Alors qu'il vient de signer son grand retour dans les pelotons au sein de la formation Amore et Vita, l'ancien champion olympique Miguel Martinez nous a accordé en exclusivité un entretien où il évoque sa passion et les raisons de ce come-back à l'âge de 44 ans.
Bonjour Miguel, un mot tout d’abord la situation actuelle, où l’on t’a senti impliqué puisque tu as livré des courses pour les personnes âgées pendant le confinement ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’impliquer à ce niveau ?
C’est venu du fait que je n’aime pas trop le home-trainer, donc je cherchais une solution pour pouvoir sortir. Ici en Bourgogne, il y a pas mal de personnes âgées qui sont délaissées, et on m’a dit qu’elles avaient besoin d’aide. Cela a donc été assez immédiat et j’ai sorti mon vélo pour leur en apporter un peu.
Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?
Beaucoup en terme de relation humaines, ce qui fait chaud au coeur, surtout dans des périodes comme celle que nous avons vécu. Je ne vis qu’avec mon fils, donc ça faisait du bien de voir un peu de monde et d’apporter de l’aide, tout en respectant bien entendu les gestes barrières. J’ai senti dans le regard des personnes que ça leur faisait du bien qu’on s’occupe d’elles, et avoir ce type d’échanges pour moi ça vaut tout l’or du monde.
La demande a par ailleurs été très forte, et c’est en pratiquant cette activité que l’idée m’est venue de revenir à haut-niveau.
Justement j’allais y venir, est-ce que c’est vraiment ce moment qui t’a incité à faire ton « come-back », l’idée n’était pas déjà présente dans un coin de ta tête ?
Oui et non, car j’avais signé un contrat VTT, mais avec la crise, l’équipe m’a signalé que ça allait être compliqué cette année. Je ne voulais pas attendre 6-7 mois en plus, car forcément à mon âge, plus tu attends, plus tu commences à baisser les bras.
J’ai donc contacté l’équipe Amore et Vita en me disant que j’avais une chance sur cent d’obtenir une réponse favorable, mais ils m’ont directement indiqué que si je me sentais prêt physiquement, eux étaient partants.
C’est une formation que tu as connu en 2008, quels souvenirs tu gardes de cette première expérience ?
Même si les moyens ne sont pas ceux du World-Tour, j’avais adoré car c’est une ambiance qui est vraiment familiale, c’est ce qui m’avait plu. Malheureusement à cette période je traversais une période très compliquée sur le plan personnel, car j’étais en pleine séparation et je ne voyais pas trop mes enfants. En fait, je n’étais pas assez serein sur le plan perso pour faire du vélo à 100%.
Maintenant je n’ai plus de problèmes, je suis avec mon fils de 17 ans, et on partage la même passion en faisant du vélo ensemble, mes parents ne sont pas très loin non plus. Pour réussir dans le vélo il faut vraiment être à 100% comme je l’étais au début des années 2 000, et c’est de nouveau le cas maintenant.
Si l’on revient sur Amore et Vita, tu l’as dit précédemment, tout a été simple finalement et ils ont rapidement accepté ta proposition.
Oui, mais ils m’ont quand même demandé si je m’entraînais bien, ils ont vérifié que je roulais bien, et ont analysé mes données de puissance pour être sûr que je ne racontais pas de bêtises, car même si on est restés en contact, cela fait 12 ans que j’ai quitté l’équipe. Pour eux c’est un sacré challenge de mettre un coureur en plus, surtout à mon âge, 44 ans.
Tu as signé jusqu’à la fin de la saison ?
Oui j’ai signé un contrat renouvelable jusqu’à la fin de la saison. En fait, ce que j’ai demandé également, c’est de pouvoir passer directeur sportif si jamais ça n’allait pas côté sportif. Mon but, c’est aussi de retrouver le milieu pour mieux le comprendre et entamer également une reconversion. Je pense vraiment que j’ai besoin de revivre dans le milieu pro que j’ai quitté il y a quelques temps déjà pour mieux l’appréhender comme je te le disais.
Tu évoquais les données de puissance et le niveau, comment juges-tu le tien justement au moment de reprendre ?
Sincèrement je n’en sais rien, enfin si, quand je vois ce que les coureurs peuvent produire en terme de watts en fin de course, et moi ce que je peux faire après une sortie de plus de 3 heures, je me dit que je ne suis pas tellement loin du compte, mais il va vraiment falloir que je m’abrite et être exigeant à ce niveau.
