Nous avons retrouvé Cyril Barthe, sur les routes de la 9e étape du prochain Tour de France, à deux pas de chez lui. Celui qui pourrait être le local de l'étape ce jour-là, nous a guidé sur la route du col de la Hourcère, menant à la petite station d'Issarbe. Un versant inédit du col du Soudet, que le Tour de France connaît par ailleurs depuis la fin des années 80. L'occasion d'échanger avec ce coureur attachant et de se remémorer quelques épisodes du Tour qui se sont déroulés dans le coin.
Le rendez-vous est fixé à Lanne en Barétous, au pied du col de la Hourcère, que les coureurs du Tour de France découvriront le 6 septembre prochain, lors de la 9e étape entre Pau et Laruns. Autant le dire de suite, le Tour ne se jouera pas sur ces pentes, bien trop éloignées de l'arrivée, mais une ascension inédite sur la Grande Boucle suscite toujours la curiosité. Cyril Barthe sera aujourd'hui notre guide dans ce col, non loin du village de Sauveterre-de-Béarn qui l'a vu grandir.
Le coureur de B&B Vital-Concept sort de la Route d'Occitanie et se prépare pour le Tour de Wallonie. Après un dernier stage d'équipe à Argelès-Gazost, dans les Hautes-Pyrénées, le coureur basco-béarnais a bien entendu apprécié de pouvoir remettre un dossard. "Pendant le stage nous avons bien travaillé autour de Bryan Coquard, notamment pour les lancements de sprint et ça c'est plutôt bien passé en Occitanie avec sa victoire d'étape. Le groupe était vraiment très soudé, c'était l'occasion de refaire les automatismes pris en stage, même si c'est différent en course". Retour à la compétition qu'il qualifie "d'un peu nerveux, car forcément tout le monde avait envie de bien faire". Une nervosité se traduisant par des chutes, en particulier une où il a été impliqué mais aura su éteindre immédiatement une fausse polémique qui, de toute façon, ne collait guère à ce coureur unanimement salué pour sa gentillesse.
Cyril Barthe connaît évidement l'ascension du jour, "très dure et irrégulière" mais elle ne fait pas partie de ses routes les plus fréquentées à l’entraînement. "Mon col favori est celui d'Osquich, qui fait environ 15 minutes. J'y ai pas mal de repère là bas, où je fais souvent des exercices spécifiques, car il est régulier. Après quand je veux faire plus long, je vais souvent du côté d'Ahusquy". Des routes basques donc, du côté de la Soule. Rien de plus normal au fond pour ce coureur dont le père est béarnais, mais la mère basque, originaire d'Espès-Undurain, tout près de Mauléon.
Le temps d'avaler un café, Cyril donne le signal. "On peut y aller". A la sortie de Lanne-en-Barétous, nous bifurquons sur la gauche pour s'engouffrer dans la petite vallée qui mène au pied de la station d'Issarbe. Une approche tout en douceur, par une route longeant le Vert de Barlanès, torrent qui ajoute à la fraîcheur de ce coin du Barétous, formidable écrin de verdure, à l'heure où même le Pays Basque tout proche semble souffrir de la sécheresse.
Pentu, rugeux et irrégulier
Les choses sérieuses commencent au Pont de Blancou. Un premier kilomètre à 8,4 % mais une rampe à 13% annonce la couleur. Mieux vaut ici se méfier du profil, en tout cas du pourcentage moyen au kilomètre. Le bitume, rugueux, ne rend pas et n'arrange rien à l'affaire. Rapidement, la route pénètre dans une forêt qu'elle ne quittera quasiment plus jusqu'au sommet. Une aubaine par ces temps de canicule. Les hêtres donnent une véritable bouffée d'air pur à l'heure où le thermomètre s'affole. Cyril semble apprécier.
La route est étroite par endroit, typique de ces cols basques et béarnais trop souvent méconnus, toujours irréguliers, et l'ascension se poursuit en ligne droite, jusqu'à traverser un torrent. Commence alors une série de lacets. Les kilomètres s’enchaînent, toujours aussi usant, entre 7 et 10% de moyenne, avec quelques portions délicates. Aujourd'hui c'est une sortie récup' et Cyril tourne les jambes avec son 39x30. "Sur le Tour ça ira largement avec le 28", dit-il en souriant.
Au sortir d'un virage on quitte une première fois le bois, pour un aperçu du paysage qui nous attend un peu plus haut. La pente s'adoucit dans le final, à l'approche de la station d'Issarbe, rendez-vous des amateurs de ski de fond et de sorties en raquette. "D'ailleurs ce col j'ai plutôt l'habitude de l'appeler Issarbe", rappelle notre guide. Comme beaucoup d'ailleurs. Peut-être que le passage du Tour donnera de la notoriété au nom d'Hourcère. Juste avant le sommet, deux bergers occupent la route avec leur troupeau de brebis. Il faut poser pied à terre. Le pastoralisme est ici chez lui.
