Interview : Julien Jurdie dresse le bilan de la saison d'Ag2r-La Mondiale

Interview : Julien Jurdie dresse le bilan de la saison d'Ag2r-La Mondiale

Bonjour Julien, pour débuter quel bilan tirez-vous de cette saison 2020 ?

Plutôt mitigé, pour l’ensemble du peloton ça a été une saison atypique, et j’espère que le format que nous avons vécu en 2020, on ne le vivra pas en 2021, ça a été assez stressant malgré tout de subir tout cela. Malgré ce bilan mitigé pour l’équipe, je retiens aussi un bilan plutôt bon pour le cyclisme de manière générale. Je pense que le vélo est sorti grandi de cette pandémie en terme d’organisation, les courses ont eu lieu, tout le monde a fait preuve de beaucoup de professionnalisme et à tiré dans le même sens pour traverser cette crise, et je pense que nous avons donné une belle image de notre sport.

Concernant Ag2r-La Mondiale, nous avons fait un début de saison correct mais malheureusement tout s’est vite arrêté début mars. Nous avions bien préparé les garçons pour la reprise et tout le monde s’est montré professionnel durant le confinement pour arriver en bonne condition sur les courses. A partir du mois d’août, tout a été très condensé et le bilan sportif est mitigé, car on ne peut pas se satisfaire de 5 victoires et 11 podiums, on attendait un peu plus en terme de succès et de performances.

Nous avons également manqué de réussite, et j’aurais par exemple voulu voir Romain Bardet à 100% au départ du Tour de France. Pierre a également chuté, tout comme Oliver, et tout ça a fait que nous avons été pénalisés sur certaines épreuves. Même si on ne peut pas se cacher derrière ça et que chaque équipe à son lot de problèmes, Ag2r-La Mondiale a pas mal subit de malchance.

Notre rédaction a attribué la note de 9,5/20 dans son bilan, cela vous paraît-il juste ou trop sévère ?

Quand j’ai dit mitigé, j’aurais donné 11/20, car on a une victoire d’étape sur le Tour de France et il n’y a pas beaucoup d’équipes qui ont gagné cette année sur la Grande Boucle. Avec ce succès pour moi on obtient la moyenne, surtout si l’on rajoute les belles performances de Benoît, donc oui, je trouve un peu sévère de ne pas avoir la moyenne sur le bilan de la saison. 11 ou 12 ça reflète un peu plus la saison d’Ag2r-La Mondiale, car j’insiste la-dessus, il n’y a pas beaucoup d’équipes qui gagnent sur le Tour de France, et on sait que ça reste l’objectif numéro 1 pour toutes les formations présentes au départ.

Dans notre bilan, nous évoquions également de belles promesses, avec Champoussin et Parêt-Peintre notamment pour leur 1er GT, quel regard portez-vous sur leur saison ?

Ce sont deux garçons avec deux histoires différentes, Aurélien avait déjà effectué une saison l’an passé avec nous, et on avait déjà vu en début d’année des choses intéressantes, notamment lors du Tour La Provence. C’est à partir de là qu’on s’était dit qu’on le mettrait dans le groupe Tour de France et il a donc effectué toute la préparation avec nous. Finalement on a fait le choix de ne pas l’aligner, car il est encore jeune et je pense que c’était une bonne chose. Il a donc pris part au Giro, et c’est très intéressant de voir la régularité dont il a fait preuve sur trois semaines. Il était également présent sur les chronos, ce qui pour un grimpeur est important dans l’optique du futur et pour obtenir de bons classements généraux.

Pour Clément, c’est un peu différent, il découvrait un peu ce monde là, car son contrat commençait au 1er avril, et avec la pandémie, il n’a pas pu courir avec les pros avant l’été. Il a donc fallu découvrir et s’adapter à pas mal de choses, et je pense qu’il a bien réussi à ce niveau. Sa Vuelta va lui faire beaucoup de bien. Il a beaucoup de choses à apprendre notamment en terme de concentration et de placement, et je pense que cette formation accélérée durant le Tour d’Espagne va lui être très bénéfique pour le futur. Ses qualités, on les connaît, on sait que c’est un excellent grimpeur et qu’il roule bien, et je pense qu’il est bien armé pour faire une belle saison 2021.

La grosse satisfaction, c’est forcément Benoit Cosnefroy, quelles ambitions pour lui l’an prochain dans une équipe qui sera beaucoup plus costaud sur les classiques notamment ?

Ce sont les grandes satisfactions oui avec Nans Peters qui a remporté une victoire d’étape sur le Tour de France. On attendait beaucoup Benoît sur les Ardennaises, et il a répondu présent. C’est quelqu’un qui supporte bien la pression, qui aime avoir le leadership. Nous avons énormément d’ambitions avec lui, ses qualités de puncheur sont vraiment intéressantes, que ça soit sur les étapes avec des arrivées difficiles, ou les courses d’un jour comme les Ardennaises, mais aussi les courses canadiennes ou Milan-San Remo. Vous l’avez dit, on aura en plus plusieurs cartouches l’an prochain sur les classiques et ça sera intéressant de pouvoir distribuer les cartes sur certaines courses.