Et puis bon, on ne me demande pas de faire des résultats, et il y a une grosse différence entre être un coureur qui va chercher la gagne, et quelqu’un dont l'objectif dans un premier temps sera de suivre. C’est la première marche, suivre. Après, ce sera de pouvoir aider mes leaders, grâce au VTT j’ai la capacité d’être très fort en fin de course et sur une courte durée, donc je peux mettre un gros coup de boost pour aider à ce niveau.
Et si tout ça se déroule bien, pourrais-tu avoir des objectifs un peu plus personnels ?
J’aimerais, car comme tout coureur on a envie de faire quelques classements, mais la question pour l’instant c’est : si je prends une échappée qui va au bout, est-ce que je serais capable d’aller au bout avec eux ? Prendre des relais avec eux je m’en sens capable, mais avoir les watts après 200 bornes jour jouer la gagne, je suis complètement dans l’inconnu. Il n’y a qu'en participant à des courses que je serai capable de savoir si mon corps n’est pas trop usé et si j’en ai encore les capacités.
Quand on a été champion olympique on reste toujours un peu compétiteur en plus j’imagine.
Oui, mais je suis réaliste, entre la différence d’âge et mon arrêt de carrière, il y a un sacré trou comme on dit, et je m’attaque à l’Everest.
Pour terminer sur le sportif, as-tu déjà établi un calendrier de courses ?
Oui, on en a déjà parlé. Je devrais débuter en Roumanie lors du Sibiu Cycling Tour. Ensuite, je participerai au GP Gippingen et enfin la Volta Portugal, donc déjà trois belles courses pour débuter, et je vais vite comprendre si je suis dans le bain ou pas.
Surtout lors de la Volta Portugal, où ça envoi du lourd niveau Watts.
Oui on m’a dit que lors du Tour du Portugal, ça roulait extrêmement fort. L’an passé un de nos coureurs y a gagné une étape, Marco Tizza, et il connaît bien la course. Mais bon, je continue à emmagasiner du foncier avec au minimum trois heures de vélo par jour depuis la fin du confinement, et la motivation est là. De plus, je ne pars pas sur une carrière de 10 ans, donc c’est plus facile mentalement, même si l’idée est de continuer le plus longtemps possible car c’est un mode de vie qui me plaît.
Pour conclure, quelle différence vois-tu entre le vélo des années 2 000 et celui actuel ?
J’espère que ça roulera parfois moins vite que dans les années 2 000, qu’il y aura moins de rouleaux-compresseurs comme à l’époque d’Armstrong où c’était infernal. Je suis arrivé dans des années et je n’ai pas peur de le dire où ça roulait beaucoup trop vite, je ne pouvais rien faire, rien, et pourtant j’étais l’un des meilleurs Vttistes du monde avec une Vo2 max hors du commun, et dès que je suis passé sur la route je n’étais plus à la hauteur.
C’est intéressant ce que tu dis car tu as couru dans les années noires niveau dopage avec Armstrong. Si tu avais été champion olympique à un autre moment, par exemple en 2016, penses-tu que tu aurais eu ensuite une autre carrière sur la route ?
Oui tout à fait. J’ai regardé certaines références du passé, car j’avais gardé des notes de mes performances de l'époque. Et lorsque je regarde mes données, je serais actuellement dans les 15 premiers, alors que dans les années 2000, j’étais seulement dans le top 40. Il y a eu des évolutions du bon côté. Je vois par exemple dans le peloton on explose plus rapidement qu’avant. Avant, t’en avais 3-4 qui passaient par la fenêtre, mais tu voyais encore des sprinters en haut des cols qui étaient avec nous. C’était un peu n’importe quoi, pour être grimpeur à l’époque il fallait être super grimpeur.
Bon j’aimais tellement mon sport que je ne disais rien, mais je voyais bien le système. Après peut-être aussi que j’étais un très bon Vttiste et un très mauvais routier (rires).
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter dans cette nouvelle aventure ?
Du positif, que je me fasse plaisir sur les compétitions, que je continue à aimer ce mode de vie, et ça sera déjà pas mal. Après ce que je ne voudrais pas c’est faire tomber un jeune coureur qui a un gros avenir, que tout se passe bien et que je ne finisse pas sur une fausse note, même si techniquement avec mon expérience du VTT, et le fait que j’ai déjà participé au Tour de France, normalement, je sais tenir ma place au sein d’un peloton.
Par la rédaction de Velo-Club