Team DSM : les contraintes du pari sur l’avenir

Team DSM : les contraintes du pari sur l’avenir

Guidée par le choix assumé de préparer l’avenir, DSM a subi en 2022, comme lors des saisons précédentes, les effets indésirables de cette politique cohérente : le manque de profondeur de l’effectif, l’irrégularité des résultats et la difficulté de fidéliser ses leaders que l’on forme dans un cyclisme où les grandes écuries ont des arguments très forts pour attirer les meilleurs jeunes. L’équipe néerlandaise a connu une nouvelle année en dents de scie qui l’a longtemps mise en danger dans la course au World Tour, qu’elle a finie dans le camp des vainqueurs grâce aux points acquis en 2020.

La note d’ensemble

10/20

10 victoires – 20e au classement UCI

Bien que sauvée de la relégation en cette fin 2022, DSM n’en reste pas moins l’une des équipes les plus en difficultés au niveau World Tour. Avec seulement 54 succès lors des cinq dernières saisons, dont 16 pour la seule année 2020, elle peine à exister et à peser sur les grandes courses. Après une année 2021 marquée par un changement de sponsor principal et des départs lourds de conséquence, l’équipe néerlandaise avait surtout fixé des objectifs de maîtrise à son effectif, le plus jeune du World Tour : développer un train de sprint et un groupe de coureurs consacrés au classement généraux, dans une vision à long-terme. Ainsi, chacun des trois Grands Tours de l’année devait être abordé avec des buts différents : lutter pour le général ; courir offensivement pour décrocher des étapes et acquérir de l’expérience.

Dans les faits, tout a plutôt bien commencé : Romain Bardet a montré une bonne forme au Giro et, s’il n’avait pas été contraint à l’abandon, aurait très certainement lutté au minimum pour le Top 5 final. Dans le même temps, Thymen Arensman décrochait son premier Top 20 sur trois semaines et Alberto Dainese, pour son premier Tour d’Italie, levait les bras pour la première fois à Reggio Emilia.

Le Tour de France n’a quant à lui pas été couru exactement comme il était censé l’être. Romain Bardet s’est mis en tête de courir pour le général avec une certaine réussite puisqu’il a terminé 6e, mais cela l’a détourné de l’objectif des étapes puisqu’il ne s’est projeté à l’avant que deux fois. Ses coéquipiers n’ont pas davantage couru de manière agressive puisqu’on ne les a aperçus en échappée que lors de trois étapes. Alberto Dainese, s’il s’est montré plusieurs fois rapide, n’a jamais pu disposer à proprement parler d’un train et n’a donc jamais abordé l’emballage final suffisamment bien placé pour espérer quoi que ce soit.

La Vuelta, enfin, a répondu aux attentes des dirigeants de DSM puisqu’en termes de formation, la 6e place de Thymen Arensman, bonifiée par sa victoire en Sierra Nevada, est une réussite presque inespérée. L’agressivité de Marco Brenner, trois fois échappé et 5e aux Penas Blancas, est l’autre point positif à souligner pour l’effectif néerlandais qui était l’un des plus jeunes au départ d’Utrecht.

Tout n’est donc pas catastrophique pour DSM qui, à l’image de son maillot, aperçoit parfois le bleu du ciel au milieu de la pénombre. Mais avec un effectif peu dense, il lui est très difficile d’être régulière tout au long de la saison. Cette année, elle a davantage existé par ses rares coups d’éclat : la victoire de Nico Denz au Tour de Suisse, la double victoire de Romain Bardet au Tour des Alpes ou celle d’Andreas Leknessund en Norvège. Elle ne s’est par exemple pas assez exprimée sur le terrain des sprints malgré des coureurs rapides, ni sur celui des classiques où elle a trop souvent été absente de la lutte pour la gagne.

