De retour d'un séjour pour le moins atypique sur les routes de Tunisie, où il a participé avec son équipe Occitane CF à deux épreuves de classe .2, dont le Tour de La Pharmacie Centrale de Tunisie, Guillaume Gaboriaud a pris le temps, pour Velo-Club.net de revenir sur cette folle semaine.
Dès notre arrivée au comptoir TUNISAIR à l’aéroport de Toulouse – Blagnac, les péripéties ont commencé. Notre DS avait un mail comme quoi l’ensemble des bagages vélos étaient « gracieusement offert par la compagnie, dans le cadre du partenariat sportif avec le Tour de la Pharmacie Centrale ». Sauf qu’une fois au comptoir, on apprend que seulement 2 vélos sont offerts (sur 6 donc).
S’en suit une bonne heure de négociation. Après chaque négociation, notre DS revient « bon maintenant 3 vélos ! », puis 4 vélos... Puis au final, ceux qui n’avaient qu’un bagage à main (le staff) avait le droit à un bagage en soute, donc on a fait passer les vélos manquant en tant que bagage en soute « normal ». Et on a dû payer tout de même un excèdent de bagage de 75€. Bref, on n’était pas parti qu’on était déjà dans l’ambiance « galères et négociations ».
Ces négociations auraient d’ailleurs pu nous mettre en retard, mais non, on apprenait que de toute façon le vol avait 1h de retard. Un tarif de base en Tunisie. Ça y est on va donc pouvoir décoller !
A l’arrivée, nos bagages ne sont pas là. Aucun voyageur de notre avion n’a ses bagages sur le tapis prévu à cet effet. On patiente. On patiente encore. Puis l’affichage n’annonce plus Toulouse, mais le vol suivant (arrivant de Madrid). Ça commence à gueuler gentiment. Les madrilènes reçoivent leurs bagages. Les tunisiens commencent à gueuler plus fort (en général les discussions commencent en français, et se finissent en tunisien sur un ton agressif). On préfère prendre ça à la rigolade dans l’équipe, ça nous occupe. Au final, on a nos bagages, un bon 2h plus tard.
L’organisateur avait prévu un bus à notre arrivée, et heureusement malgré le retard (bien 4h cumulé), il est là. C’est un vieux car des années 60, il nous emmène à l’hôtel c’est folklorique. 100 m à côté de l’hôtel, il y a un soldat lourdement équipé avec un famas. Il est minuit. L’hôtel nous avait laissé une petite assiette, il nous indique que le restaurant est fermé et qu’il faut manger dans nos chambres. On prend donc notre petite assiette sur nos lits, en se disant que c’est bien maigre pour aller faire 175km le lendemain !
Il faut encore aller remonter les vélos avant d’aller se coucher, car le lendemain l’étape est à 9h. On peut enfin se coucher à 1h passé, réveil 6h pour manger 3h avant, ça pique !
On n’a aucune info sur le parcours (si ce n’est leur roadbook très peu fourni et qui s’est avéré assez loin de la réalité concernant les profils), on ne sait pas non plus comment on rejoint le départ et où il est. Il nous indique rassemblement 7h à l’hôtel. On partira finalement vers 8h, en apprenant 5min avant qu’en fait on rejoignait le départ à vélo. C’est d’ailleurs assez drôle, car les organisateurs ne disent rien, ne communiquent pas, et d’un coup te dise « allez allez diiipaaaar, on y vaaa », et ils nous pressent, alors que ça devrait faire 1h qu’on devrait être parti.
Une fois au départ, il se met à pleuvoir, on s’affaire pour s’équiper. Nous sommes prêts mais ça n’a pas l’air d’être le cas de tous, quand ils nous demandent de rejoindre la ligne de départ il y a encore un Tunisien qui met son dossard ! Il est pourtant 9h bien passé.
