Après trois années passées dans l’équipe américaine EF-Education First, Pierre Rolland a décidé de revenir en France et d’intégrer la structure de Jérôme Pineau, le Vital-Concept Cycling Club. Pour Velo-Club, il fait le point sur ce passage outre-atlantique, et la suite de sa carrière.
Lorsque vous avez signé chez Cannondale, vous expliquiez que vous ne vouliez pas tomber dans une routine et que vous aviez besoin de changement. Qu'est-ce que vous retenez de ces années chez Jonathan Vaughters ?
Quand je suis parti d'Europcar en 2015/2016, j'avais besoin d'un changement. Cela faisait 8 ans que j'étais dans la même équipe, que je courais en France, j'avais besoin de voir autre chose pour ne pas avoir de regrets, pour savoir ce qu'il se passait loin de nos frontières. C'était un besoin et une envie.
Le plus gros changement a été de passer d'un calendrier assez français avec beaucoup de jours de course à un programme où je courais beaucoup moins, et surtout en World-Tour. La première année, j'ai fait beaucoup de stages en altitude, c'était une grande découverte et un gros changement. Ces périodes de 4-5 semaines sans courses entre chaque compétition, c'était un peu une révolution pour moi qui avais l'habitude de beaucoup courir, de réaliser des grandes courses (Paris-Nice, Tour de Catalogne) avec entre deux des courses en France (Sarthe, Paris-Camembert) qui remplissaient beaucoup mon calendrier. Il a donc fallu que je m'adapte à ces grandes plages d'entraînement, à une approche différente des compétitions, du contre-la-montre, du contre-la-montre par équipe…
Cette année, l'équipe EF-Education First a réalisé une saison assez compliquée, notamment sur le Tour de France. Comment expliquez-vous cela ?
Les histoires de sponsor se retirant au mois d'août dernier ont affaibli l'équipe. Plusieurs coureurs sont partis comme Dylan Van Baarle ou les coureurs italiens, notamment Alberto Bettiol qui a finalement décidé de revenir en 2019. L'équipe était donc un peu repartie sur une jambe, c'était compliqué.
Et à titre personnel, quel bilan tirez-vous de cette saison ?
J'ai réalisé une saison moyenne. J'ai marché sur le Dauphiné qui était un objectif. Ensuite, au Tour, j'étais coéquipier d'Uran qui est tombé et qui a abandonné, c'était un Tour un peu compliqué d'un point de vue collectif. Après, à la Vuelta, je ne marchais pas trop mal. Il y a une étape (la 4ème, remportée par Ben King) où je termine 3è, et je n'aurais pas dû laisser passer la victoire, car ça me tenait vraiment à cœur de gagner à la Vuelta pour pouvoir épingler mon nom sur les 3 Grands Tours.
Après, ce n'est pas une mauvaise saison mais je n'ai pas eu de réussite, disons que je n'avais pas le vent dans le dos.
J'imagine qu'il y a aussi eu la déception de ne pas participer aux Championnats du Monde ?
Je suis sorti un peu malade de la Vuelta mais ça ne m'inquiétait pas plus que ça. Mais au bout de trois-quatre jours, ça ne passait pas, je voyais bien que je refaisais de la fatigue lorsque je m'entraînais, ce n'était donc pas raisonnable de me rendre sur une compétition où tout le monde se doit d'être à 100%. J'ai préféré laisser ma place plutôt qu'avoir des regrets.
Vous avez décidé de changer d'équipe. Était-ce un choix particulier de revenir en France après 3 années passées dans une équipe étrangère ?
Oui, c'était un élément important dans ma réflexion. Pas une obligation, mais si j'avais dû choisir entre deux équipes avec un projet similaire dont une étrangère, j'aurais privilégié un retour en France. La décision de rejoindre Vital-Concept a été assez rapide, car le projet de Jérome Pineau était celui qui m'excitait le plus, le rôle qu'on voulait me donner était celui qui me faisait le plus envie. D'un point de vue sportif, je n'ai donc pas beaucoup hésité.
La présence de Cyril Gautier a-t-elle joué ?
Jérome était intéressé par le duo que nous formions, et ça a forcément simplifié pas mal de choses. Pour Cyril et moi, c'était une vraie envie de recourir ensemble; c'est donc un luxe d'avoir trouvé quelqu'un qui adhérait à 100% à notre envie. Jérôme nous a suivi, le sponsor aussi.
Quel sera votre rôle dans cette équipe ?
Il n'est pas encore totalement défini : on va se regrouper bientôt, faire des stages…
Forcément, on comptera sur moi dans les terrains escarpés, compliqués, mais je n'aurai pas qu'un travail de leader en montée. J'aurai aussi comme rôle de pousser le groupe vers le haut toute l'année. J'ai envie de faire une grande saison, une saison pleine, de retrouver les courses que je n'ai plus disputé depuis 3-4 ans. J'ai envie d'avoir un gros calendrier, avec beaucoup de compétition, et de courir comme je le faisais avant chez Europcar, en me faisant plaisir en course. J'aime la compétition et je m'entraîne pour la compétition.
Vous avez confiance dans la sélection de votre équipe pour le Tour ?
On espère évidemment y être, comme tous ceux qui sont en Continentale-Pro, même si certains ont plus de chances que d'autres. On espère décrocher un maximum d'invitations sur les courses qui nous intéressent : le Dauphiné, le Tour, La Vuelta, Liège-Bastogne-Liège qui est une course qui me tient à cœur. Pour l'instant, nous ne sommes sûrs de rien, on a fait beaucoup de demandes pour participer aux plus belles courses et on attend les réponses.
Que vous inspire le tracé ? Beaucoup de haute-montagne, c'est bon pour vous, non ?
C'est un super tracé de Tour, avec beaucoup d'altitude ! Forcément, un Tour pour grimpeurs, on y pense tout de suite : il n'y a pas 10 jours de plat, des cols comme La Planche des Belles Filles sont superbes… Le parcours du Tour est toujours beau, mais celui-ci plus encore que certaines années donc on a forcément envie d'y être. J'ai fait 9 Tour de France d'affilée, je ne me vois pas passer un été dans mon canapé. J'espère juste que les organisateurs nous laisseront le temps d'enfiler un maillot, de montrer qu'on aura une place et un rôle importants au mois de Juillet.
Christian Prudhomme a proposé la disparition des SRM sur le prochain Tour, y êtes-vous favorable ?
Je ne suis pas pour ou contre, mais si tout le monde dit que ça ne change rien, alors ils peuvent les enlever. Je suis surtout pour retirer les GPS en course, car je trouve que c'est dangereux : les coureurs les mettent dans les descentes pour prendre plus de vitesse, plus de risques. Je m'en sers beaucoup à l'entraînement, je trouve que c'est génial mais en compétition, c'est dangereux : on voit les virages qui s'ouvrent et se referment, comme en Rally, ça fait prendre des risques mais on ne voit pas si il y a un obstacle sur la route, des gravillons…
Après, on peut aussi faire sans les SRM, on peut les accrocher à la selle pour récupérer les données. Même chose pour les oreillettes, on peut très bien les enlever. Sinon, je rejoins surtout la position de Romain Bardet qui propose d'augmenter le nombre d'équipes présentes sur le Tour mais de les réduire à 6 ou 7, j'approuve à 100% cette proposition.
Propos recueillis par Noé Szymczak