Les Tops et les Flops du mois de février

Les Tops et les Flops du mois de février

Les premiers pavés, les premières bordures, et déjà se profilent à l’horizon les chemins blancs de Toscane et les reliefs usants de Paris-Nice et Tirreno. Le mois de mars s’ouvre et avec lui le cœur de la saison cycliste. Avant de s’y engouffrer, jetons un œil dans le rétro sur les Tops et les Flops du mois de février.

LES TOPS

  • Kevin Vauquelin

À 21 ans, Kevin Vauquelin court déjà comme un grand. Sa double expérience à Bessèges et au Tour des Alpes-Maritimes et du Var ces dernières semaines lui a de toute évidence fait passer un cap physique mais surtout mental. Gêné dans un moment crucial puis piégé lors de l’étape-reine, le jeune Normand a démontré sur les pentes du Mont Bouquet qu’il était le meilleur grimpeur de l’épreuve et que, même dans des circonstances compliquées, son sang froid pouvait lui permettre de sauver la mise. Dans les Alpes-Maritimes, il a fait mieux que limiter la casse puisque malgré une équipe plus faible que celles de ses concurrents directs, il est resté serein et a remporté le premier classement général de sa carrière. Redoutable dans les fins de courses usantes où la tactique se mêle à la fatigue, il prendra le départ de Paris-Nice avec des ambitions de Top 10, devenant ainsi en seulement un mois de course la carte qu’Arkea n’espérait peut-être pas avoir dans son jeu.

  • Bahrain-Victorious

43 Tops 10 dont 10 podiums, en seulement 24 jours de course. Voilà qui résume l’excellent niveau d’ensemble de la Bahrain en ce début de saison. L’équipe orange et bleu présente la particularité de peser sur toutes les courses dont elle prend le départ, et de le faire collectivement grâce à un groupe d’une homogénéité rare dans le peloton World Tour. Buitrago et Milan au Saudi Tour ; Bilbao et Landa à Valence ; Landa, Buitrago, Caruso, Haig et Mohoric à la Ruta del Sol ; Bilbao et Bauhaus à l’UAE Tour ; ou encore Pasqualon, Mohoric et Milan sur les pavés du weekend d’ouverture en Belgique : les Bahreïnis jouent constamment sur le surnombre de leurs leaders. Mais cette stratégie, bien que plaisante à suivre car elle crée du spectacle, s’avère pourtant peu rentable jusqu’ici puisque Bahrain-Victorious n’a plus gagné depuis le 31 janvier, lorsque Jonathan Milan avait devancé Dylan Groenewegen au Saudi Tour. À l’image de son colosse italien, la formation de Milan Erzen en fait souvent trop, trop tôt. Les résultats sont là, toutefois les victoires manquent à l’appel.

  • Matteo Jorgenson

Peut-être la présence de l’Américain dans les Tops vous surprendra-t-elle, mais le coureur de Movistar signe en toute discrétion un début de saison de plus intéressants. Vainqueur d’une étape et du général du Tour d’Oman, Matteo Jorgenson y a démontré des qualités de puncheur qu’on ne lui connaissait pas. Lui qui semble avoir encore besoin de temps pour découvrir quelles sont ses limites après avoir déjà montré de belles choses en montagne voire en chrono, n’en finit plus d’élargir sa palette. Et pour cause : ce samedi, sans qu’on l’ait vu de la course ou presque, le Californien de 23 ans s’est présenté à Ninove en position de jouer la 2e place, dans le groupe des favoris, duquel il était certainement le plus léger après Tom Pidcock. Prévu sur Paris-Nice et sur le Tour de France, Matteo Jorgenson souhaite certainement tirer profit de la situation nouvelle de l’équipe Movistar, délaissée par son leader historique Alejandro Valverde et qui ne serait pas contre l’idée de se trouver un nouvel homme fort pour seconder Enric Mas. Et pour ce faire, quoi de mieux qu’un grimpeur-puncheur qui sait rouler et passer les pavés avec les meilleurs ?