Face au Pic d'Annie
Au sommet (1440 m), la vue offerte depuis ce belvédère est grandiose. En face de nous le Pic d'Annie et sa pyramide, trône en majesté sur ce coin des Pyrénées à la limite du Béarn et du Pays Basque, surplombant la station de ski de la Pierre-Saint-Martin. Un nom qui fait désormais partie de l'histoire du Tour. En 2015 Chris Froome y assomma le Tour, avec son style indéfinissable, laissant sans voix plus d'un observateur, deux ans après son numéro d'extraterrestre au Ventoux. L'histoire jugera.
"C'est magnifique non?" demande Cyril Barthe. Comment lui donner tort ? A nos pieds la vallée de Saint-Engrace, versant souletin du Soudet, prolongement du col de la Hourcère, avec sa forêt dense. On y entend encore l'écho du grimpeur toulousain Robert Forest, maillot rouge et blanc de la Fagor sur le dos, inaugurant ce col lors du Tour 1987 tandis que Jean-François Bernard et Lucho Herrera s'envolaient derrière lui.
Après quelques paroles sous les regards d'une poignée de curieux en vacances, le coureur de B&B Vital-Concept préfère redescendre pour continuer la conversation dans la vallée. Pas question de prendre froid à quelques jours du Tour. Le Tour justement, on en parle sans vraiment en parler. Cyril fait partie des 10 coureurs pré-sélectionnés et nul doute, sauf incident de dernière minute, qu'il en sera. Seulement l'homme n'est pas du genre à vendre comme ça la peau de l'ours. Par pudeur, par respect pour ses coéquipiers, il préfère garder le conditionnel.
Après la Hourcère, les coureurs descendront durant cinq kilomètres, jusqu'au col de Suscousse. Il faudra alors chercher le sommet du Soudet (1540m), avec trois kilomètres à 8,5 % (le premier à 11% tout de même). Les coureurs du Tour redescendront dans la vallée par le versant d'Arette et basculeront vers la vallée d'Aspe via le petit col d'Ichère, gravi pour la première fois lors de l'étape Biarritz-Pau remportée par Henk Lubberding, en 1978. Ichère, un nom qui fait surtout penser à la fameuse étape Bayonne-Pau de 1986, lorsque Bernard Hinault fit exploser la course, posant les fondations, semblait-il alors, d'un sixième sacre dans le Tour. La course passera alors bien entendu sur les terres de Jean-Lassalle, dont on ne saura probablement jamais si lui-même a cru un jour à son destin présidentiel.
Marie-Blanque pour finir
Après Ichère, direction le Marie-Blanque (7,7 kilomètres à 8,6 % ), qui vaut surtout pour ses quatre derniers kilomètres à 11,5 %. Un mur, sans pitié pour les faibles. C'est Michel Pollentier qui hissa sa frêle silhouette le premier à son sommet en 1978, quelques jours avant que l'on associe pour la première fois dans la même phrase, maillot jaune, poire et contrôle anti-dopage.
"Forcément un coup partira avant la Hourcère. Après Marie-Blanque c'est raide, mais ça reste court. Si une échappée a assez d'avance ça peut aller au bout. Derrière il y aura plus des escarmouches entre favoris que des grandes manœuvres. Il faut voir, il restera un dernier faut plat vers Laruns avec du vent peut-être". Au bas de la descente de Marie-Blanque il ne restera de toute façon que 8km pour rallier Laruns, où Primosz Roglic s'imposa en 2018.
Si ce jour là Cyril Barthe est de la partie, nul doute qu'il aura envie de briller devant tous les siens, sur ces routes où son nom risque d'être écrit des dizaines de fois. "Tout dépend des consignes de l'équipe mais pourquoi pas sachant que c'est à la maison, on ne sait jamais", lâche-t-il prudemment. Bryan Coquard pas concerné par cette étape, tout dépendra surtout de la forme de Pierre Rolland ce jour là et de son envie ou non de se glisser dans l'échappée.
La famille, les racines, les amis d'enfance, c'est en tout cas le moteur de Cyril Barthe. "On fait tellement de sacrifices dans le vélo, qu'au final quand ça ne va pas comme on veut, c'est dans ces moments là que l'entourage est important". Des paroles qui collent bien à ce personnage que le grand public devrait très bientôt découvrir sur les routes du Tour.
Texte et photos : Ximun Larre.