’ensemble de l’effectif. Une mise en concurrence logique, où le leader doit prouver sa valeur, et où l’équipier lui trouve une raison de prouver qu’il peut avoir sa place sur les plus grands évènements du calendrier. Et sans cette possibilité d’ascenseur hiérarchique, difficile de trouver la motivation de se transcender, de se dépasser pour gagner sa place. Et par conséquent de se rendre service en même temps qu’au groupe, qui se retrouve tiré vers le haut.
Le serpent de mer depuis le départ de Specialized l’an passé. Et si l’essentiel a certainement été sauvé en évitant l’une des marques qui était en négociation avec la structure, de nombreux bruits font état d’un problème concernant le matériel. Dur d’en connaître exactement la nature, car les coureurs sont soumis au silence radio par rapport aux sponsors, mais cela n’empêche pas que la grogne se fait sentir, et le fait que l’on entende que la patience est réclamée à ce niveau par l’encadrement.
Problématique quoiqu’il en soit à l’heure des gains marginaux, où chaque aspect de la performance compte.
L’inquiétude des fans, c’est aussi un point assez central et qui revient dans la plupart des discussions que nous avons pu avoir avec eux. Que ce soit en public ou en privé, ceux-ci expriment en effet de nombreuses craintes. Parmi elles, le manque de compétence d’une partie du staff, la trop grande gentillesse de Jean-René Bernaudeau par rapport à ses « historiques », le copinage au détriment de la performance, ou bien encore le manque de maîtrise du calendrier.
Et pour changer les choses, ils sont tous quasiment unanimes, il faut Thomas Voeckler, l’ancienne star et symbole de l’équipe, seul capable pour les fans de remettre la maison en état de marche. De ne rien lâcher, et d’apporter de la rigueur dans la gestion tout en laissant de côté les considérations personnelles.
Et si une équipe ne peut logiquement pas être gouvernée par les envies des fans, difficile d’être néanmoins en désaccord sur la plupart des points soulevés. Notamment la partie concernant le besoin de professionnaliser l’équipe et de recruter un manager sportif à poigne, sous peine de foncer à pleine vitesse dans un mur qui se rapproche de plus en plus.