La volonté du Team DSM de former lui-même ses coureurs, via une équipe de développement fructueuse et une politique axée sur le long-terme, est tout-à-fait honorable et trouve son écho dans les exemples passés de Tom Dumoulin, Marcel Kittel ou même Warren Barguil. Encore faudrait-il que la formation parvienne à conserver ses coureurs une fois performants, ce qu’elle peine à faire depuis quelques années, en témoignent les départs en chaîne de Marc Hirschi, Sam Oomen, Jai Hindley, Michael Storer ou plus récemment de Thymen Arensman et Soren Kragh Andersen. Parmi les dix-huit coureurs ayant gagné sous ses couleurs depuis 2018, le Team DSM n’en comptera plus que trois dans son effectif en 2023.

Sans Arensman, tout est à refaire pour former son futur leader pour les classements généraux. Tandis que le train de sprint, autre priorité de DSM, n’existe pas réellement malgré la présence de coureurs d’expérience comme John Degenkolb ou Nikias Arndt. Trop souvent, Alberto Dainese et Sam Welsford ont dû se débrouiller seuls, au moins sur les épreuves majeures. Dans ce domaine, la perspective Casper van Uden et l’arrivée d’Alex Edmondson donnent des pistes de progression.

La surprise

Thymen Arensman

Le Néerlandais commençait doucement à se faire connaître fin 2021, notamment grâce à sa 3e place sur le chrono final de la Vuelta et sa 7e place au Tour de Sicile. Il a littéralement explosé cette année en prenant dès le mois de mars la 6e place de Tirreno-Adriatico et la 3e du Tour des Alpes, épreuve où il a joué les équipiers pour Romain Bardet. Pour son premier Giro, Thymen Arensman aurait même pu faire bien mieux que sa 18e place finale s’il avait joué le général dès le début et s’il n’avait pas perdu du temps en dernière semaine pour tout miser en vain sur une victoire d’étape. En août, il a encore franchi un cap en s’imposant pour la première fois de sa carrière lors du chrono du Tour de Pologne, dont il a pris la 2e place à l’arrivée. Le futur coureur d’Ineos a parfait sa saison lors de la Vuelta où, vainqueur en solitaire au sommet de la Sierra Nevada, il a fini à une vingtaine de secondes du Top 5.

La confirmation

Andreas Leknessund

Coureur complet, Andreas Leknessund avait déjà montré de bonnes choses sur les pavés et dans des épreuves combinant des contre-la-montre et des étapes pour puncheurs. Pour sa deuxième saison chez DSM, il a fini 11e de Paris-Nice grâce à une bonne dernière journée. Au Tour de Suisse, échappé lors de la deuxième étape, il a résisté au retour du peloton et décroché sa première victoire à ce niveau. En vue sur l’étape de Genève sur le Tour, il est parvenu à terminer son premier Grand Tour. En août, enfin, le Norvégien a renversé l’Arctic Race au terme d’un numéro en solitaire le dernier jour, devenant l’un des coureurs phares d’un effectif qui en avait bien besoin.

La déception

Cees Bol

Révélation de la saison 2019, Cees Bol peine depuis à confirmer mais gardait jusqu’à l’hiver dernier un statut de bon sprinteur en devenir. En difficulté cette année, il a attendu le mois de septembre pour enfin se montrer en remportant la 2e étape du Tour de Grande-Bretagne. Très décevant dans son rôle de finisseur, il n’a pas su se reconvertir en lanceur lorsqu’il lui a été demandé de travailleur pour Alberto Dainese ou Sam Welsford, ne parvenant souvent pas à placer ses sprinteurs aux 200 mètres mais ne coupant pas systématiquement son effort pour autant, pour aller chercher une placette.

