Interview : Dmitriy Fofonov "On avance doucement, mais surement"

Interview : Dmitriy Fofonov "On avance doucement, mais surement"

Interview : Dmitriy Fofonov "On avance doucement, mais surement"

Joint ce jeudi au téléphone, Dmitry Fofonov était loin de s'attendre à vivre un samedi si difficile sur le Giro entre l'abandon de Miguel Angel Lopez et le temps perdu par Jakob Fuglsang. Toujours est-il que le Manager d'Astana a pris le temps d'évoquer avec nous l'avenir de la formation kazakhe tout en revenant également sur le Tour de France qui a une étape près aurait pu être une grande réussite.

Le Tour et les Championnats du Monde viennent de se terminer. Le Giro a débuté ce samedi. La Vuelta approche. Ce calendrier intense n'est-il pas trop dur à gérer ?

On se casse la tête parfois. En trois mois, on aura fait les trois Grands Tours, les Championnats du Monde, toutes les classiques. Je ne vous cache pas qu'on est assez juste niveau effectif actuellement. Pour la Vuelta, il ne faut pas qu'on ait de la casse. Sur les classiques, on n'est pas complets. C'est difficile. Mais on savait que ça allait être chargé. C'est une année exceptionnelle.

Pour l'avenir des équipes professionnelles, il était impératif que le Tour de France ait lieu. À ce titre, vous devez être soulagés ?

C'est l'événement le plus important dans le calendrier. On ne va pas se le cacher. C'est le troisième événement mondial derrières les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de football. C'était important de rouler, et c'est bien qu'il n'y ait pas eu trop de malades. Il y a eu en plus une belle course.

D'un point de vue sportif, quel bilan faites-vous de votre Tour ?

L'équipe a bien travaillé et n'a rien à se reprocher. Il y a d'abord eu cette victoire d'étape d'Alexey Lutsenko. On ne se le cache pas, depuis son arrivée dans l'équipe on courait après une victoire kazakhe sur le Tour. Cela faisait depuis la victoire d'Alexandre Vinokourov sur les Champs Elysées que cela n'était pas arrivé. Ce fut une journée magnifique, qui plus est de la manière que cela s'est fait. C'était planifié, et quand tout se passe comme ce que l'on a imaginé c'est superbe. Après, on est déçu bien entendu de ne pas avoir fait le podium avec Miguel. Pour la première fois, en plus, on avait bien réussi à gérer jusqu'au chrono puisqu'on était à 1min 45 du maillot jaune et non du podium. Jusqu'à présent, il n'avait jamais été aussi près puisque si on regarde ses précédents Tours il était souvent à trois minutes au bout de deux semaines. Là, on a bien géré. Il a gagné l'étape reine avec une arrivée en haute altitude où on savait qu'il pourrait mettre en difficulté Pogacar et Roglic. L'équipe a fait du bon boulot et a été bien aidé par Bahrain qui avait un collectif plus fort. Suite à cette victoire, on est arrivé sur le podium et on y a cru. Normalement, sur le chrono il ne devait pas perdre autant de temps. Ça a été une journée sans. Ça reste du vélo, ce ne sont pas des machines. On avait fait nos calculs, mais ça n'a pas été à la hauteur de ce qu'on espérait. On a perdu six minutes.

C'est étonnant puisque Miguel Angel semblait monter en puissance au vu des dernières étapes alpestres. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

On ne sait pas. Miguel s'est excusé et a remercié tous les gars pour le boulot effectué. Après trois semaines d'efforts, on ne sait pas comment le corps peut réagir. Tout le monde pensait que Pogacar allait avoir du mal puisqu'il semblait en difficulté sur les dernières étapes et finalement sur le chrono il a été le plus fort. On ne sait pas si c'est le mental qui joue. De notre côté, on a analysé plein de chose et on n'a pas trouvé les réponses.

Miguel Angel Lopez a démarré le Giro en soutien de Jakob Fuglsang et Aleksandr Vlasov. On imagine que l'équipe Astana a de l'ambition au départ de cette épreuve ?

