Vous découvrez cette année le niveau World Tour. Qu’est-ce qui vous a marqué depuis ce changement d'univers?
C'est une autre catégorie où tout est mis en place pour la performance, que ce soit au niveau du staff ou du suivi des coureurs à l'entraînement, voir du suivi médical. Et puis même au niveau des courses. Les stages, les reconnaissances 2 jours avant la course... C'est tout un ensemble qui fait que même si je ne suis pas néo-pro, il y a encore beaucoup de découverte à faire.
Quelles sont les différences notables entre les courses World Tour et celles du niveau Continental ?
Ce sont des schémas de course qui me plaisent. La décision se fait dans le final. C'est beaucoup plus cadenassée, plus “rouleau compresseur”. On roule 4 heures à bon train puis la dernière heure et demi, les plus costauds se dégagent. L'approche et les distances sont totalement différentes également. C'est une à deux heures de plus que les courses que je pouvais faire avec l'Armée, l'année dernière.
Quelles sont les qualités primordiales pour courir en World Tour: résistance endurance ou capacité à accélérer ?
C'est un peu tous les trois à la fois: beaucoup d'endurance car on est sur des courses de 6h30, beaucoup de résistance également car c'est très nerveux et il faut tout le temps être à l'avant de la course. Et enfin, pour jouer la gagne où faire un résultat, il faut également avoir ce petit punch qui permet d'accélérer à un moment clé.
Vous êtes arrivé sur le tard en World Tour. Avez-vous tout de suite été reconnu par vos pairs?
Je suis arrivée dans une structure où il n'y a pas d'à priori sur les âges, que tu aies 20 ans ou 30, on te demande la même chose. Mais sinon, j'ai été très bien accepté par tout le monde ainsi que les leaders.
Aviez-vous des craintes quant à votre niveau vis à vis de celui exigé par le World Tour ?
Oui, tout de même c'était quelque chose que je découvrais et que je ne connaissais pas du tout, si ce n'est à la télé. Donc je me demandais si je serais capable de pouvoir aller à l'avant de la course ou de réaliser le travail que l'on me demandait de faire. Mais ça s’est bien passé.
Quel rôle vous avait confié AG2R au moment de l’embauche?
L'équipe AG2R avait fait le choix de reformer le groupe des Flandres et j'ai été recruté dans cette optique. Je devais épauler un leader. Il y avait 3 personnes qui se détachaient Stijn Vandenbergh, Oliver Naesen et Alexis Gougeard. Avec les résultats qui ont suivi, Oliver est ressorti leader absolu sur ces courses.
Comment expliquez-vous les difficultés qu’ont pu connaître les anciens membres du groupe des flandriens chez AG2R ?
C'est compliqué de juger l'ancien groupe vu que je n'y étais pas. Mais de ce que je peux ressentir, l'équipe a vraiment fait des efforts. Sur l'aspect matériel, sur la définition des rôles de chacun, c'est sans doute ce qui a permis au groupe de bien marcher. Personne n'a revendiqué le leadership et Oliver est devenu le leader incontesté sur cette période à la pédale. La mayonnaise a pris et l'ensemble du groupe a bien fonctionné, même si on reste sur un peu d'amertume avec la chute d'Oliver dans les Flandres et ses problèmes mécaniques sur Paris-Roubaix.
Le groupe a été profondément remanié, cela a dû jouer
Oui, le groupe des Flandriennes était nouveau à 50 % par rapport à l'année précédente. Il y a eu un bon recrutement et le groupe s’est soudée autour de deux trois personnes. Ce qui joue aussi, c’est que ce sont deux belges (Stijn Vandenbergh et Oliver Naesen). Ils l'ont vécu toute leur jeunesse dans cette ambiance et pour le groupe, c'était important d'avoir cette expérience. Comme le disait Oliver, on a monté des monts comme celui du Vieux Quaremont, qu'il monte peut-être 200 fois dans l‘année à l'entraînement, alors que pour nous ça doit monter à maximum 20 fois dans l'année. Les Belges vivent vraiment pour ces classiques. Ils ont vraiment cette mentalité que peut-être nous français, on a pas totalement.
Et vous concernant, pourquoi cet attrait pour ces flandriennes ?
Ce sont des courses qui me faisaient et qui me font toujours rêver. Ce sont des courses atypiques avec une ambiance dingue, des courses de gladiateurs où l'on sait que l'on part au départ pour 6h30 en étant totalement concentré, car il peut se passer plein de choses pendant la course. C'est la magie du vélo et de ses courses là : on peut être le plus fort sur le papier mais ce n'est pas dit que l'on gagne la course. Parce qu'il y a tellement de facteurs comme les chutes, les crevaisons ou les problèmes mécaniques qui peuvent entrer en compte et qui font que la course est toujours ouverte.
Vous n’aviez pourtant finalement presque jamais couru sur ces courses. Cela n’a-t-il pas été handicapant ?
J'avais déjà fait chez les espoirs Paris-Roubaix espoir, ça m'a permis de voir que j'aimais bien ce type de course. Mais en effet, les continentales sont rarement invitées sur ce type d'épreuves. En plus de Roubaix j'avais fait Kuurne Bruxelles Kuurne, 4 ou 5 autres courses en Belgique. Vu mon gabarit et mes capacités physiques, c'est plus vers ce type de courses de toute façon que je peux m'orienter.
Vous avez abandonné Roubaix cette saison. Que s'est-il passé ?
