Alors que la saison débute ce jeudi en Provence pour Astana-Premiertech, nous avons eu l'occasion il y a quelques jours de nous entretenir avec le « Team Manager Performance (1) » Dmitriy Fofonov qui évoque avec nous les perspectives de l'équipe pour 2021.
Toute l'équipe s'est réunie à Benidorm le mois dernier. Comment s'est passé ce premier camp d'entraînement ?
Très bien, nous étions les seuls à l'hôtel ce qui nous a permis de bien respecter la bulle. On a bien roulé, on a bien travaillé. J'ai senti beaucoup de calme et peu de nervosité. Les trois premiers jours la météo n'était pas terrible, mais on s'en est bien sorti après. On fait la présentation « virtuelle » de l'équipe. Compte tenu des conditions sanitaires, tous les sponsors n'ont pas pu venir. Seuls Wilier et Corima étaient là. Jean Bélanger, de Premiertech, n'a pas pu venir du Canada, mais il nous a laissé un message.
Rodrigo Contreras, lui aussi, était absent. Pour quelles raisons ?
Il a été retenu à la frontière. Harold Tejada, lui, a pu partir. Peut-être que cela dépend des régions. C'est dommage. Les coureurs colombiens ont besoin de dérogations spéciales maintenant en passant par leur fédération.
Ce stage était l'occasion d'intégrer les nouveaux coureurs. Vous êtes satisfaits sur ce point ?
Oui, on a fait comme d'habitude. Il y a eu les tests, la mise en place du nouveau matériel. Puis on a mis l'accent sur les entraînements. Ça s'est bien passé, on a pu les observer. De manière générale, le groupe a bien travaillé. On avait peur qu'en l'absence de stage en décembre les coureurs soient un peu en retard, mais ils ont bien bossé à la maison. On est dans le bon timing, maintenant il ne reste plus qu'à courir. Malheureusement, on a pu voir que les courses commençaient à s'annuler à droite et à gauche.
C'est le cas notamment du Tour de Valence où Astana-Premiertech était censé effectuer sa rentrée. On imagine que cette situation est un véritable casse-tête ?
Ça l'est pour l'UCI surtout. Car je ne sais pas comment ils vont faire pour tout recaser avec les courses World Tour et les Grands Tours qui sont en parallèle. Si on prend notre équipe, on a peut-être plus d'espace au mois de mars. Mais il y a des mois où nous sommes sur trois fronts. Sincèrement, je ne sais pas comment on va faire.
D'un point de vue sportif, comment évaluez-vous le cru Astana-Premiertech 2021 par rapport à celui de 2020 ?
On a rajeuni l'effectif, mais on n'a rien perdu au niveau de la qualité. On a peut être moins d'expérience, mais on a tenté de créer des groupes homogènes avec dans chacun d'entre eux des coureurs d'expérience comme Gorka Izagirre, Luis Leon Sanchez ou Jakob Fuglsang.
Aleksandr Vlasov sera votre leader pour le Giro. Lors de la présentation de l'équipe, Alexandre Vinokourov évoquait une éventuelle victoire comme objectif. C'est réaliste ?
Pourquoi pas ? On ne partira pas en favori, mais on a tous les atouts. Vlasov n'est pas encore monté sur un podium, mais il a démontré sur la Vuelta que c'était un coureur stable sur les Grands Tours. Il peut briller sur le classement général si il est épargné par les maladies ou les chutes. On partira pour se battre pour le meilleur résultat possible et on ne cache pas qu'on aimerait bien gagner. Ça fait un moment que l'équipe n'a pas gagné un Grand Tour. On est passé près d'un podium sur le Tour l'an passé avec Miguel Angel Lopez. Il n'avait jamais été aussi près d'une victoire.
Quels coureurs seront là pour l'épauler sur la course italienne ? Luis Leon Sanchez et Harold Tejada ont déjà annoncé leur présence...
Gorka Izagirre devrait être là aussi. Après, on a des jeunes coureurs comme Jonas Gregaard qui sont susceptibles d'y être. Mais comme à chaque fois on prévoit assez large et on regardera au fur et à mesure qui est le plus apte à être sélectionné.