Un mot sur Romain Bardet forcément, qu’est-ce qui fait que ça n’a pas pu se signer pour la prolongation ?

L’équipe était très très intéressée à l’idée de continuer avec Romain, car il est attaché à la structure et nous étions très content de son comportement. C’est un garçon avec de grandes valeurs, et c’est clair que nous avions tout intérêt à continuer à travailler avec lui. On sait aussi très bien qu’il va briller l’an prochain donc on avait intérêt à le garder.

Nous avons fait des propositions sportivement et en terme de contrat qui étaient très intéressantes, mais on s’est séparés en très bon termes, car il est tout à fait compréhensible qu’après 9 ans passés au sein de l’équipe Romain veuille découvrir autre chose. Une autre histoire, une autre culture...Il va se mettre un petit peu en danger et c’est tout à son honneur de partir dans une équipe étrangère. Il a beaucoup hésité, car sa famille c’est Ag2r-La Mondiale, il a pesé le pour et le contre et il n’y a pas de soucis la dessus, quand il nous a donné sa décision, il n’y a pas eu d’histoires. On a vécu beaucoup de belles émotions avec lui et tout ça s’est fait avec beaucoup de respect et d’amitié. Une fois de plus on a très bien compris sa décision, même si nous nous sommes battus jusqu’à la fin pour essayer de le conserver. J’étais présent avec lui pour sa dernière course sur les routes du Tour des Flandres, et je peux vous dire qu’il y avait beaucoup d’émotion. Je n’oublierai jamais Romain, j’ai eu la chance de faire beaucoup de courses avec lui, et je ne retiendrai que des bons moments avec lui. Je lui souhaite bonne route chez Sunweb, et je suis persuadé qu’on verra un excellent Romain Bardet lors de la saison 2021.

L’an prochain, l’équipe va énormément de renouveler avec pas moins de 11 recrues, sans toutes les citer, j’aimerais évoquer Lilian Calmejane, qu’allez-vous mettre en place pour le relancer et quelles ambitions le concernant ?

Lilian était très intéressé par rapport à l’idée de rejoindre Ag2r-La Mondiale. Nous avons eu de longues discussions avec lui, il a un profil qui nous plaisait. On sait que c’est un garçon qui a un fort caractère, on a signé un accord d’un an, il a besoin de se relancer et je pense que c’est le bon moment dans sa carrière pour le faire et changer de « crèmerie ».

Il va se retrouver dans une équipe assez forte avec de grosses personnalités et de gros caractères, et ça va certainement le soulager de ne pas avoir le leadership, car parfois il sera équipier pour Benoît Cosnefroy, Greg Van Avermaet ou d’autres coureurs. On va certainement se préparer à faire le Giro avec lui avec de l’ambition, même si c’est encore à l’étude. On va travailler beaucoup de choses avec Lilian, et je pense qu’il peut nous apporter beaucoup comme nous pouvons lui en apporter beaucoup également. La 1ère chose, c’est de retrouver le chemin de la victoire, on sait qu’il est très dynamique et qu’il va falloir canaliser cette énergie, attaquer au bon moment, et c’est à nous de le guider.

Je pense qu’il y a de belles choses à écrire avec lui.

Pour conclure, on voit Ag2r miser de + en + sur la jeunesse, est-ce quelque chose que vous souhaitez cultiver sur le long terme, avec vos différentes filières de jeunes notamment ?

Oui, c’est quelque chose sur lequel on va beaucoup travailler. Les U19 vont être bien présents l’année prochain, le CCF aussi. Que ce soit Benoît, Romain, Aurélien ou Clément, nous avons beaucoup de garçons issus du centre de formation. C’est très important pour nous, et on a la chance d’avoir les meilleurs espoirs de l’hexagone, et ça serait bête de ne pas se servir de ça. On va s’appuyer énormément la-dessus, on sait que la jeunesse depuis quelques années pousse beaucoup, et on va se servir beaucoup du CCF et des U19 dans le futur.

On a d’ailleurs vu de jeunes colombiens du Team Inca arborer un logo Ag2r sur leur maillot lors de la Vuelta Juventud, peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

Je n’ai pas toutes les données du dossier pour vous en parler, mais c’est clair que c’est quelque chose qu’on souhaitait élargir au niveau du continent sud-américain. Je sais qu’il y a des personnes qui travaillent sur le dossier, mais je ne peux pas vous en dire plus car ce n’est pas moi qui maîtrise le plus le sujet, mais on a un œil sur l’Amérique du sud, où on sait qu’il y a des coureurs de talent.

Propos recueillis par Mylène Terme.

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