Alors que la saison des Classiques s’est achevée il y a peu et que déjà celle des Grands Tours s’ouvre en Italie, VCN vous propose un baromètre des équipes World Tour, des principales formations Pro-Continentales ainsi que des Continentales françaises.
Cet état des lieux des forces en présence ne prend en compte que les épreuves professionnelles et fait suite au baromètre établi après le premier mois de compétition.
L’ordre rétabli
Alors que plusieurs grosses équipes avaient repris discrètement, voici que le podium UCI ressemble désormais à tout ce qu’il y a de plus attendu. UAE, qui a un peu marqué le pas depuis que les courses flandriennes rythme la vie du cyclisme mondial, a concédé la première place à l’armada Jumbo-Visma mais conserve la seconde pour quelques points seulement, devant les survoltés Grenadiers d’Ineos.
L’équipe néerlandaise avait pourtant lancé très timidement sa saison en attendant le plus longtemps possible avant d’exposer ses stars à la pression des caméras. Depuis le weekend d’ouverture fin février, les hommes en jaune ont éclaboussé de leur classe les épreuves du calendrier World Tour. Seul bémol pour eux : leur absence lors des plus importantes de ces courses, les Monuments. Wout van Aert n’a pas su tirer son épingle du jeu à San Remo avant d’être contraint de regarder le Ronde à la télé et de manquer la marche qui le sépare encore de Paris-Roubaix et de Liège. Primoz Roglic, quant à lui, a comme souvent montré des failles sur les courses par étapes alors qu’il avait maîtrisé Paris-Nice. Si elle est bien armée pour les classements généraux, elle ne paraît pas aussi dominatrice qu’on pouvait l’attendre en début de saison et son Giro s’annonce incertain.
Pour Ineos, l’arrivée du printemps a été synonyme de succès mais pas forcément où on l’attendait. Si elle a usé de sa tripotée de grimpeurs pour truster les podiums en Catalogne et au Pays Basque, c’est sur les courses d’un jour en Flandres qu’elle a surpris son monde. Avec Narvaez, Pidcock, les jeunes Sheffield et Turner mais aussi et surtout Dylan van Baarle, les Britanniques sortent vainqueurs de cette campagne de classiques. Ce sont peut-être les Grands Tours, là où elle est le plus attendue, qui constitueront le défi que l’équipe de Dave Brailsford aura le plus de mal à relever. En Italie, elle devra composer avec la pression d’avoir dans ses rangs le grand favori du Giro en la personne de Richard Carapaz.
Bahrain-Victorious, 4e du classement mondial, connaît elle aussi sur une bonne dynamique faisant suite à un début de saison mitigé. Malgré la perte de Sonny Colbrelli sur un pépin de santé, la formation bahreïnie comble les attentes qui pèsent sur elle. Matej Mohoric, après avoir remporté son premier Monument, a été l’un des acteurs des flandriennes et notamment de Paris-Roubaix, et Dylan Teuns a terminé vainqueur surprise au Mur de Huy. Enfin, le quatuor Bilbao-Landa-Caruso-Mäder assure l’essentiel dans les classements généraux. Tous les voyants sont donc au vert du côté de Bahrain.
Les invitées surprises
Si cette équipe semble à sa place, les écuries qui la suivent dans la hiérarchie de l’UCI sont plus inattendues. La première d’entre elles n’est autre qu’Arkea-Samsic, 6e, qui ne s’essouffle pas après un départ en trombe. Jouant crânement sa chance sur toutes les épreuves du calendrier, l’équipe bretonne a su se distinguer à Paris-Nice, Tirreno ou encore au Tour de Turquie, parvenant à conjuguer parfaitement sa quête de points UCI et son rayonnement sur le devant de la scène internationale, tous deux indispensables pour rendre possible son accession à la première division en 2023.
L’autre surprise n’est qu’une demi-surprise : il s’agit d’Alpecin-Fenix. Car si la Pro-Continentale belge était naturellement attendue au plus haut niveau grâce à son trident Van der Poel-Merlier-Philipsen, force est de constater que ces trois-là ne sont pas très entourés cette saison comme ils pouvaient l’être l’an dernier, et ce en dépit d’un mercato intéressant à l’intersaison. Fort heureusement pour Alpecin, sa star affiche un ratio de points par jour de course parmi les plus élevés du peloton, ce qui lui permet de s’installer à cette 6e place mondiale en trompe-l’œil. Il faudra toutefois réaliser une deuxième partie de saison de meilleure qualité pour ne pas devenir trop MVDP-dépendante.
