Le baromètre des équipes après un mois de compétition

Le baromètre des équipes après un mois de compétition

Un mois après le lancement de la saison professionnelle et à la veille du weekend de reprise des Classiques en Belgique, VCN vous propose un baromètre des équipes World Tour, des principales formations Pro-Continentales ainsi que des Continentales françaises. Ce baromètre ne prend en compte que les épreuves de classe 1 ou de niveau supérieur.

La surprise Arkea-Samsic

Elle est aujourd’hui l’inattendue leader du classement mondial : Arkea-Samsic, candidate assumée au World Tour 2023, réalise un début de saison tout feu tout flamme. Un chiffre reflète parfaitement sa régularité : les hommes en rouge ont obtenu pas moins de quarante-sept Tops 10 en trente-huit jours de course.

Pouvant compter sur un groupe en grande forme, Arkea a déjà accumulé en un mois cinq victoires, soit la moitié de sa moisson 2021. Nairo Quintana y est bien sûr pour beaucoup avec ses quatre bouquets, mais ce qui compte tout autant pour la firme bretonne, ce sont les points UCI. Et à ce compte-là, elle peut se réjouir de compter sur beaucoup de bons scoreurs parmi lesquels Elie Gesbert et Amaury Capiot.

Emmanuel Hubert peut même être optimiste : ce gros départ s’est fait quasiment sans deux de ses têtes d’affiche : Warren Barguil et Nacer Bouhanni, qui sont restés en retrait pour le moment. Or on peut raisonnablement penser qu’ils finiront par contribuer à leur tour au pécule de l’équipe. Notons enfin les jeunes surprises nommées Kevin Vauquelin (6e du Tour d’Oman), Matis Louvel (deux Tops 5 au sprint) ou Thibault Guernalec (8e de l’Étoile de Bessèges et du Tour d’Algarve), tous trois précieux dans la course aux points qui anime Arkea.

Ne nous berçons pas d’illusions : la formation française devrait perdre la première place du classement UCI dès cette semaine suite à la réussite d’UAE à domicile. En revanche, ce qui est pris n’est plus à prendre et avec un tel début de saison, elle peut désormais croire au World Tour, surtout si son leader colombien continue de scorer lors de Paris-Nice ou du Tour de Catalogne.

Le départ en trombe des grosses cylindrées 

Les autres équipes occupant le haut du tableau sont bien moins surprenantes : il s’agit des valeurs sûres qui se disputeront toute la saison le classement UCI et les plus grandes épreuves du calendrier.

Parmi elles, UAE a fait forte impression en gagnant dès la première course à Majorque. Avec son duo de sprinteurs colombien Gaviria-Molano de retour en bonne forme et un Alessandro Covi qui confirme d’ores et déjà les bonnes choses entrevues fin 2021, elle a validé ses premiers points de passages du mois de février. Surtout, elle peut compter sur des leaders en pleine forme avec Brandon McNulty, Tadej Pogacar, Joao Almeida ou même Rafal Majka. Quelques bémols sont tout de même à souligner, notamment le retard de Pascal Ackermann et Marc Soler ou la petite déception Juan Ayuso. Mais avec un tel effectif, UAE peut se payer le luxe de ne pas avoir 100% de ses leaders en pleine forme sans que cela n’impacte sa réussite.

Quick-Step réalise elle aussi une rentrée digne de son statut : la formation belge a déjà gagné dix fois grâce à Remco Evenepoel, Fausto Masnada, Mark Cavendish et surtout Fabio Jakobsen qui compte déjà une bonne longueur d’avance au classement symbolique des hommes les plus rapides du monde. La limite au succès de l’écurie de Patrick Lefévère semble en revanche résider dans la profondeur de son groupe, qui contrairement à UAE est un peu court. Il lui sera peut-être difficile d’être de tous les fronts tout au long de la saison, bien que Quick-Step ait déjà prouvé qu’elle était capable chaque année de révéler des talents de manière inattendue.

Ineos, enfin, a signé une reprise nuancée. Si l’ensemble est bon, quelques performances récentes ne sont pas aussi rassurantes que les Grenadiers l’espéraient. Richard Carapaz, victime d’une chute à Bessèges, ne semble pas encore être dans une grande forme ; pas plus qu’un Ethan Hayter pas à la hauteur des attentes placées en lui jusqu’ici. Les bonnes surprises du côté anglais se nomment Carlos Rodriguez, qui pour le moment est le meilleur élément d’Ineos pour les courses par étapes, Filippo Ganna qui semble vouloir se tester en montagne sans avoir perdu ses talents de rouleur, ou encore Magnus Sheffield, vainqueur après seulement huit jours de course professionnels.