Alors qu’on attend sous la pluie, le départ fictif est enfin lancé ! Le peloton est bien maigre, on doit être 45. Dans Tunis, les routes sont hyper glissantes, il y a des voitures partout, on passe même sur une sorte d’autoroute. Peu avant la fin du fictif, je m’arrête avec mon coéquipier Julien à la voiture enlever le collant et la thermique. On repart dans la circulation sur l’autoroute, c’est le bordel !! Les voitures roulent n’importe comment, souvent à 3 de front (sur une 2x2 voies), et voir même à 4 de front ! Et les voitures des DS ne sont pas mieux. D’autant plus, que la voiture médecin, l’ambulance, photographe ou encore des voitures « spectateurs » se glissent au milieu / entre / à côté des voitures des équipes. On se fraye un chemin entre les voitures, en minimisant les risques, car on sent le danger permanent autour de nous, surtout qu’il pleut et que la chaussée est très glissante.
Quand on parvient à rentrer sur le peloton, le départ est lancé immédiatement, et dans la foulée je suis la 1ère attaque. Ça n’ira nulle part. Il y a un gros vent de face, et dès qu’un groupe sort, les mecs ne veulent pas rouler. Les attaques s’enchaînent pendant une quinzaine de km. Il y a un fort vent, et je propose à Jean qu’on tente une bordure, mais il n’y a que lui et moi, alors tant pis. Finalement, on réussit à prendre le bon coup, avec Stéphane, et moi. On est une petite dizaine, la collaboration est bonne. Jean nous rejoint en solo peu après, au prix d’un gros effort. Je reconnais Dan Craven ou Gaetan Bille avec nous, je ne connais pas les autres. Il y a un autre SOVAC avec nous (j’apprendrai à l’arrivée qu’il s’agit de Reguigui), il donne l’impression d’être à bloc et saute énormément de relais. A noter qu’à peine parti dans l’échappée, on a vu un genre de Van venir nous encourager en étant à contresens de l’autre côté du terre-plein central (c’était une 2 x 2 voies). Il roulait donc dans le même sens que nous, en étant à contresens de la circulation (car de l’autre côté du terre-plein, la circulation roulait normalement bien sur). Tu te dis que ce n’est pas le même monde (rires).
On prendra jusque 2- 3 min d’avance. Heureusement la pluie s’est arrêtée, et on finira l’étape au sec. Puis, suite à un coup de bordure dans le peloton, un groupe de 10 revient sur nous, il y a Julien et Adrien. David Rebellin est aussi de retour dans ce groupe. Hélas, Cédric a eu une crevaison au moment des bordures, c’est le seul absent de l’équipe. On est tout de même bien représentés, avec 5 sur une petite vingtaine. Je relance donc la course à l’abord des 40 derniers kms. Je suis repris, ça profite à Jean qui contre, et qui s’en va pour un petit numéro en solo. La SOVAC roule au complet derrière lui (ils sont 5, il ne manque que Robin Stenuit, malade et donc sans force dans les bordures). Il résiste 15-20 km en solo !
Finalement repris à 10 km de l’arrivée, avant même d’être totalement rejoint, les SOVAC font une cassure pour Gaetan Bille qui s’en va en solo. Les anglais prennent leurs responsabilités. Gaetan est repris, on se dirige vers un sprint. Je sens que j’ai encore de la force pour faire un bon sprint, je me dis donc qu’avec Steph ou moi on a une vraie chance de victoire. Adrien, Julien et Jean me filent un coup de main pile quand il faut pour se replacer à l’abord du sprint. Ainsi, je rejoins Stéphane, et on est calé l’un et l’autre dans la roue des 3 anglais. Hélas, ils se tassent à 400m et ça profite à une vague revenue à droite de l’arrière. On relance, on double des mecs, je dois passer à droite dans le sable, mais ça ne suffit pas pour revenir sur les 2 Sovac qui allaient aussi vite que nous. On fait 3 et 4. Sur la fin du sprint, on rattrape les voitures ouvreuses qui étaient à peine 20m devant nous. D’un coup elles ralentissent pour s’arrêter juste après la ligne, on est à près de 60 km/h. Je coupe mon effort avant même la ligne, trop conscient du danger, et pile dès que celle-ci est passée, je dérape et passe de justesse, grosse frayeur avec les voitures. Mon coéquipier Jean, juste derrière a eu peur pour nous. On n’est pas passé loin de la cata.