Intermarché, enfin, fait également figure d’intrus dans les premières places du classement. Si son premier exercice en World Tour avait été une timide réussite, nul n’attendait l’écurie belge à ce niveau cette saison. Alternant le bon et le moins bon, les hommes de Jean-François Bourlart se sont tout de même distingués honorablement lors des classiques grâce à un collectif surprenant : un Andrea Pasqualon qui connaît une seconde jeunesse, un Loïc Vliegen intéressant, un Alexander Kristoff immortel et surtout un Biniam Ghirmay couvert de gloire à Wevelgem. La prestation collective d’Intermarché à Roubaix est à l’image de sa campagne de classiques, que Quinten Hermans a conclu de fort belle manière en montant sur le podium de la Doyenne. Les prestations du collectif Wanty-Gobert lors des courses par étapes sont en revanche bien plus hasardeuses et il lui sera compliqué de tenir la distance maintenant que se clôt l’ère des courses d’une journée.
La constance en milieu de tableau
Elles sont plusieurs équipes à n’avoir ni faibli, ni forci depuis le début de saison. Régulières, Cofidis comme Total font office de bons élèves dans ce registre. La première, bien qu’elle conserve sa mauvaise habitude de gagner majoritairement sur des épreuves de second rang, a réussi à tenir le rythme imposé par Bryan Coquard dès la reprise et compte déjà 9 succès à son actif. L’un d’eux a même été acquis par Ion Izagirre au Tour de Catalogne, ce qui promet le meilleur pour la suite et alors même que Guillaume Martin, carte maîtresse du collectif nordiste, est relativement discret pour l’instant. Avec un Victor Lafay qui tourne autour d’une gagne, Max Walscheid, Axel Zingle ou Simon Geschke qui répondent présent et des leaders qui devraient faire leur retour prochainement, Cofidis peut espérer tenir la cadence encore quelques temps, et ce dès le Giro d’Italia où son grimpeur normand assure vouloir viser le général.
Du côté de la Vendée, les temps de passages n’ont pas tous été validés pour Total Energies qui attendait beaucoup mieux de Peter Sagan. Néanmoins, avec la victoire de Mathieu Burgaudeau à Aubagne, celle de Dries van Gestel aux Pays-Bas et la médaille d’argent d’Anthony Turgis sur la Via Roma, le blocage qui a longtemps suivi les protégés de Jean-René Bernaudeau semble levé. L’équipe a d’ailleurs pu compter plus récemment sur de belles surprises, notamment le niveau de Valentin Ferron qui se bat régulièrement pour la gagne ou le retour en forme d’un Alexis Vuillermoz qu’on n’attendait plus. Problème pour Total : le mois de mai s’annonce assez pauvre puisque l’équipe ne sera pas présente en Italie. Elle devra donc utiliser ce creux pour travailler fort en vue du Tour de France, et Peter Sagan le premier.
Le faux-départ de grosses cylindrées
D’autres formations n’ont pas réussi à tenir sur la distance et ont vu leurs résultats s’effondrer depuis le mois de mars. Quick-Step est bien sûr la parfaite illustration de ce phénomène : après avoir gagné dix fois en mois de vingt jours en février, elle a subi un brusque coup d’arrêt qui a installé une spirale morose dans l’équipe. Julian Alaphilippe était loin de son meilleur niveau avant de subir une chute terrible à Liège, tandis que le groupe des flandriens s’est complètement troué comme il ne l’a peut-être jamais fait. Heureusement pour Quick-Step, la victoire est dans son ADN et Remco Evenepoel a fini par le prouver en s’imposant brillamment sur le quatrième monument de la saison. Malgré cette mauvaise passe, les hommes de Patrick Lefévère affichent tout de même dix-neuf gagnes en 2022. On peut d’ailleurs penser que cette crise s’est refermée avec la victoire à Liège et que le Wolfpack sera en ordre de bataille sur les routes italiennes où il doit mettre fin à trois années de disette.
Dans le même registre mais dans une moindre mesure, force est de constater que l’UAE Team Emirates connaît une légère baisse de ses résultats. Il faut dire qu’il était difficile d’envisager que toute sa saison s’imprime à l’image de son lancement plus que fructueux grâce aux phénoménaux Pogacar et McNulty. Paris-Nice et le Tour du Pays Basque n’ont pas été de franches réussites, pas plus que la campagne de classiques qui se solde avec comme unique succès la discrète Bredene-Koksijde d’un Pascal Ackermann jusqu’alors transparent. Pas d’inquiétude pour autant du côté d’UAE qui trône toujours sur le cyclisme mondial et qui peut compter sur son leader slovène pour réenclencher une dynamique de victoires à tout moment. En attendant l’enchaînement Dauphiné-Tour de France, c’est sur Juan Ayuso, 4e en Romandie, et Joao Almeida, leader pour le Giro, que s’appuie la formation émiratie.