On a une très bonne équipe avec nos trois meilleurs coureurs. Derrière on a Rodriguez. On a aussi des coureurs d'expérience comme Boaro. Felline, c'est se première année avec nous mais c'est un bon équipier quand il faut travailler. Il monte en puissance puisqu'il a gagné le Memorial Marco Pantani. Il devait être au Tour, mais se blessure a changé nos plans. Puis pour les deux dernières coureurs on a dû malheureusement faire des changements de dernière minute puisque nos deux jeunes Kazakhs Vadim Pronskiy et Yuriy Natarov ont été cas contacts. La journée de mercredi fut du coup particulière. Prenez le cas de Jonas Gregaard qui dispute son premier Giro. Il était prévu qu'il fasse la Flèche Wallonne. Il était dans le bus pour le petit briefing d'avant-course. Il a eu juste le temps d'aller faire une interview pour un média danois qu'à son retour on lui a dit : « range ton vélo et fait ton sac ! ». Contreras, lui, est parti juste après la course. Je le répète, mais c'est une année spéciale. Il faut s'en cesse s'adapter.

C'est cependant important de courir...

Oui, mais ce n'est pas facile pour les coureurs. Le niveau est très élevé car tout le monde est à fond. Mais ça va être intéressant de voir ce qu'il va se passer sur le Giro. Car avec cette intensité, les coureurs commencent à être fatigués.

Jakob Fuglsang est votre leader désigné, mais on peut s'attendre à une bonne performance d'Aleksandr Vlasov...

Oui, c'est un très bon coureur qui promet. Mais on ne sait pas comment il va être sur trois semaines. Il n'a encore jamais disputé de Grand Tour. On espère qu'il soit fort, mais le leader reste Jakob. On verra après en fonction de la physionomie de la course comment ça va évoluer.

Quel objectif vous fixez-vous sur ce Giro ? Le podium ?

En partant avec une équipe comme ça ce serait dommage de rater le podium. Après, on a beau avoir des objectifs élevés il n'y a qu'un seul coureur qui gagne.

Quels sont pour vous les favoris de ce Giro ?

Il y a Vincenzo Nibali et Geraint Thomas. Après il y a Carapaz. Vincenzo, on le connaît bien, il a beau être discret tout au long de la saison il sait être prêt quand il le faut. Il s'était fixé un Milan-San Remo et il est allé se le chercher. Là, c'est le Giro.

Après le Giro aura lieu si tout va bien la Vuelta. Quel sera votre leader à cette occasion ?

C'est une bonne question (rires). Ion Izagirre a recommencé à rouler mais sa blessure (clavicule) est compliquée puisqu'il n'a pas pu être opéré. Alexey Lutsenko, ça fait une semaine qu'il ne s'entraîne pas (Covid19). Même si vous n'avez pas se symptômes, il faut respecter les protocoles. On ne joue pas avec la santé des coureurs. On verra donc.

Pour parler d'Alexey Lutsenko, il n'a toujours pas prolonger avec Astana pour 2021. Un départ est-il envisageable ?

Le champion Kazakh doit rester chez les Kazakhs. On est en discussions. C'est à lui de jouer maintenant. Après, il n'y a pas de fumée sans feu. Mais on est confiant.

Qu'en est-il du recrutement pour la saison prochaine ? Astana a été plutôt discret pour le moment.

On avance doucement, mais surement.

Est-ce que cette attente est liée au futur incertain de certaines formations (CCC, NTT...) pour voir si des opportunités se présentent ?

Oui, mais bon il faut aussi avoir l'argent pour. On a un budget fixe, des coureurs qui sont sous contrat. On ne peut pas tout se permettre. Mais bien-sûr qu'on regarde ce qu'il se passe.

Miguel Angel Lopez va partir. Qu'en est-il des frères Izagirre qui arrivent en fin de contrat ?

On est en discussions. On avait déjà commencé avant le Tour et ça devrait aller. On a de bons rapports.

Vous êtes donc confiant pour 2021...

On est plutôt confiant, oui. Après, dans le monde actuel il peut y avoir des surprises. Mais on a des sponsors solides. On remercie d'ailleurs le soutien de Samruk Kazyna qui est notre sponsor principal. Il y a Premiertech au Canada, Willier puis d'autres partenaires qui jouent le jeu.

Peut-on savoir quand vous commencerez à communiquer ? Après le Giro ?

Oui, car la saison est décalée. Le Tour, où l'on discute beaucoup, s'est terminé en septembre. Il y a beaucoup d'incertitudes sur des équipes. Le marché cette année est bizarre. Il faut agir différemment.

Propos recueillis par Alexandre Paillou (@Bettini photo)

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