2022 en 5 dates

14 avril 2022, Ayvalik. Deux mois et demi après la reprise, DSM décroche enfin un succès, son premier depuis la Vuelta 2021. À côté de la plaque en début de saison, elle n’avait jusque-là décroché qu’un seul podium. La voici libérée grâce à Sam Welsford, victorieux de la 5e étape du Tour de Turquie. Quelques jours plus tôt, Cees Bol et Alberto Dainese ont tous deux échoué sur la même épreuve. C’est donc l’Australien qui s’est vu confier la mission de faire le sprint, sans que son équipe ait donné le moindre coup de pédale dans la journée. Peu entouré, il s’est débrouillé seul pour devancer Jasper Philipsen et s’offrir ainsi sa première victoire chez les pros, en même temps qu’un nouveau rôle aux yeux de ses dirigeants qui semblaient vouloir relancer la concurrence en interne à l’occasion de cette course sans grand enjeu.

12 avril 2022, Linz. La bonne dynamique est enfin lancée pour DSM. Son leader Romain Bardet, en retrait lors de ses premières courses, débarque sur le Tour des Alpes avec une fraîcheur qui se remarque notamment dans sa pointe de vitesse. Trois fois sur le podium en quatre jours, le Français a fait la différence dans la dernière difficulté de la semaine pour prendre le large avec Thymen Arensman et se payer la victoire finale, sa première dans un classement général depuis le Tour de l’Ain 2013. C’est avec cette performance que Romain Bardet a réellement lancé une saison qui s’avérera être sa meilleure depuis 2018 : son bon Giro avorté a précédé un nouveau Top 10 sur le Tour, son 6e ; et un nouveau Top 10 au Tour de Lombardie. DSM avait bien besoin d’un leader rassurant à la tête de son jeune effectif.

18 mai 2022, Reggio Emilia. Sans train, Alberto Dainese a mis son destin dans les mains des coéquipiers d’Arnaud Démare ce jour-là. Mais le Français lançant son sprint de très loin, le sprinteur du Team DSM a eu l’intelligence d’attendre son heure dans la roue de Fernando Gaviria. Dans les derniers mètres, ce choix lui a permis de sauter tout le monde sur la ligne. Après trois podiums lors de la Vuelta l’année précédente, l’Italien met enfin la balle au fond, non loin de sa région natale qui plus est. Deux jours avant l’abandon de Romain Bardet, cette victoire a le mérite de sauver le Giro de l’équipe néerlandaise.

14 août 2022, Trondheim. Au milieu des fjords et des lacs, la dernière étape de l’Arctic Race of Norway est sans doute la plus accessible. Elle est pourtant la seule qui n’arrivera pas groupée : parti à 95 kilomètres de l’arrivée avec deux compagnons de route, Andreas Leknessund s’isole une fois sur le circuit final. Malgré le train de Cofidis en tête de peloton et les contre-offensives, le Norvégien va au bout et renverse le classement. Quelques mois après sa victoire d’étape au Tour de Suisse, le coureur de tout juste 23 ans confirme qu’il est l’un des hommes forts de DSM.

4 septembre 2022, Sierra Nevada. Voilà une semaine que Thymen Arensman flirte avec le Top 10 de la Vuelta en s’accrochant aux meilleurs aussi longtemps que possible en montagne. Alors qu’il monte en puissance, le Néerlandais parvient ce dimanche à se glisser dans une échappée de vingt-neuf éléments. Pas facile de manœuvrer dans de telles circonstances, surtout quand on est l’un des seuls coureurs isolés face au surnombre de certaines formations et à des rivaux de renom. Sans se poser de question, le grimpeur de DSM a imposé son rythme dès le pied de l’ultime ascension. Alors qu’il ne comptait que deux minutes de marge sur les favoris à dix kilomètres du sommet, Thymen Arensman a fait mieux que résister puisqu’il a franchi la ligne avec près d’une minute trente de marge sur son premier poursuivant, Enric Mas. Remonté à la 8e place du général, le futur coureur d’Ineos a n’a pas faibli par la suite et aurait même pu doubler la mise à Navacerrada sans un grand Richard Carapaz pour lui couper l’herbe sous le pied. 6e du classement final, il a offert avec cette folle troisième semaine un beau cadeau d’adieu à l’équipe qui l’a révélé au plus haut niveau.

Par Cyprien Bricout

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