Pour Bora-hansgrohe, il faut également parler de résultats en dents de scie. En effet, après un gros début de saison, elle a connu un coup de moins bien durant de longues semaines, se révélant incapable de faire parler son collectif lors des courses d’un jour. Attendue sur le terrain des arrivées groupées, elle ne s’est pas résignée devant l’inefficacité de Sam Bennett qui a fini par s’imposer à Francfort. Heureusement pour elle, l’équipe allemande peut compter sur des grimpeurs redoutables qui ont fait parler la poudre en Catalogne et en Romandie comme ils espèrent le faire durant trois semaines en Italie. Et on le sait : les classements généraux des courses World Tour attribuent de très gros points, ce qui explique la 5e place des Allemands au classement UCI. Une place qui reste toutefois fragile au vu de la relative inefficacité de ses sprinteurs.
Enfin, et de manière plus prononcée cette fois, il faut évoquer la descente vers l’anonymat de Movistar. Sauvée en février par son vétéran Valverde, l’équipe espagnole n’avait jusqu’à peu toujours pas gagné par l’intermédiaire d’un autre coureur. Et en dépit du beau succès de Sosa dans les Asturies, force est de constater que c’est loin d’être suffisant pour les Espagnols qui n’ont pas levé les bras en-dehors de leurs terres cette année. Les courses d’une semaine, qui sont leur marque de fabrique habituelle, ont été un calvaire pour les Ibériques au printemps, tout autant que les classiques sur lesquelles ils n’ont pas pour coutume de se distinguer. Cette fois, il est difficile d’être aussi optimiste que pour UAE, tant Movistar peine à se renouveler et semble s’enfoncer dans le marasme course après course, malgré des coups d’éclat du quarantenaire murcien dans les Ardennaises, une fois n’est pas coutume.
Dans le même registre, citons la Trek-Segafredo le début de saison de Mads Pedersen ne semble pas avoir impactée bien longuement. Attendue sur les courses d’un jour pour lesquelles elle est relativement bien armée, elle s’est montrée discrète et, il faut le dire, inoffensive.
Bien ancrées dans le ventre mou, Lotto Soudal et Jayco-BikeExchange le sont aussi. Quoique séduisantes à la reprise, les deux équipes en sont revenues à leur statut d’équipes moyennes et se contentent plutôt de briller sur des épreuves de faible enjeu, malgré la présence dans leur effectif de coureurs intéressants mais esseulés comme Arnaud de Lie ou Victor Campenaerts du côté belge, ou Kaden Groves et Simon Yates côté australien. Pour ces deux écuries, le Giro doit apporter des réponses quant à la capacité de leurs leaders respectifs à s’imposer au plus haut-niveau.
Les diesels
À l’inverse, certaines équipes ont réussi, par choix ou de manière subie, à monter crescendo ces derniers temps. Les meilleurs exemples sont peut-être à chercher du côté tricolore : Groupama-FDJ, à côté de la plaque lors des premières courses du sud de la France, a trouvé en Valentin Madouas et Stefan Küng les détonateurs qui ont activé la machine. On peut même penser que Thibaut Pinot est sur la bonne voie d’un retour à un niveau qui dépasse les attentes des observateurs. Au-delà de ses progrès tardifs, Groupama peut aussi se réjouir de la réussite de son équipe continentale de réserve qui connaît le meilleur début de saison de sa courte histoire, rythmé par des victoires à la pelle sur les plus belles épreuves du calendrier Espoirs.
Concurrente et rivale, AG2R-Citroën n’est pas en reste dans la catégorie des machines difficiles à lancer. En retard en février, elle a laissé espérer à ses supporters que la saison des classiques serait belle lorsque Greg van Avermaet a décroché une prometteuse 3e place à l’Omloop Het Nieuwsblad. Malheureusement, le duo qu’il forme avec Oliver Naesen n’a pas toujours pas réussi à peser sur les pavés du nord. Benoit Cosnefroy, dans son registre, a plutôt rassuré au même titre que Ben O’Connor qui, course après course, semble s’imposer comme l’assurance tous risques de Vincent Lavenu. Et si Groupama-FDJ peut compter sur sa Conti, AG2R-Citroën peut se féliciter des résultats de son équipe junior, victorieuse de Paris-Roubaix du côté des jeunes.
