Nous vous proposons ce lundi la troisième et dernière partie de l'entretien réalisé il y a quelques semaines avec William Bonnet, le coureur de la FDJ.
Comment évaluez-vous l’évolution de la FDJ, notamment par ses résultats probants obtenus ces dernières années ?
WB : L’évolution on peut la voir dans la tactique des courses, et la manière dont la FDJ appréhende les courses. Avant, quand je suis arrivé il n’y avait pas de grands leaders désignés. C’était plus aller à l’attaque, tenter d’être dans les échappées, être plus offensifs. Aujourd’hui nous avons des leaders de talents avec Thibaut Pinot, Arnaud Démare et Arthur Vichot. Donc les courses, on essaye un peu plus de les cadenasser, et faire tout pour ces grands leaders quand l’un d’entre eux est présent sur la course.
L’équipe a mis du temps à prendre cette voie-là, nous n’avions pas les leaders. Mais maintenant qu’on les a, on fonctionne de la même manière que les autres équipes.
Puis contrairement au passé, la FDJ a notamment les moyens de conserver ses leaders aujourd’hui…
WB : C’était plus compliqué oui. Maintenant, l’équipe, le sponsor, ont mis les moyens dans tous les domaines, s’investissent beaucoup. Cela donne envie également aux leaders de rester.
Mais malgré ses récents résultats, même si c’est un peu moins vrai aujourd’hui pour la FDJ et notamment avec Thibaut Pinot. Nous sommes plusieurs membres sur le forum à faire la remarque sur le positionnement dans le peloton des plus petites équipes, ou des équipes françaises. Nous voyons ces équipes courir en second rideau dans le peloton, et donc plus exposées aux aléas des courses. Je prends également en exemple le récit de Steve Morabito (FDJ), qui au soir de l’arrivée à la Pierre Saint Martin (Tour de France 2015), évoquait l’agressivité physique des coureurs de l’équipe SKY à l’égard de la FDJ entre-autre. Notamment au sujet du placement de vos équipiers aux points clés de l’étape. Nous aimerions alors savoir s’il existe une sorte de hiérarchie du placement des coureurs selon l’équipe à laquelle on appartient ?
WB : Après le placement peut aussi résulter d’une volonté des leaders également. Ensuite, personnellement, je trouve normal qu’il y ait une hiérarchie quand une équipe est leader, qu’elle soit devant. Il y a un certain respect dans le peloton, un certain code. Après de là à ce qu’il y ait de l’agressivité, je ne suis pas d’accord. Sans avoir entendu les propos de Steve (Morabito), ça m’étonne car lui dialogue avec tout le monde, il est connu dans le peloton. Personnellement, je ne trouve pas qu’il y ait d’agressivité. Après l’équipe FDJ est de plus en plus respectée, et c’est du fait qu’il y ait des résultats. Thibaut et Arnaud s’imposent, les autres, en tant que leaders les respectent davantage. Cela permet alors à l’ensemble de l’équipe d’être un peu plus devant.
C’est-à-dire que si une équipe d’une manière générale, peine à obtenir des résultats, elle aura davantage de mal à se faire respecter et à rouler à l’avant du peloton ?
WB : Quand il y a un classement général déjà un peu établi dans une course, moi ça ne semble normal que les équipes les mieux classées soient les mieux placées devant. C’est une forme de logique, les leaders gagnent leur place sur les étapes précédentes. Cela montre un certain respect. C’est alors aux coureurs moins bien classés de faire leur retard.
Vous avez commencé à nous expliquer le déclic de l’investissement du staff et du sponsor autour de trois grands leaders, pourriez-vous nous en dire d’avantage ?
WB : Il fallait leur donner l’envie de rester. L’équipe a mis tout en œuvre pour leur montrer qu’elle avait envie de s’investir auprès d’eux. Autant dans le matériel que dans l’entrainement. Ils ont également fait venir des coureurs étrangers pour montrer qu’il fallait se renforcer de côté-là car on pêchait aussi à ce niveau.
