Encore renforcée, l’équipe Jumbo-Visma a de quoi dominer le cyclisme mondial dans tous les domaines. La meilleure écurie mondiale veut faire encore mieux en 2023 mais la barre est très haute. Alors que de simples podiums sur les Grands Tours et les Monuments seraient vus comme des échecs, la formation Néerlandaise doit gagner partout et tout le temps pour conserver son statut.
Le bilan 2022
Victorieuse du Tour de France pour la première fois de son histoire, la Jumbo-Visma a remporté le classement UCI 2022 et a terminé sa saison en tête au classement des victoires. Un bilan presque parfait auquel il manque surtout un Monument que Wout van Aert, bien qu’ultra-dominateur sur la Grande Boucle, n’est pas parvenu à conquérir. La formation néerlandaise monte en puissance d’année en année et ne compte pas s’arrêter là. Déjà bien armée dans tous les domaines, elle a réussi la performance de se renforcer encore dans chacun d’entre eux et compte ainsi dans ses rangs plusieurs coureurs capables de gagner des Grands Tours, des Monuments, des arrivées massives et des chronos. Difficile de faire mieux.
Le mercato
Cinq coureurs ont quitté le clan Jumbo-Visma à l’intersaison : Tom Dumoulin, qui avait même anticipé son départ en retraite en cours de saison ; David Dekker, qui n’a pas réussi à faire sa place en 2022 ; Pascal Eenkhoorn dont l’avenir était un peu bouché dans l’effectif jaune ; Chris Harper reparti au pays et Mike Teunissen qui avait besoin d’un air nouveau.
Pour les remplacer, l’équipe de Richard Plugge a mis les moyens. Ses leaders ont besoin d’être mieux entourés ? Voilà que débarquent Wilco Kelderman et Attila Valter. Son groupe des classiques n’a pas assez scoré malgré la présence de Wout van Aert et Christophe Laporte ? Ce sont Dylan van Baarle, vainqueur du dernier Paris-Roubaix, et Jan Tratnik, rouleur reconverti flandrien récemment, qui font leur arrivée. Cerise sur le gâteau pour compenser l’âge grandissant du groupe des grimpeurs, le Britannique Thomas Gloag, très en vue en fin de saison 2022, intégrera l’effectif dès le début d’année.
Les ambitions 2023
Le plus dur n’est pas d’arriver au sommet mais d’y rester. C’est du moins ce qu’on entend souvent des sportifs qui signent les meilleures performances dans leur discipline. Pour rester à la première place et faire encore mieux que la saison dernière, Jumbo devra non seulement conserver son titre au Tour de France mais aussi gagner ou terminer sur le podium d’un autre Grand Tour. Elle devra surtout rafler au moins un Monument, en dominant si possible les classiques printanières à la hauteur de ce que son effectif laisse présager.
Pour cela, les dirigeants ont enfin tranché entre Jonas Vingegaard et Primoz Roglic, pour la première fois depuis l’éclosion du Danois en 2021. Une décision forte qui enverra le Slovène sur les routes du Giro où la proportion de contre-la-montre sera à son avantage. Vingegaard seul maître à bord du vaisseau Jumbo, il aura à sa disposition une équipe capable de contrôler et de rouler fort mais amputée d’un Roglic qui lui a été précieux en montagne lors de ses deux dernières Grandes Boucles. L’objectif de l’équipe est clair : elle veut gagner le Giro et le Tour. Un quitte ou double qui peut vite tourner au fiasco si Remco Evenepoel et Tadej Pogacar se mettent en travers de la route de ses leaders.
Dans les classiques, où le bilan 2022 reste mitigé au vu de ses capacités, l’effectif jaune et noir sera de loin la meilleure armada. Avec Dylan van Baarle, Wout van Aert, Christophe Laporte et Nathan van Hooydonck mais aussi Jan Tratnik ou Tosh van der Sande, il faut s’attendre à assister à des tactiques très offensives. Un nouvel échec sur le Ronde ou Paris-Roubaix serait vécu comme une désillusion avec de tels moyens.
Sur le terrain du sprint, enfin, Il n’est pas question pour le moment d’envoyer Olav Kooij sur une course de trois semaines. Le sprinteur néerlandais aura pour mission de beaucoup gagner et de confirmer ses bons débuts chez les professionnels mais n’a pas encore acquis suffisamment de confiance de la part de ses dirigeants pour prendre une place sur le Giro ou le Tour, où tout sera construit en direction du classement général.
La confirmation attendue
Olav Kooij
15 victoires professionnelles à 21 ans : Olav Kooij marche dans les pas des meilleurs. Souvent vainqueur dans des courses comme le Circuit de la Sarthe ou le ZLM Toer, le jeune sprinteur doit faire encore mieux en 2023. Même s’il a ouvert son compteur au niveau World Tour lors du Tour de Pologne, il a souvent échoué de justesse face aux plus grands spécialistes de la dernière ligne droite. Seul vrai sprinteur de l’effectif mais barré en interne dans les grands rendez-vous par les têtes d’affiche de Jumbo, il pourrait avoir cette saison encore un calendrier hybride fait de petites courses et de courses d’une semaine de la première division. Une dernière saison pour s’aguerrir avant de monter en grade.
La déception annoncée
Wout van Aert
Depuis de nombreuses années, Wout van Aert fait la démonstration de son potentiel. Mais marcher sur l’eau lors du Tour de France n’est pas la seule chose qu’on attend de lui et son seul Milan-San Remo 2020 ne suffit pas à combler sa soif de Monuments. Souvent battu lorsqu’il est attendu, il devra craindre en 2023 la concurrence interne avant même celle de ses adversaires. Avec des cartes royales en main, Jumbo devra courir offensivement et cela pourrait davantage profiter à ses coéquipiers qu’à Wout van Aert. Le risque pour lui est qu’il se retrouve souvent dans la même situation qu’aux Mondiaux 2022 : obligé d’attendre pour ne pas rouler contre sa propre équipe. Wout van Aert fera forcément une grosse saison, mais s’il ne décroche pas le Ronde, l’Enfer du Nord ou le maillot arc-en-ciel, cela sera vécu comme un nouvel échec.
Le pari de la rédac
Christophe Laporte vainqueur d’une grande classique
Grandi par son arrivée dans l’équipe en 2022, Christophe Laporte a réussi sa meilleure saison sans pour autant gagner sur son terrain : les classiques. S’il a remporte Binche-Chimay-Binche en fin de saison, ce n’est pas une consolation suffisante à la frustration de ne pas avoir gagné sur les pavés au printemps. 9e du Tour des Flandres, 2e du Grand Prix E3 et de Gand-Wevelgem, le Varois peut faire encore mieux cette année en tirant profit de la force collective de son écurie. Il a l’avantage de disposer d’une pointe de vitesse plus intéressante que celle de Dylan van Baarle ou Jan Tratnik, ce qui peut le mettre dans une position de force à condition bien sûr que Wout van Aert ne soit pas en position de jouer la gagne. Comme le Belge, ses résultats personnels risquent de dépendre en bonne partie de la course de mouvements de l’armada dont il porte l’uniforme. Mais contrairement à lui, le coureur Français peut plus facilement prendre un coup d’avance sans attirer les cadors dans son sillage.
Par Cyprien Bricout