Les échecs annoncés
En queue de peloton, DSM a connu un lancement galère. Souvent transparente, elle n’est tout simplement pas au niveau d’une équipe World Tour, sur ce que l’on a vu depuis le début de saison. Néanmoins, elle n’est pas celle qui s’en sort le moins bien et voit en Romain Bardet son potentiel sauveur. Après avoir gagné le Tour des Alpes avec sous son aile le jeune Thymen Arensman, le Français s’aligne sur le Giro avec la possibilité de sauver une saison qui, jusqu’ici, est à oublier.
EF-EasyPost n’est pas en reste du côté des déceptions. Que ce soit sur les plus grandes épreuves du calendrier ou au niveau continental, l’équipe américaine est tout simplement absente des débats. Elle ne compte d’ailleurs à son actif que trois petites victoires et elle est, avec DSM, l’équipe World Tour qui totalise le moins de podiums cette année. Difficile de prédire la suite de la saison des hommes en rose dont certains ont tout de même les ressources pour remettre EF sur les bons rails.
Du côté d’Israel-Premier Tech, le moral n’est pas non plus au beau fixe. Longtemps inexistante, elle a fini par se réjouir des succès de Patrick Bevin en Turquie et en Romandie. L’équipe la plus âgée du peloton n’en reste pas moins dépassée de toutes parts et on voit mal comment elle pourrait remonter la pente sur le Giro en alignant un groupe entièrement dédié à un Giacomo Nizzolo qui n’a plus gagné depuis 45 jours de course, soit sa plus longue période blanche depuis 2018.
Le bonnet d’âne trône néanmoins sur le casque d’une autre formation : Astana. Rien ne va plus du côté des hommes d’Aleksandr Vinokurov qui accumulent les courses sans être capable de décrocher ne serait-ce qu’un Top 20. Seuls Vincenzo Nibali au Tour de Sicile et Miguel Angel Lopez au Tour des Alpes ont réussi à mettre du baume au cœur des Kazakhstanais. En-dehors de ces deux épreuves, Astana n’a acquis que trois discrets Tops 10 aux mois de mars et avril. Le Giro se profile peut-être déjà comme la dernière chance de sauver ce qu’il reste à sauver, puisque les deux leaders de l’équipe seront au départ de Hongrie.
À un niveau inférieur, le bilan n’est pas beaucoup plus reluisant pour les Bretons de B&B Hôtels-KTM. Trop souvent absente des débats, elle doit pour l’instant se contenter de quelques échappées discrètes et de quelques placettes, ne parvenant pas à collectionner podiums et victoires. Son seul succès de l’année est à mettre à l’actif d’Alan Boileau, victorieux au Rwanda fin février. Ce plafond de verre décidément bien solide devra se briser rapidement, faute de quoi les Glaz pourraient bien aborder leur premier Tour de France avec un total manque de confiance. Pourquoi pas dégripper la machine à domicile lors du GP du Morbihan, du Tro-Bro ou du Tour du Finistère qui sont les trois prochaines manches de Coupe de France ?
Les contis françaises
Toujours du côté tricolore, les continentales affichent des bilans mitigés. Nantes a bien failli ouvrir son compteur à Cholet mi-mars mais Emmanuel Morin a du se contenter de la deuxième place. Il est d’ailleurs depuis le principal fer de lance de l’équipe puisqu’il a réalisé deux nouveaux Tops 10 depuis. Du côté de Nice, parvenue au niveau professionnel en même temps, les résultats sont légèrement en-dessous malgré les efforts de Jonathan Couanon, Andrea Mifsud ou encore Tristan Delacroix, qui se battent pour être celui qui décrochera le premier Top 10 de la saison des Aiglons.
Go Sport-Roubaix Lille Métropole, bien qu’irrégulière, redore son blason depuis quelques semaines grâce aux places d’honneur acquises par Thomas Boudat et à la belle 4e place de Jérémy Leveau au général du Tour de la Sarthe. Les Nordistes jouent crânement leur chance à domicile sur les 4 Jours de Dunkerque qui se déroulent actuellement et espèrent bien repartir avec un beau résultat d’ensemble.
C’est sur cette même épreuve que St-Michel Auber a renoué avec le succès cette semaine. De retour en très bonne condition, son sprinteur Jason Tesson réalise une course parfaite jusqu’ici et soulage tout un collectif qui avait du mal à concrétiser lors des derniers mois.
Par Cyprien Bricout