  • Le duel à distance Pogacar-Vingegaard

Ils ne se sont pas encore opposés frontalement, mais déjà les coups fusent. Tous deux imbattables dès leur reprise en Espagne, Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard se sont livré à un duel à distance qui n’a pour le moment couronné personne, les deux hommes ayant mis un point d’honneur à écraser la concurrence avec la même facilité. Si le suspense de la Ruta del Sol et du Gran Camino en a forcément pâti, cette guerre d’égo est la meilleure bande-annonce dont Paris-Nice pouvait rêver. La Course au Soleil pourrait bien être la seule course par étapes lors de laquelle le Danois et le Slovène s’affronteront avant juillet. Une chose est sûre : on n’aimerait pas être à la place de la concurrence.

  • Victor Langellotti

Derrière Jonas Vingegaard, en haut du Monte Tegra et de l’Alto do Castelo, vous avez pu apercevoir le maillot violet de Victor Langellotti. Décomplexé depuis sa victoire d’étape au Tour du Portugal en août dernier, le coureur de Burgos-BH s’est montré sur la Vuelta et semble avoir encore passé un cap cet hiver. 11e du Tour d’Oman avec une 6e place à Jabal Hatt, le Monégasque a remis le couvert en Galice avec deux nouveaux Tops 10 acquis en puncheur. À 27 ans, Victor Langellotti semble parvenir enfin à exploiter son potentiel pour atteindre un niveau qu’il n’espérait plus atteindre après un début de carrière compliqué. Peut-être n’est-il pas au bout de ses bonnes surprises.

  • Filippo Ganna

Quel coureur Filippo Ganna deviendra-t-il ? Ultra-spécialiste du chrono jusqu’à son record de l’heure en 2022, l’Italien paraît caresser le désir de se renouveler. Comme au Tour de San Juan en janvier, il s’est fait une place où on ne l’attendait pas au Tour de l’Algarve avec une 2e position au sprint et un Top 10 au sommet. Pas intouchable en chrono, le colosse d’Ineos a laissé échapper le général pour quelques secondes. Alors qu’on le dit rêver de Paris-Roubaix, Filippo Ganna pourrait nous surprendre sur des terrains auxquels on ne pense pas. À moins qu’il rentre dans le rang pour se mettre au service de ses leaders sans exploiter pleinement son évidente progression, comme d’autres l’ont fait avant loin dans la maison britannique.

LES FLOPS

  • Human Powered Health

Sans tirer sur l’ambulance, nous ne pouvions pas écarter l’équipe américaine de nos Flops, dont elle faisait déjà partie en janvier. Malgré un sursaut tardif de Sebastian Schonberger et Bart Lemmen en Galice, Human Powered Health a été transparente sur toutes les épreuves qu’elle a disputées, sans exception. Rarement représentée devant, elle est constamment absente des fins de course, au grand dam du manager Ro de Jonckere. Malgré un effectif au potentiel intéressant sur le papier, les Américains n’y arrivent pas pour le moment. Espérons pour eux que la roue tourne rapidement.

  • Astana

Dans le même genre, l’équipe Astana n’est pas mal du tout. Très souvent écartée des débats, elle accumule du retard en termes de points UCI mais aussi en termes de confiance collective. En dépit de quelques coups d’éclat, à l’image de la 4e place d’Alexey Lutsenko à Jebel Hais, les résultats sont bien termes pour la formation kazakhstanaise dont le taux d’abandon est parmi les plus importants des écuries World Tour. Cause ou conséquence de cette dynamique négative, la malchance et les erreurs tactiques dans les moments décisifs s’en sont mêlées à l’UAE Tour, alors que Mark Cavendish semblait retrouver une certaine condition. Avec un calendrier exclusivement composé d’épreuves World Tour jusqu’au 26 mars, les hommes d’Aleksandr Vinokurov ont intérêt à vite renverser la vapeur, au risque de s’embourber dans de mauvaises habitudes dont il sera difficile de s’extirper.