C’est justement l’une des autres remarques faites sur le forum, avec « l’ouverture » de Marc Madiot à ce sujet. Par le passé, on sentait que le recrutement était tourné majoritairement vers les coureurs français, ou les coureurs membres des équipes appartenant au M.P.C.C. Nous nous demandions si ce changement venait également du souhait des trois leaders désignés ?
WB : Oui notamment la venue de Steve Morabito qui était une demande de Thibaut (Pinot). Les arrivées dernièrement de Jacopo Guarnieri et de Davide Cimolai c’est Arnaud (Démare) qui en avait fait la demande, et le staff a été à leur écoute. C’est très bien, ce sont des bonnes recrues qui apportent leur expérience de l’étranger. Leur façon peut être différente d’aborder les courses, tout cela apporte un plus dans l’équipe ça c’est certain.
Ces coureurs étrangers ont tout de suite souligné le grand professionnalisme de la FDJ…
WB : Je pense que les équipes françaises peuvent être parfois critiquées par les équipes étrangères. Je pense en effet qu’ils ont été agréablement surpris quand ils sont arrivés dans l’équipe. Comme je le disais, beaucoup de choses sont mises en œuvre pour les coureurs. Que ce soit dans les stages, en course, dans tout le développement pour chercher la perfection, et je pense qu’ils sont plutôt contents d’être là.
Pour autant, Marc Madiot incarne l’esprit familial autour de son équipe, avec ses coureurs. Est-ce que cette recherche de la perfection, de l’optimisation des performances a joué et fait évoluer cet état d’esprit ?
WB : Non, ça je pense que ça on ne pourra pas l’enlever. Marc est quelqu’un qui aime ses coureurs. Il ne cherche pas des mercenaires, il cherche des personnes qui s’apprécient, il cherche à ce qu’il y ait un « bien vivre ensemble ». Je pense que l’esprit familial est là. Maintenant on demande à l’équipe et aux coureurs d’être performants, donc on recherche dans un même temps la performance.
Une performance marquée par l’investissement croissant du staff de l’équipe dans les entraînements et les méthodes d’entrainements. Vous concernant, sans vous qualifier de coureur à l’ancienne, comment avez-vous vécu tous ces changements ? Avez-vous bien évolué avec votre temps ?
WB : Oui forcément, depuis mes débuts, on n’avait pas tous les outils qui sont mis à notre disposition aujourd’hui. Au Crédit Agricole nous avions un entraîneur pour toute l’équipe, ou certains avaient un entraîneur personnel. Aujourd’hui dans l’équipe on a quatre coachs différents, chacun avec un groupe de sept ou huit coureurs. C’est plus personnalisé. Après oui il y a les SRM, certains sont plus ou moins fans. Chacun dialogue avec son entraîneur référent. Je travaille avec Sébastien Joly, on s’appelle régulièrement. Il sait que je me connais, j’ai déjà un passé, je sais comment m’entrainer. On dialogue toujours, il m’apporte toujours quelque chose de nouveau pour essayer de casser la routine.
Puis il est très axé sur le test de matériel également…
WB : Oui c’est sa partie, de tester tout le matériel nouveau qu’il peut y avoir. Après j’ai couru avec lui, il me connaît aussi. C’est une question de confiance entre nous.
Et concernant l’apparition des SRM, renseigner vos entraînements sur internet, etc. Comment l’avez-vous vécu de votre côté ?
WB : J’ai mis du temps à m’y mettre. Les premières années nous avions une plateforme pour laquelle je n’étais pas très assidu pour remplir et renseigner toutes mes activités. Je m’y suis mis comme tout le monde car c’était nécessaire pour faire avancer l’équipe notamment. Mais tout n’est pas basé autour du SRM non plus.
On l’a vu, vous passez chaque année énormément de temps avec les autres coureurs en stage, en course, ou à l’entrainement. Mais vous arrive-t-il de passer du temps en dehors du vélo avec des coureurs de la FDJ, ou de d’autres formations ? Notamment avec Arnaud Démare pour votre proximité géographique ?
