Bonjour Nicolas, un mot tout d’abord sur la polémique qui a alimenté la toile début janvier, peux-tu nous préciser ce qui s’est passé avec Chris Froome lors du camp d’entraînement de décembre ?
Polémique, je ne sais pas trop, on n’a pas bien compris ce qui s’est passé, mais Chris va très bien. Le stage s’est bien passé, et en plus de rouler, il lui fallait des traitements journaliers, ce qui était prévu depuis longtemps. C’est pour ça que nous n’avons pas bien compris cette polémique, enfin ce buzz qui a du le gêner lui et qui était clairement inutile. D’ailleurs on a pu le voir lors du second camp aux Canaries, tout va bien et il faut juste laisser un peu de temps aux choses parfois. Honnêtement, je ne sais donc pas trop ce qui s’est passé.
Il va reprendre la compétition le mois prochain lors de l’UAE Tour, quelles seront ses ambitions pour les premières semaines de reprise ?
Je ne serai pas vraiment avec lui, mais j’imagine que le plus important pour lui, c’est qu’il arrive au mois de juillet en pleine forme. C’est un long chemin, et pour l’instant tout se passe très bien, et on sait que si il y a un gars qui est capable de revenir au niveau pour remporter la plus grande course du monde c’est Froomey. Même après les pépins qu’il a eu, il en est capable. Toutes les courses, et tous les camps d’entraînement sont donc construits dans cette optique.
Concernant l’UAE, ça va clairement être une course de reprise.
Pour finir sur Froome, tu as déjà un peu évoqué le sujet, mais quelles sont ses chances selon toi de revenir à 100% de son niveau au départ du prochain Tour de France ?
C’est le genre de questions auxquelles je ne préfère pas répondre (rires). Personne n’est capable de savoir, même lui ne sait pas. Mais nous, on le connaît, et comme je le disais tout à l’heure, si il y a un coureur sur qui je miserais, ça serait lui. Il a un tel mental, tout en étant extraordinaire physiquement, on ne peut pas avoir fait tout ce qu’il a fait sans être mentalement et physiquement au-dessus de la moyenne des athlètes de haut niveau. Et pour tout ça, l’équipe est à 100% derrière lui.
Puisque l’on évoque le Tour de France, le groupe devrait être très solide au départ, mais allez-vous le construire différemment sachant qu’il n’y a pas de chrono par équipes et peut-être moins d’étapes pièges ?
Oui, exact, c’est un Tour de France un peu étrange. Maintenant, on a des coureurs qui sont tellement polyvalents qu’on peut s’adapter à tout type de parcours, et nos coureurs qui vont au Tour, ils savent presque tout faire. Pour prendre un exemple, quelqu’un comme Castroviejo, il peut grimper en haute montagne, rouler fort pour étirer un peloton, et en même temps faire un sprint dans les 20 premiers. C’est donc l’idée, d’avoir une équipe polyvalente qui puisse compenser si un des gars a un coup de moins bien sur une journée, comme ça on peut changer si besoin les rôles en permanence.
Pavel Sivakov nous indiquait récemment qu’il souhaitait prendre le départ de la course, quelles sont ses chances de participation ?
Il a toutes ses chances. On a planifié pour lui la saison avec la possibilité d’aller au Tour de France. Après il n’est pas le seul sur la liste, et il y a beaucoup de coureurs qui postulent pour une place, mais il a fait une super saison 2019, en étant notamment incroyable lors du Giro. Il a beaucoup de maturité surtout au niveau de sa lecture de la course et de notre manière de courir. C’est aussi pour cela que l’on pense à lui pour la Grande Boucle et qu’il est dans la liste des coureurs qui vont potentiellement faire le Tour de France. Ensuite, on verra pour la sélection finale.
L’équipe a signé plusieurs jeunes talents cette saison, dont Ethan Hayter et Carlos Rodriguez Cano, quelles seront les attentes les concernant en 2020 ?
Comme nous n’avons pas d’équipe réserve, l’idée avec les jeunes est de penser au futur. C’est intéressant de les intégrer au groupe, mais comme ils sont très jeunes, il faut leur aussi leur laisser le temps de grandir. On y va étape par étape avec eux, il faut tout d’abord qu’ils se sentent bien quand ils sont avec nous.
Un mot sur les français, où est en t-on du projet de faire gagner le Tour de France à un tricolore sous le maillot du Team Ineos ?
Ah ça, ça serait bien ouais (rires). On verra un jour, je l’espère en tout cas, et de mon côté j’espère aussi qu’un français va gagner le Tour de France. L’an passé, on avait confiance en nous, mais on sentait que ça poussait dur entre Alaphilippe et Pinot, et on savait que ça allait être compliqué de gagner. J’avais aussi senti une équipe FDJ très structurée, qui courrait vraiment en groupe. Après, pour revenir à ta question, ouais c’est clair que j’aimerais bien avoir dans l’équipe un français capable de gagner le Tour, c’est un rêve forcément mais je suis également très comblé par les gars qu’on a, et finalement, la nationalité ça ne change pas grand-chose.
Pour conclure un mot sur les jeunes talents qui émergent de plus en plus tôt, comme Bernal, Pogacar, Evenepoel, etc...N’y a t-il pas un risque de voir des carrières plus courtes les concernant, ou penses-tu qu’ils peuvent se maintenir pendant plus de 10 ans à un excellent niveau ?
C’est une bonne question, car c’est vrai que l’on voit les jeunes arriver de plus en plus tôt. Le vélo, à la base, c’est un sport d’endurance, et on pourrait se dire que quand on est très jeune, on a un peu moins de caisse et d’endurance justement, et ces jeunes talents prouvent le contraire. Le cyclisme change, et se structure certainement de mieux en mieux à la base, et notamment au sein des clubs amateurs.
Après, ça peut aussi tout simplement être une question de génération, même si je pense qu’on va de plus en plus assister à ça, à des éclosions plus précoces. Mais est-ce qu’ils résisteront sur la durée ? Je dirais pourquoi pas car c’est un sport d’endurance, mais il faudra bien gérer les carrières, et l’élément le plus important pour moi, ce sera le mental. Le cyclisme demande tellement d’efforts et de privation, et c’est ça aussi qui fait que l’athlète peut durer ou pas, suivant sa capacité à s’imposer sur la durée tous ces sacrifices. Physiquement pour moi ils pourront gérer, et tout dépendra de leur mental, car ce n’est pas facile de vivre longtemps loin de la famille et des amis. Un cycliste n’a aucun week-end, donc les anniversaires, les réunions familiales, tous les événements importants, tu les loupes, et ça peut coûter à force si tu passes 10 à 15 ans chez les pros, sans oublier les années amateurs avant.
Propos recueillis par Mylène Terme