1993 voit le renouvellement des générations amorcé au début des années 90 se renforcer. Pedro Delgado, Steven Rooks, Sean Kelly ou encore Greg LeMond et Stephen Roche ont marqué le pas. Laurent Fignon, lui, a d'ors et déjà tiré sa révérence.
Mais ni le deuxième doublé Giro-Tour de Miguel Indurain, vainqueur de la Grande Boucle pour la troisième fois ; ni les records de Graeme Obree et de Chris Boardman, ni la santé recouvrée du cyclisme suisse ou encore l'éclosion définitive de Museeuw dans les classiques pavées ne parviennent à faire oublier la domination exercée, en cette année 1993, par Maurizio Fondriest.
Plus de vingt victoires, une troisième place au classement UCI et un deuxième succès dans la Coupe du monde attestent, sans contestation possible, des progrès accomplis par un homme qui fut longtemps une éternelle promesse pour devenir, enfin, un vrai champion.
Avant 1993, une trajectoire erratique
Maurizio Fondriest, il est vrai, n'a pas eu vraiment le temps de grandir. Amateur brillant, il arriva chez les professionnels précédé d'une image qu'un titre mondial, conquis dans des conditions particulières, à Renaix, en 1988, acheva de parfaire. Une image en trompe l'oeil.
Avant 1993, Maurizio Fondriest peut se vanter de posséder deux lignes prestigieuses à son palmarès : le Championnat du Monde 1988 et la Coupe du Monde 1991. Mais ces deux succès sont presque trompeurs. Ainsi, il doit son titre mondial à l'accrochage entre Bauer et Criquielion, le Canadien entraînant le Belge dans sa chute. Quant à son succès en Coupe du Monde, il est acquis sans avoir remporté la moindre manche. Une "performance" unique en 16 éditions. Son palmarès se limite alors de succès secondaires dans des semi-classiques (G.P de Prato 1988, Coupe Sabatini et Tour de Toscane 1989, Coupe Agostoni et Tour du Latium 1990) et de places d'honneur sur les grandes classiques (3ème de Paris-Tours 1987 et 1990, 2ème de Milan-San Remo 1988, 2ème de l'Amstel Gold Race 1991)
En fait, tout allait alors trop vite pour un jeune homme attachant, chargé de bien trop d'espoirs dans un cyclisme italien alors ré-émergent. Maurizio avait besoin de temps pour apprendre son métier.
Son titre de champion de monde fut en quelque sorte acquis trop tôt, et le maillot trop lourd alors à porter.
Longtemps présenté comme l'un des plus sérieux espoirs de son pays - son premier contrat professionnel en 1987 s'élevait à plus d'un million de francs -, Fondriest ne parvenait pas à gagner à ses débuts. On lui reprochera vite d'avoir choisi une petite équipe où il percevait un salaire exorbitant pour l'époque.
Fondriest avait alors préféré être leader plutôt qu'équipier. On ne lui pardonnera pas non plus son départ aux Pays-Bas en 1991 chez Panasonic.
Outre des problèmes de sciatique persistants pendant trois saisons, « je n'avais pas la hargne nécessaire pour gagner les courses.» admet-il. En fait, c'est son passage dans l'équipe Panasonic en 1991 et 1992, loin de la ferveur italienne, qui eut l'effet d'un premier détonateur.
1993 : les astres s'alignent
Cette rude école passée, les secrets de la réussite sont à chercher notamment du côté du sulfureux professeur Conconi. Celui qui avait conduit Francesco Moser vers le record de l'heure. Et d'un alignement des planètes favorables:1993 est l'une des rares années où il n'est pas embêté par ses problèmes de dos.
Avec le Tirreno-Adriatico remporté en mars, Fondriest a rencontré des sensations nouvelles. Et acquis une belle sérénité dès le début de saison
En 1993, Maurizio Fondriest va remporter 21 courses, soit presque autant que depuis ses débuts pros en 1987. L'Italien brille sur les classiques : en plus de sa victoire à Milan-San Remo (le jour de naissance de sa fille), il remporte la Flèche wallonne (après 40 kilomètres d'échappée), le G.P de Zurich ou le Tour d'Emilie. Il remporte à la fin de l'année la Coupe du Monde. Il participe à neuf manches sur dix (toutes sauf Paris-Roubaix) et sa plus mauvaise place est 11ème au Tour de Lombardie. Il remporte deux manches (San Remo et Zurich) et monte trois autres fois sur le podium (2ème de Paris-Tours, 3ème de Liège-Bastogne-Liège et de la Leeds International Classic). Il brille là où on ne l'attend pas comme sur les Ardennaises : "C'est une véritable aversion physique. Lorsqu'il pleut, je souffre des cervicales, de la colonne vertébrale, car, vous le savez je n'ai que la peau sur les os. Ces classiques sont ainsi celles qui me conviennent le moins." Il n'est pas en reste sur les courses à étapes en s'adjugeant Tirreno-Adriatico (deux victoires d'étapes), le Tour du Trentin (trois étapes remportées sur les quatre disputées) ou le G.P du Midi-Libre (trois victoires d'étapes, le classement par point et le classement de la montagne). Et même sur le Tour d'Italie, il réalise des prouesses en terminant à la 8e place à l'arrivée. Il aurait même pu prétendre à mieux sans une défaillance dans le contre-la-montre de Sestrières.
Après 1993 : Un dos trop fragile
Fin 1993, Fondriest annonçait la couleur pour l'année suivante : "Je sais que je peux terminer les grands tours avec les meilleurs. Ce sera mon objectif (…). Je doublerai Giro-Tour." Une ambition qui s'arrêtera sur un abandon dans le Tour d'Italie. Sa saison est perturbée par une hernie discale. Des problèmes de dos qui datent de l'adolescence mineront sa fin de carrière qui se terminera presque anonymement en 1998 chez Cofidis. Il connaîtra un sursaut en 1995, mais sans réussite. Laurent Jalabert le crucifie lors de Milan-San Remo et la Flèche wallonne où il est deux fois le dauphin du Français. Il termine également deuxième de Gand-Wevelgem où il faut la photo-finish pour le départager avec Lars Michaelsen.
Fondriest résumera bien ce qui lui avait permis de faire une si belle saison 1993 : "C'était une saison exceptionnelle. Vingt-six victoires, pas de chute, pas de maladie. Pour gagner autant de courses (…) il faut avoir une grande condition physique, mais aussi de la chance. En 1993, j'avais tout ça."
Sources : L'année du cyclisme 1993, Vélo Magazine (numéros de 1993) , "Les conquérants de l'arc-en-ciel", le site « Mémoires du cyclisme »
Par Max Conterdo (photo : Brian Townsley)