Entretien avec William Bonnet (2ème partie)

Entretien avec William Bonnet (2ème partie)

Après la première partie diffusée la semaine passée, nous vous proposons ce vendredi la seconde partie de l'entretien réalisé il y a quelques semaines avec la coureur de la FDJ William Bonnet. Au sein de celle-ci, le français revient notamment sur ses débuts chez les pros.

 

Avant de commencer cette seconde partie d'entretien, nous aimerions savoir comment est-ce que vous vous sentez physiquement notamment suite à votre chute sur le Tour de France 2015. Avez-vous encore des séquelles aujourd’hui ?

WB : Non c’est du passé, comme je le dis à chaque fois, c’est une page qui est tournée, c’est derrière moi. J’y repense de temps en temps, où j’ai quelques douleurs qui reviennent mais rien de grave, rien qui ne m’empêche d’exercer ma profession à cent pour cent.

Alors ce qu’on souhaiterait c’est justement d’éviter de parler uniquement de cette chute. Votre carrière ne se résume pas qu’à cela. Vous commencez en 2005 chez Auber, une équipe aux moyens plutôt limités par rapport aux formations World Tour.

WB : Oui c’était déjà une formation Continentale, comme elle l’est actuellement.

Lors de votre signature en 2005, est-ce que vous vous imaginiez faire une carrière aussi longue que celle qui est la vôtre aujourd’hui ?

WB : Je ne voyais pas aussi loin, je voulais essayer de prouver que j’avais ma place dans le peloton professionnel, puis après essayer de gravir les échelons. Auber 93 est une équipe qui est un tremplin pour les jeunes dont le but est de les faire passer dans des équipes Continental-Pro ou World Tour. Et c’est ce que j’espérais. Après une année j’ai pu aller au Crédit Agricole.

Concernant votre insertion dans le peloton professionnel, comment s’est passée votre première expérience, votre intégration ?

WB : Très bien, Auber 93 est un club familial. Nous étions dix coureurs je crois, donc forcément nous étions toujours les uns avec les autres, toute l’année. J’étais dans une promotion qui était plutôt sympa avec Arnaud Labbe, Tristan Valentin, Saïd Haddou que je connaissais déjà. On s’était côtoyés chez les amateurs avant, donc c’était facile. On a vraiment passé une bonne année, dans une bonne ambiance. Plusieurs d’entre nous sont d’ailleurs ensuite partis dans des équipes World Tour.

Vous êtes alors justement recruté par Roger Legeay, alors manager du Crédit Agricole. Qu’est-ce qui a fait qu’il s’est penché sur votre profil ?

WB : J’ai eu quelques bons résultats avec Auber 93. Nous avons eu alors des discussions avec l’un des Directeurs Sportifs, Denis Roux. J’étais également en contact avec la Française des Jeux. Mais le Crédit Agricole a été plus réactif.

Au moment de signer, est-ce que votre rôle de poisson pilote de Thor Hushovd était déjà défini ?

WB : Non pas du tout. Il avait déjà des coureurs autour de lui, moi j’arrivais. Il fallait apprendre à se connaître, puis fallait que j’apprenne à découvrir le plus haut niveau.

Ensuite, vous signez dans une autre structure phare du cyclisme français, celle de Jean-René Bernaudeau alors sponsorisée par Bouygues Telecom. Durant ce passage, vous vous êtes particulièrement distingué par votre dixième place sur le Tour des Flandres. Pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet de ce jour-là ?

WB : Comme les années précédentes, j’étais très motivé par les Classiques flandriennes. Auparavant au Crédit Agricole nous avions un leader comme Thor Hushovd donc mon rôle était alors essentiellement d’être équipier et de l’épauler au mieux. En arrivant dans l’équipe Bouygues Telecom j’avais un rôle un peu plus libre, un petit peu de leader. Je venais aussi pour essayer d’avoir ma chance sur ces classiques. Je faisais un bon début de saison, j’avais gagné une étape sur Paris-Nice. Après j’avais fait de bonnes classiques également.

Et votre attirance pour les Flandriennes, d’où vient-elle ?

WB : Depuis toujours quand je regardais à la télé. Puis je n’ai pas un profil de grimpeur (rires) donc forcément j’ai plus tendance à apprécier le Tour des Flandres et Paris-Roubaix plutôt que Liège-Bastogne-Liège.

Et ce n’est pas trop dur de les regarder à la télé aujourd’hui ?

WB : Ah si, il y a toujours un petit pincement au cœur à regarder comme dimanche (entretien réalisé au lendemain de Paris-Roubaix). Pour l’instant ce n’est qu’une parenthèse, j’espère bien y retourner prochainement.

Donc vous avez couru chez Auber, puis au Crédit Agricole, à la Bouygues Telecom, et à la Française des Jeux, des équipes essentiellement françaises. Avez-vous eu l’envie ou l’opportunité de signer dans des équipes étrangères ?

WB : J’ai eu des contacts avec des formations étrangères. Malheureusement soit j’avais déjà donné mon accord avec d’autres équipes ou pour diverses raisons ça ne s’est pas fait.