Il y a eu énormément de problèmes à Roubaix. J'ai chuté avec Durbridge, après, j'ai crevé, j'ai dû épauler Oliver qui a eu pas mal de soucis également. Toutes les cartouches sont comptées et dans le final, ça compte énormément. Puis dès qu'on est un peu loin de la tête de course ça ne sert plus à rien d'insister. C'est une course qui est en ligne droite vers Roubaix, les assistants n'ont pas trop le temps d'attendre et on se retrouve vite tout seul. Le facteur chance est de 50 % sur Paris-Roubaix et Oliver n'en a pas eu non plus alors que c'était peut-être le plus fort de la course. Ou en tout cas l'un des plus forts. C'est ça qui fait la magie et l'histoire de ce type de compétition.
Qu’en est-il de vos ambitions personnelles sur cette période ?
Ah, c’est compliqué sur ses courses. En plus je les découvrais, donc je n'avais pas vraiment d'ambition personnelle. Après, on espère toujours, on se dit, “pourquoi pas moi?”. On ne sait jamais, si l'échappée dans le Tour des Flandres arrive au Vieux Quaremont avec 5 minutes d'avance … On ne sait jamais c'est la magie du vélo. On peut toujours espérer mais on est conscient que sur 260 km, en partant du kilomètre zéro sur un tour de Flandres, c'est super compliqué d'aller jusqu'au bout. Mais il faut toujours y croire Si on ne tente rien on a rien il vaut mieux tenter et après on verra
Quel est votre plus grand souvenir de cette période ?
Ce qui m'a le plus impressionné, c'est la présentation du Tour des Flandres. Il y avait énormément de monde, des jeux de lumière, de la musique... Et même le nombre de spectateurs que l'on a pu voir tout au long de la route ! Sur 270 km je pense qu'il y a dû y avoir 10 km en tout et pour tout sans spectateurs. C'est vraiment ça qui se dégage des classiques. C’est magique et exceptionnel.
Vous avez eu la chance de côtoyer pour sa dernière campagne, Tom Boonen
Oui ! C'est je pense le meilleur coureur des classiques. C'est un Monsieur dans le cyclisme mondial et particulièrement dans les Flandres. Il a apporté tant au vélo, aux spectateurs, et aux coureurs du peloton. D'avoir pu le côtoyer dans ses dernières classiques c'est quelque chose d'exceptionnel. Je pourrais dire au moins : “j'ai couru avec Boonen dans ses dernières courses”.
Qui voyez-vous succéder à Tom Boonen ?
Il y a un nouveau Monsieur qui est en train d'émerger c'est Greg Van Avermaet qui va peut-être prendre le flambeau.
Quel bilan personnel tirez-vous des flandriennes 2017 ?
Je tire personnellement un bon bilan pour une première. J'y ai pris énormément de plaisir en servant entre autre de point d’appui à Oliver sur le tour des Flandres. Ce sont des courses qui m'ont fait et me font toujours rêver.
Comment vivez-vous la période qui suit la fin des flandriennes ?
J'ai l'impression de commencer une nouvelle saison. C'est un gros premier cycle qui se termine maintenant on va se concentrer sur des épreuves comme les 4 jours de Dunkerque, le Grand Prix de la Somme... des épreuves pour puncheurs que j'ai déjà faites et qui me plaisent.
Comment va s’orienter votre nouvelle saison ?
Je vais courir les prochaines courses dans un groupe qui sera plus ou moins le même que celui des flandriennes. Le groupe des grimpeurs qui est sur les ardennaises, lui va bientôt partir en stage en Sierra Nevada. De notre côté il y aura un mélange entre le groupe de la Coupe de France et des classiques C'est un noyau de 15 coureurs.
Quel rôle allez-vous avoir ?
Ce ne sont pas des courses World Tour et il y aura certainement plus de libertés pour les coureurs. Elles me plaisent, j’en connais les circuits et leur final. Ce sont des courses ouvertes ou l'équipe autorise un peu d'improvisation pour laisser des coureurs dits “de seconde zone” de pouvoir s'exprimer également Je peux le faire et je pense que l'équipe me fera confiance pour ça. Après ce sera à moi de saisir la chance et si un moment je vois une opportunité, je n'hésiterai pas, tout comme je n'hésiterai pas à me sacrifier pour un sprinter ou un leader.
De qui vous sentez-vous proche, chez Ag2r ?
C'est sûr que j'ai lié des affinités avec le groupe des classiques. On a vécu un mois ensemble H24, 7 jours sur 7… Après, il y avait des coureurs que je connaissais déjà très bien avant d'aller chez AG2R. Alexis Gougeard avec qui j'étais amateur chez l’USSA Pavilly Barentin. Il y a aussi Quentin Jaurégui et Rudy Barbier avec qui j'ai couru à Roubaix J'ai également de bonnes relations avec Samuel Dumoulin On s’est souvent affronté pour jouer la gagne sur les courses l'année dernière.
Que pensez-vous de la bonne entame de saison de votre ancienne équipe, l’Armée de Terre ?
Je suis très content pour eux! Ils sont dans une très bonne dynamique et ça permet de voir qu'il n'y a pas que le World Tour dans le cyclisme. Que des “petites équipes” comme Auber, Roubaix ou l'Armée peuvent s'exprimer sur ces courses-là, c’est très bien pour eux. Moi j'ai vécu 2 années exceptionnelles avec l’Armée, je m’y suis très bien senti.
Comment c'était la vie de cycliste militaire ?
C'est une équipe de vélo mais on va dire que c'est un peu plus, car il y a quand même le côté militaire qui entre en jeu. Les coureurs sont plus proches les uns des autres Et on y vit sans doute des moments plus fort que dans d’autres équipes, on est militaire, on a une image à montrer autre que celle du simple vélo .En plus le groupe était plus petit donc tous les week-ends je voyais les mêmes têtes, les mêmes personnes, le même staff. L’armée ce sont des choses qui resteront gravées et j'ai pris énormément de plaisir avec ce groupe
Propos recueillis par Bertrand Guyot