  • Arnaud Démare

À l’instar de Mark Cavendish, la reprise aux Emirats a été difficile pour Arnaud Démare. Décalé suite à l’annulation du Tour d’Antalya, le retour à la compétition du sprinteur français ne s’est pas passé de la meilleure des manières puisqu’il a clairement manqué de capacité d’accélération dans les trois sprints auxquels il a pris part. Enfermé et isolé dans la jungle des innombrables trains présents à l’UAE Tour, il n’a pas non plus été mis dans les meilleures dispositions, ce que l’on pouvait craindre suite aux départs de Jacopo Guarnieri et Ramon Sinkeldam cet hiver. Paris-Nice et San Remo seront les prochains objectifs du Picard qui aura du mal à se refaire face à une adversité de haut-niveau. Un passage par des épreuves continentales pour refaire le plein de confiance ne serait peut-être pas une mauvaise idée.

  • Le suspense des classiques

Ceux qui supportent la Jumbo-Visma ont passé un bon weekend. Auteurs d’une domination qui frôle l’insolence, les jaune et noir sont apparus, comme nous pouvions nous y attendre, comme l’addition des plus fortes individualités. Si bien que le groupe s’est permis des coups tactiques que l’on ne pensait possibles jusqu’à l’année dernière que sur PCM. À l’image d’un Christophe Laporte faisant la cassure pour permettre à ses équipiers de s’échapper, caressant les pédales dans la roue des concurrents, attendant son heure pour aller chercher ce qui reste à prendre, tout a semblé facile à une Jumbo qui ne veut rien partager. Et tout cela sans Wout van Aert. Que la campagne des classiques s’annonce longue pour les adversaires des Néerlandais.

  • Soudal-Quick Step

Et parmi eux, ceux qui ont le plus déçu sont peut-être bien les hommes de Patrick Lefévère. Le sursaut d’orgueil attendu après une saison 2022 contrastée dans les courses printanières n’a pas eu lieu. Davide Ballerini et Fabio Jakobsen ont bien fait des placettes, mais ne nous y trompons pas : la Quick-Step a été inoffensive tout au long du weekend, n’a jamais rien tenté car elle ne le pouvait pas, ce qui prouve s’il le fallait encore qu’elle n’est plus la grande équipe de classicmen d’il y a quelques années. Heureusement, le Wolfpack a plus d’un tour dans son sac et sa transformation en Remco-Team est pour l’instant une réussite, de même que le recrutement de Tim Merlier s’avère satisfaisant, le Belge étant déjà le sprinteur le plus prolifique du peloton. Mais, soyons honnêtes, qui n'a pas ressenti une pointe de nostalgie en voyant les maillots bleus sauter un par un samedi à l’Omloop, tandis que le peloton était encore bien fourni ?

  • Alpecin-Deceuninck

Le succès des équipes belges est décidément bien contrasté en ce début d’année. Alors qu’Intermarché a démarré en trombes et que Quick-Step n’a pas le taux de réussite qu’il a pu connaître jusqu’en 2021, la promotion d’Alpecin en World Tour est pour le moment une franche déception. Bien sûr, Mathieu van der Poel sera certainement bien assez fort pour faire oublier ce départ poussif. Mais tout de même : la formation de Philip Roodhooft est la seule qui n’a toujours pas gagné cette saison, ni par Jasper Philipsen, ni par Kaden Groves, ni par l’un des innombrables coureurs de semi-classiques qui composent son effectif et qui, l’an dernier, parvenaient à rafler la mise sur les courses de second rang. Le gros coup du mercato Axel Laurance est pour l’instant en-deçà des attentes (le problème dans ce cas étant certainement le niveau des attentes et non le niveau du jeune coureur français). Les épreuves montagneuses sont un calvaire pour le groupe de flahutes que l’on a vu subir la course en Andalousie. L’UAE Tour, terrain a priori idéalement approprié à ses qualités, ne lui a pas offert le moindre Top 10 d’étape ; pas plus d’ailleurs que les premières classiques. Vivement le retour du champion du monde de cyclocross, seul en mesure de relancer la machine.

Par Cyprien Bricout

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