Pourriez-vous nous citer les équipes concernées ?

WB : En fin d’année au Crédit Agricole, j’ai signé pour la Bouygues Telecom. Mais j’avais eu quelques contacts avec la Saxo Bank. Ils s’étaient rapprochés pour essayer d’avoir un package avec Thor Hushovd. Mais nous avions fait des choix différents, ou j’avais déjà donné mon accord ailleurs. Puis après Cervélo également pour retourner avec Hushovd, mais l’équipe allait s’arrêter. Personne n’était au courant, sauf le patron. Si cette équipe avait continué, il y aurait eu de grandes chances pour que j’y signe.

En 2011, lorsque vous vous engagez à la FDJ, quelles étaient les attentes de Marc Madiot et du staff à votre sujet ?

WB : Un rôle sur les Classiques flandriennes, et puis à l’époque travailler avec Hutarovich pour les sprints. Ensuite cela a évolué avec les saisons, et l’émergence d’Arnaud Démare comme leader.

Partagiez-vous alors un rôle de leader avec Frédéric Guesdon sur les Flandriennes ?

WB : Non, nous étions deux trois à être désignés plus ou moins leaders, mais il n’y en avait aucun qui se dégageait à l’inverse de maintenant. Nous avions plusieurs cartes on va dire.

Très vite après votre signature finalement, Arnaud Démare signe professionnel dans l’équipe en 2012. Vous intégrez alors le train chargé de le mener au mieux dans les sprints massifs. Un rôle vous rapprochant de celui que vous occupiez auprès de Thor Hushovd. Pourriez-vous nous évoquer les similitudes et différences entre ces deux coureurs ?

WB : C’est vrai que tous les deux ne sont pas que des sprinters. On le voyait avec Hushovd qui était capable de gagner des Flandriennes. Arnaud a peut-être un petit plus. Comme sur Milan San Remo pour laquelle Thor était peut-être un peu plus limité en bosse que Arnaud. Sinon c’est vrai qu’il s’agit de deux profils similaires. Arnaud ne se contente pas que d’un rôle de sprinter.

A présent, votre rôle est totalement différent, vous avez intégré le groupe courant auprès de Thibaut Pinot. Vous êtes chargé notamment de le protéger sur les étapes de plat. N’est pas difficile de changer sensiblement de registre ?

WB : On avait déjà travaillé ensemble avec Thibaut, notamment sur les Tour de France 2013, 2014, sur lesquels ça s’était très bien passé. La chute a fait ensuite que ça a été une obligation pour moi de changer de programme, de registre, être plus avec Thibaut. Mais cela m’a permis de découvrir de nouvelles courses auxquelles je n’avais jamais participé. Je me suis éclaté l’année passée à faire ces courses avec un autre groupe, dans lequel j’ai pris beaucoup de plaisir. Maintenant la confiance s’est installée, je ne dis pas que j’ai commencé une seconde carrière, mais je prends du plaisir à être avec Thibaut.

Et votre intégration au groupe de Thibaut Pinot s’est renforcée après votre chute, ou était-ce avant cela une demande du staff, de Thibaut, ou à votre initiative ?

WB : C’était devenu une obligation par rapport à ce que j’avais eu, je ne pouvais pas me permettre de prendre des risques en courant sur les Flandriennes, sur les courses belges pavées qui sont un peu plus risquées au niveau des chutes. Donc en consultation avec le staff on a décidé de changer de voie, et de faire tout le programme avec Thibaut. Avec lui nous avions déjà des automatismes, il avait confiance, donc ça s’est fait naturellement.

Donc sans votre chute…

WB : Sans ma chute c’est sûr que je n’aurais pas fait le Pays Basque, ou le Romandie. J’aurais certainement continué à faire les Classiques flandriennes.

J’imaginais d’avantage votre intégration à ce groupe pour permettre à Thibaut Pinot de mieux appréhender les étapes de plat, d’être mieux placé dans le peloton, et ce à la demande du staff…

WB : Cela ça aurait été possible aussi sur les Grands Tours, c’était un peu déjà ça. Mais avant il y avait aussi la partir Classiques où l’on comptait sur moi.

Pourrions-nous de nouveau vous revoir à l’avenir être aux départs des épreuves flandriennes ?

WB : Oui je n’ai pas tiré un trait sur ces courses, j’espère pouvoir y revenir un jour. Après il faut y aller sans aucune appréhension. Même en fin d’année passée, lors des dernières courses qu’on a pu faire en Belgique, à l’Eneco, retourner sur des courses étroites, où ça frottait, je sentais que je n’étais pas encore à l’aise, à cent pour cent. Ca demande un petit peu de temps. Après c’est sûr que ça me frustre un peu quand je vois le départ des Flandres, ou Paris-Roubaix. Mais à côté de ça, comme je le disais, je prends beaucoup de plaisir d’être avec Thibaut et les autres, sur d’autres courses, qui ne sont pourtant pas adaptées à mon profil. Il y a un super groupe, une bonne ambiance, la dynamique est bonne, c’est autre chose.

 

Propos recueillis par Axel Fouchet

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