Lancement honorable des équipes de fond de tableau 

Vélo-club vous en parle souvent : la bataille pour les points UCI fait rage en fond de tableau pour l’accession au World Tour 2023. La preuve : Cofidis, Lotto-Soudal et Intermarché-Wanty ont toutes les trois voulu commencer l’année en trombe pour mettre toutes les chances de leur côté.

L’équipe nordiste a réussi sa rentrée dans le sud de la France grâce aux victoires de Bryan Coquard et Benjamin Thomas à l’Étoile de Bessèges, mais aussi du fait de la bonne forme de Guillaume Martin au Tour des Alpes-Maritimes et du Var. C’est en revanche un peu plus compliqué pour elle en-dehors des frontières : elle a été absente des débats à Majorque, au Saudi Tour et à Oman. Espérons pour elle qu’elle réussira mieux ses prochains voyages et que son succès ne reposera pas seulement sur ses leaders tricolores.

Du côté de Lotto, c’est presque une tradition de briller en janvier-février. Comme d’habitude, elle a gagné à Majorque avant de survoler le Saudi Tour. Malheureusement pour elle, l’équipe qui perdra son co-sponsor Soudal en fin de saison ne fait semblant lorsqu’elle se loupe. Transparente en Provence, en Andalousie et à l’UAE Tour, elle semble déjà connaître une baisse de régime après un mois de course. Il faut dire qu’hormis Tim Wellens, récent vainqueur sur la Côte d’Azur, et Caleb Ewan, en forme dès sa reprise, l’effectif de la formation belge n’est pas franchement taillé pour le World Tour. Il est difficile de l’imaginer jouer les premiers rôles dans la période des Classiques qui s’ouvre pour elle ce weekend à domicile.

Enfin, Intermarché-Wanty-Gobert est en quelque sorte l’invitée surprise du début de saison. Les jeunes Biniam Ghirmay et Kobe Goossens ont assuré l’essentiel en janvier tandis que le pari Alexander Kristoff s’avère être une vraie réussite. Si le Norvégien n’a gagné qu’une fois pour le moment, il présente surtout l’atout d’être très régulier et c’est justement ce dont a besoin son manager Jean-François Bourlart. Enfin, le jaune fluo du maillot de Wanty a largement été mis en valeur par l’inattendu Jan Hirt. Le Tchèque, 31 ans et une carrière relativement discrète jusqu’à présent, a remporté le Tour d’Oman en en ravissant l’étape-reine avant d’animer l’UAE Tour cette semaine avec la fougue d’un néo-pro.

Le ventre mou

Sans être flamboyantes, il est des équipes qui sont à leur place après un mois de compétition. Pour Bahrain-Victorious, 2021 débute d’une manière surprenante. Sans avoir beaucoup couru, elle a obtenu deux beaux succès dans des épreuves par étapes grâce à Santiago Buitrago et Wout Poels. Ses leaders, eux, sont bien discrets en ce début de saison. Mikel Landa, Damiano Caruso et Gino Mäder ne sont pas encore au niveau attendu tandis que Matej Mohoric et Sonny Colbrelli seront particulièrement observés lors des premières épreuves du plat pays.

Bora-hansgrohe fait aussi partie de ses équipes au bilan contrasté. Après avoir eu du mal à débloquer son compteur malgré une attitude très offensive, elle peut se réjouir d’avoir trouvé un Alexandr Vlasov en grande condition. Hormis le grimpeur russe, personne n’a fait d’étincelle sous les couleurs allemandes. Si Sergio Higuita et Lennard Kämna ont récemment rassuré quelque peu, le duo Van Poppel-Bennett est lui tout-à-fait transparent dans les arrivées massives.

Du côté de Trek-Segafredo, les hommes en forme se comptent sur les doigts d’une main. Voire même moins. Les Danois Mads Pedersen et Mattias Skjelmose ont heureusement compensé les rentrées nuancées de Giulio Ciccone, Matteo Moschetti ou Bauke Mollema. Trek peut se rassurer en se disant qu’elle garde dans sa main la carte Jasper Stuyven, qu’elle devrait jouer dès ce weekend en Belgique. Mais il faudra à l’écurie américaine des garanties rapides de la part de ses autres têtes d’affiche, sous peine de devenir une équipe très moyenne du World Tour.