Jakob Fuglsang sera lui au départ du Tour. Vous nous confirmez qu'il ne jouera pas le général ?
C'est ça puisqu'il visera surtout les Jeux Olympiques. Maintenant, la question est de savoir si ils auront vraiment lieu. C'est ça qui est le plus dur, c'est cette incertitude. L'an dernier on s'était arrêté plusieurs mois, mais on savait très bien qu'à une certaine date on allait reprendre. On avait cet objectif. Là, on est un peu dans l'inconnu. Que ce soit pour Jakob ou pour Lutsenko, on a tout construit autour des Jeux Olympiques.
Quels objectifs, justement, en terme de résultats vous fixez-vous pour cette saison 2021 ?
On est une équipe spécialisée sur les Grands Tours, on vise les courses par étapes. Chaque fois qu'on court, on court pour la gagne. Il n'y a pas de petites courses, toutes les victoires sont bonnes à prendre. Si vous me dites qu'à la fin de la saison on a gagné un Grand Tour et une trentaines de victoires à côté je signe tout de suite.
Vos deux leaders arrivent en fin de contrat en fin d'année. Aleksandr Vlasov étant notamment, il y a quelques mois, annoncé du côté d'Ineos. Vous êtes confiants pour les conserver ?
Vous savez ce qu'on dit : « les chiens aboient et la caravane passe ». Jakob est l'un de plus anciens de l'équipe. Il sait où il est et il nous fait confiance. Au moment où il faudra décider on ira s'asseoir pour discuter. Mais je ne pense pas que pour Jakob l'argent soit un problème. C'est plus une question de confiance, l'équipe qui l'entoure et le professionnalisme qui joue. Et je suis sûr que si il a choisi auparavant l'équipe Astana, il l'a fait pour une bonne raison et non pas juste pour toucher un chèque.
Et pour Vlasov ?
C'est pareil. Pour l'instant on est plus concentré sur les performances et on veut bien préparer le Giro afin de réussir à le gagner ou à terminer sur le podium.
Vous nous aviez indiqué lors d'un précédent entretien partir sur des cycles d'au moins quatre ou cinq années avec les coureurs. Vous espérez en faire de même avec le coureur russe ?
On souhaite bien entendu le conserver. Est-ce que c'est Ineos qui est parti chercher Vlasov chez Gazprom ? Est-ce que c'est Jumbo ? Non. C'est Astana qui l'a repéré, c'est Astana qui lui a permis d'aller chercher des victoires l'année dernière. Il n'a pas fait ça tout seul. Ces victoires, il les a eu avec Astana. On l'a mis en confiance, on attend en retour la même chose. Pour l'instant, il ne veut pas trop rentrer dans ces histoires d'enchères. De toute façon, pour un coureur c'est les résultats qui parlent. On va attendre le Giro, et après on discutera.
Premiertech est désormais copropriétaire de l'équipe et semble vouloir s'investir sur le long terme. C'est plutôt rassurant pour le futur ?
Oui, Jean Bélanger est un vrai passionné et est très motivé. Il a donné un coup de main l'an dernier à l'équipe et prend désormais un peu plus d'importance.
Est-ce que cela pourrait offrir d'autres perspectives à l'équipe à moyen terme ?
On a un budget et on doit le respecter. Même si Premiertech est arrivé, ils nous donnent un budget précis. Et à nous de faire avec. Après, j'y reviens ce sont les résultats qui parlent. Imaginez qu'on gagne le Giro, on pourra derrière s'assoir autour d'une table pour discuter.
Il pourrait donc être revu à la hausse ?
L'appétit vient en mangeant. Jean Bélanger aime le vélo, mais c'est aussi un grand chef d'entreprise. Il nous fait confiance, à nous de travailler pour avoir des résultats. Si on gagne le Giro, pourquoi ne pas investir derrière pour jouer la gagne sur le Tour de France l'année qui suit. Cela demandera du coup en effet un budget supplémentaire.
Propos recueillis par Alexandre Paillou
(1) Nouvelle appellation du poste occupé par Dmitriy Fofonov.