La première course World Tour de l’année s’est achevée en Australie au terme d’une semaine riche en rebondissements, de bon augure pour la suite de la saison. Si le décalage horaire ne vous a pas permis de suivre le Tour Down Under avec attention, voici les principaux éléments à en retenir.
LES TOPS
Il est loin, le Tour Down Under pépère qui se jouait quasiment exclusivement sur la montée de Willunga Hill en fin de semaine. Avec la disparition de cette difficulté, l’apparition d’un prologue et un parcours propice aux attaques, ce parcours 2023 a permis de nombreux retournements de situation et des attaques tous les jours ou presque. Un scénario rendu possible par la météo, qui n’a pas toujours été aussi difficile lors de la reprise australienne. La pluie lors du chrono inaugural nous a offert un premier leader inattendu, tandis que le vent a permis de créer des bordures samedi à Willunga, après une première tentative vaine d’UAE lors d’une précédente étape. Cette édition restera donc comme un bon cru, sans doute l’un des meilleurs du Down Under.
Jusqu’ici spécialiste de longues ascensions brutes en fin de journée, Jay Vine a enfin diversifié son talent ces derniers jours. Pour ses débuts sous ses nouvelles couleurs, l’Australien a démontré lors de son championnat national des capacités de rouleur qu’on ne soupçonnait pas, bien qu’il faille sans doute les nuancer au vu du niveau de l’adversité. Toute la semaine, il a été le grand animateur du Tour Down Under, à l’origine des attaques décisive de Nettle Hill et de Corkscrew. Pas très fin tactiquement, il n’aura pas essayé de remporter une étape mais aura au moins eu le mérite de bétonner sa victoire finale à chaque fois qu’il a pu le faire, s’offrant ainsi à 27 ans son premier classement général.
Si Jay Vine a plusieurs fois attaque, Simon Yates a à chaque fois répondu. Et avec une certaine facilité. Le grimpeur paye son mauvais prologue et manque la gagne, mais il a montré une bonne condition qui pourrait le placer, comme en 2022, comme l’un des hommes forts à l’heure où viendront ses vrais objectifs. Sa victoire au Mount Lofty conclut une semaine rondement menée. Michael Matthews, s’il n’a pas gagné d’étape, s’est lui aussi montré à la hauteur des attentes de son équipe à domicile et repart avec le classement par points. Avec quatre Tops 10 en six étapes, il a été vu à l’aise sur tous les terrains et aurait dû jouer le classement général s’il n’avait pas connu un problème mécanique au pire moment lors de la 2e étape. Il sera un atout précieux pour Jayco qui doit faire le plein de points à chaque fois qu’elle le peut. Le bilan est moins bon pour Lucas Hamilton qui peine à retrouver les jambes qu’il avait en 2021.
Deux victoires d’étapes et un podium au général, voilà qui ouvre au mieux l’exercice 2023 de l’équipe Bahrain-Victorious. Phil Bauhaus n’a eu besoin que d’une occasion pour la mettre au fond, ce qui le soulagera peut-être d’un poids en tant que seul sprinteur de l’effectif. Pello Bilbao, facile dans l’ascension de Corkscrew, est allé chercher la gagne au mental dans un face-à-face avec Simon Yates. Lui qui n’a jamais terminé au-delà de la 13e place d’une course par étapes depuis mars 2021, met la formation bahreïnie sur les bons rails après une saison 2022 en demi-teinte.
Il lui aura fallu 255 jours de course au niveau World Tour pour briser la malédiction. Enfin, à 30 ans, Bryan Coquard s’est imposé au plus haut-niveau lors de la 4e étape de la course australienne. Sur un profil qui lui correspondait, superbement replacé par un Alexis Renard lui aussi revenu en grande forme, le Coq a surclassé la concurrence sans contestation possible, au moyen d’une giclette qu’on ne lui connaissait plus depuis quelques années. Une victoire d’autant plus intéressante qu’elle intervient en début de saison. Avec un peu de chance, elle sera un déclic pour le sprinteur français qui est plusieurs fois passé proche de s’imposer sur le Tour. Et si c’était pour cette année ?
LES FLOPS
Caleb Ewan et Kaden Groves ont déçu. Face à une concurrence relativement faible, les deux hommes n’ont pas trouvé l’ouverture pour débloquer leur compteur. Le premier, battu de justesse lors de la première étape, n’a pas concrétisé ensuite alors qu’il était là pour gagner. Il rapportera tout de même quelques points à la Lotto-Dstiny, mais ce n’est pas ce qu’il était venu chercher. Pour Kaden Groves, la situation est plus étonnante : pour ses débuts chez Alpecin-Deceuninck, l’ancien sprinteur de BikeEchange a été transparent. 4e du prologue, où on ne l’attendait pas, il n’a obtenu qu’une anecdotique 9e place à Victor Harbour. Pire, son équipe toute entière s’est fait piéger dans les bordures deux jours plus tard. La première d’Alpecin en tant qu’équipe World Tour est loin d’être une réussite.
Autre nouvelle venue au plus haut niveau, Arkea a quelque peu déçu. Sans être catastrophique, la formation bretonne n’a obtenu qu’une 8e place par Hugo Hofstetter et a fini par placer de justesse un coureur dans le Top 20, Elie Gesbert ayant eu besoin d’un temps d’adaptation pour se mettre en jambes.
Astana, annoncée comme l’une des plus faibles écuries du World Tour, n’a rien fait pour rassurer en ce début d’année. Avec un groupe relativement faible au départ, son sort devait être dans les mains de Luis Leon Sanchez, seul coureur capable de jouer quelque chose au général sur le papier. Mais l’Espagnol, mal placé lorsque les bordures se sont faites à Willunga, a terminé 45e du classement final. L’équipe kazakhstanaise n’a même pas obtenu un Top 20 d’étape et repart donc d’Australie avec très peu de points, et zéro confiance. Si l’on veut tirer du positif, soulignons les échappées de Manuele Boaro, Dmitriy Gruzdev et Fabio Felline, toutefois sans grand intérêt. Pour compléter le tableau, il faut signaler que Gianni Moscon s’est fracturé une clavicule et arrivera donc sur les Classiques du printemps sans avoir connu une préparation optimale.
Le plateau, sans être risible, n’était pas le meilleur possible au Down Under. Alors, quand les favoris sont mis hors-course par des ennuis mécaniques ou des chutes, la bataille en est forcément impactée. Ainsi, nous pouvons regretter le saut de chaîne de Michael Matthews au pire moment lors de la 2e étape, la chute de Corbin Strong le lendemain, qui ont retiré de la lutte pour le général deux éléments intéressants, ou encore le problème de dérailleur d’Ethan Hayter le dernier jour. Les crampes d’Alberto Bettiol lui ont aussi coûté une belle performance d’ensemble, même s’il ne s’agit pas là d’un problème extra-sportif. Ainsi, on a pu avoir l’impression que la bagarre n'avait concerné que trois hommes : Vine, Yates et Bilbao. Mais ça fait partie de la course.
Par Cyprien Bricout