J’apprends que c’est Reguigui qui gagne, et que c’était lui qui ratonnait toute la course, on est tous un peu frustré dans l’équipe par rapport à ça. Pas de spectateurs à l’arrivée, juste une Arche, pas de speaker non plus, on est loin de l’ambiance festive des classiques flandriennes ! On regarde nos têtes et on rigole, on croirait avoir fait du cyclo-cross. La pluie du début de course et les routes en mauvais état nous ont dégueulassé. L’hôtel est juste à côté, ça c’est cool ! Il a l’air sympa. Douche, massage, repas. On aura eu du riz à tous les repas. Plutôt surprenant, on s’attendait à un couscous à un moment, on n’en a pas eu un seul du séjour. La connexion wifi par contre est pourrie, j’ai dû réussir à ouvrir 3 pages internet de la soirée.
Pour ma part, j’ai passé une mauvaise nuit, réveillé à 3h30, je n’arrive pas à me rendormir, et à 4h30 je préfère me lever. Je suis donc le 1er au petit déjeuner à 6h. Peu après, c’est Rebellin qui arrive. Le wifi est vraiment mauvais, je n’arrive pas à avoir plus d’informations sur le parcours ou la météo. Un local me dit « les cols sont roulants, c’est de la grosse route, et pour la météo, pitetre il pleut pitetre il pleut pas ». Nous voilà bien avancés !
L’étape est lancée, comme la veille avec quelque peu de retard dans les différents horaires. 175km au programme, fine pluie et route semi-sèche au départ, on part un peu dans l’inconnue. Gros vent de ¾ face toute la course. Les SOVAC contrôlent derrière 2 échappées partis d’entrée. Dans les roues c’est assez tranquille, même si quelques rafales de côté rendent le peloton un peu tendu. On se permet tout de même un arrêt pipi. La météo se gâte gentiment, et je récupère mon K-way à la voiture, de même pour la plupart des gars de l’équipe. Le déluge de pluie commence, et ne s’arrêtera plus, on n’a fait à peine 25km. La route est détrempée. Les giclures des roues de devant donnent l’impression qu’il pleut un torrent. Sur le bord de la route il y a des bornes kilométriques où il a déjà la ville d’arrivée indiquée. Julien à côté de moi en queue de paquet, compte déjà les bornes « Le Kerf 154 », « 153 », « 152 »… La course semble interminable. Les 2 échappées de devant sont impressionnants, car avec le vent, ils creusent et ont maintenant 3-4 min d’avance.
Après 60km de course, je commence à avoir bien froid. Mais ça reste supportable, je vais chercher mes gants de plongée à la voiture, je n’arrive pas à les mettre et je m’arrête pour que mon DS me les enfile. Julien n’en peut plus, avec son mal de dent qui s’est déclenché dans la nuit, c’est trop et il abandonne. Jean a froid aussi et passe à la voiture, il me demande s’il peut prendre ma thermique qui est dans la voiture, je vois qu’il est simplement en chasuble et je sais qu’il marche fort en ce moment, dans ma tête je me dis « putain je commence à avoir froid, et je me doute que d’ici moins d’1h je vais avoir besoin de la thermique, sachant que je commence à cailler sévère et qu’il reste encore 3h de course mini, mais nan je peux pas laisser Jean comme ça ». J’indique à Jean qu’il peut prendre la thermique, et « inchallah je tiendrai ».
A suivre...crédit photo : Occitane CF/photographe officiel de la course