WB : Avec Arnaud non, on se côtoie en course ou à l’entrainement mais nous ne sommes pas de la même génération non plus. Quand on est chez nous on est déjà parti longtemps. J’aime bien rester auprès de ma famille, de mes enfants, de ma femme, pouvoir bricoler chez moi. Après j’ai d’avantage d’affinités avec Sébastien Minard qui était chez AG2R, avec la femme d’Arnaud Coyot qui nous a quitté. Je suis plus proche d’eux.
Avec Christophe Riblon ?
WB : Christophe est plus sur Beauvais, on se voit moins. C’est vrai qu’on est tous plus ou moins du même âge donc on a plus d’affinités ensemble.
Votre contrat se termine en 2018 avec la FDJ, combien de temps vous vous voyez continuer encore ?
WB : Sincèrement, je ne sais pas du tout. Ce sera tant qu’ils auront besoin de moi, tant que j’aurai aussi l’envie de partir en course, que je me fasse plaisir en course même si je galère sur les étapes de montagne avec Thibaut. Mais c’est toujours un plaisir de se retrouver, de pouvoir apporter quelque chose à l’équipe. Quand ils me diront que c’est fini, ce sera fini, on tournera la page.
Vous évoquez la notion de plaisir en course, et comme vous dites, en accompagnant Thibaut vous participez à des épreuves dont les profils des étapes ne vous conviennent pas vraiment…
WB : Oui mais pour moi ça a cassé une certaine forme de routine. Depuis mes débuts j’ai toujours fait le même programme de courses. Toujours les classiques belges, la coupure après Roubaix, reprendre à Dunkerque. Je n’avais jamais fait le Critérium International, les Tours de Romandie et du Pays Basque. J’ai fait la Flèche Wallonne. J’aurais bien aimé faire Liège mais ce n’était pas possible avec le Romandie après. J’ai pris beaucoup de plaisir à pouvoir changer de programme, être avec un autre groupe, faire autre chose.
Malgré ce changement de programme important, reste-t-il une course à laquelle nous n’avez jamais participé, et pour laquelle vous avez toujours été attiré ?
WB : Liège j’aimerais bien y participer, comme le Lombardie. Sans vouloir dénigrer les courses françaises ou Coupe de France, j’ai toujours été attiré par le haut niveau. Même si je galère sur ces courses, c’est là que je me fais le plus plaisir.
Nous aimerions savoir ce que vous a apporté le métier de coureur cycliste professionnel ?
WB : C’est le plaisir de partager avec d’autres, de découvrir de nouvelles cultures avec les étrangers de l’équipe, pouvoir voyager. On sait qu’on a beaucoup de chances de faire ce métier. On sait aussi que c’est éphémère, ça peut aller vite. On essaye de prendre le maximum de plaisir. Ça m’a amené le fait d’apprendre à ne pas lâcher, à persévérer.
Et avez-vous déjà commencé à réfléchir à votre après carrière ? Vous reconvertir dans le vélo, à l’image d’un des autres Picards de l’équipe, Martial Gayant.
WB : Non, c’est peut-être une erreur de ma part, j’en ai déjà discuté avec d’autres qui me posent la question. Je ne préfère pas y penser, car y penser je trouve que c’est déjà renoncer à sa carrière. Je préfère penser aux courses qui arrivent, plutôt qu’à l’après. Ça peut sembler être une erreur pour certains, mais ça reste mon point de vue.
Cet entretien se termine, question programme après le Giro, vous en savez un peu plus ?
WB : Non, il y aura les championnats de France bien évidemment. Tout dépendra s’il y aura le Tour de France, mais pour l’instant il n’y a rien d’établi, on verrait ça après le Giro.
William Bonnet merci beaucoup, j’espère que vous aurez pris plaisir lors de cet entretien.
WB : Merci à vous.
Propos recueillis par Axel Fouchet