BikeEchange-Jayco et EF Education-Easy Post, enfin, reçoivent elles aussi une mention assez-bien. La première a pu compter sur la fructueuse complicité de Kaden Groves et Dylan Groenewegen pour afficher déjà deux victoires, mais a dû constater que Simon Yates n’était pas flamboyant en Andalousie. La seconde, très discrète en février, présente un bilan qui se limite à la bonne course d’Alberto Bettiol à Bessèges et à sa démonstration de force manquée à l’UAE Tour où, après avoir mené grand train dans Jebel Jais, Ruben Guerreiro s’est fait remettre à sa place par Tadej Pogacar et consorts.

Jumbo, la grande absente

Si EF et Bahrain n’ont que peu couru, elles ont au moins eu le mérite d’aligner quelques-uns de leurs meilleurs éléments. Du côté de Jumbo-Visma, en revanche, c’est le calme plat. Touchée par un cas de Covid à Valence, elle a dû quitter la course après y avoir été transparente. En Algarve, Tobias Foss a obtenu une discrète 6e place après avoir chuté le premier jour. Enfin, aux Émirats, les hommes en jaune ont vite déchanté après la 3e place de Tom Dumoulin au chrono : le Néerlandais a complètement craqué dans l’ascension de Jebel Jais. Espérons que la rentrée de Wout van Aert au Circuit Het Nieuwsblad propose un meilleur visage de la Jumbo, qui semble avoir pris complètement le parti de la préparation au moyen des stages d’entraînement, allant presque jusqu’à en oublier de courir.

Les déceptions 

Et puis, il y a celles qui ont raté leur retour à la compétition. Parmi elles, les Françaises Groupama-FDJ et AG2R-Citroën. La première a enchaîné les erreurs sans réagir lors de ses premières courses et a fini, enfin, par jouer devant lors du Tour d’Oman grâce à un Paul Penhoët étonnamment à l’aise parmi les grands sprinteurs. Dans ce contexte, la victoire de David Gaudu en Algarve paraît presque salvatrice. Elle marque en tout cas une remise de l’équipe sur les bons rails, à en croire la bonne réaction de Thibaut Pinot, Michael Storer et Valentin Madouas au Tour des Alpes-Maritimes et du Var. On attend maintenant de voir les bleu-blanc-rouge assumer leur statut d’équipe World Tour, notamment grâce à un Arnaud Démare pour le moment assez discret.

Pour AG2R, la soupe à la grimace commence elle aussi à se dissiper, enfin. La reprise a été très compliquée pour les protégés de Vincent Lavenu, mais la 7e place de Ben O’Connor en Andalousie et la capacité de Geoffrey Bouchard à accrocher les meilleurs à l’UAE Tour pourraient bien être un premier signal positif. À l’approche des Classiques, la dynamique n’est en tout cas pas idéale pour cette formation qui se rêve comme une nouvelle référence en la matière.

Pour les autres ratés de la rentrée, on peut citer en vrac Israël-Premier Tech, qui se repose pour le moment sur le baroud d’honneur de Simon Clarke et la régularité de Giacomo Nizzolo ; Movistar qui a souffert en février de l’absence d’Alejandro Valverde, malgré les performances honorables de Matteo Jorgenson, Ivan Sosa ou Enric Mas ; ou encore Astana qui brille par intermittence grâce au jeune Samuele Battistella et aux coups d’éclat d’Alexey Lutsenko et Miguel Angel Lopez.

Pour DSM, ce début d’année est en revanche un échec franc et sans nuance. L’équipe néerlandaise est plus que transparente dans toutes les courses auxquelles elle participe et ses jeunes talents ne sont pas en mesure de tenir toute une formation à bout de bras. Romain Bardet, qui doit se sentir bien seul, a heureusement redressé un peu la barre à l’UAE Tour. Mais son avant-dernière saison professionnelle s’annonce bien longue.

À l’échelon inférieur, Total et Uno-X surprennent Alpecin tandis que B&B se troue

Au niveau Pro-Continental, l’épouvantail Alpecin-Fenix n’est pas aussi hégémonique qu’à l’accoutumée. C’est même plutôt le contraire : l’équipe belge souffre de la convalescence de Mathieu van der Poel et ne parvient pas à être à son niveau habituel. Jasper Philipsen s’est bien imposé à l’UAE Tour tout comme Jakub Mareczko l’avait fait au Tour d’Antalya, mais Tim Merlier et Jay Vine sont plusieurs fois passés à côté et ont tous les deux montré trop d’irrégularité pour compenser l’absence de leur leader.

Uno-X et Total Energies, elles, comptent bien en profiter. La formation norvégienne a confirmé sa bonne saison 2021 dès le mois de février avec les bonnes places d’Anthon Charmig au Saudi Tour et à Oman et la victoire d’étape de Tobias Johannessen à la Montagne de Lure, auxquelles il faut ajouter la victoire plus inaperçue de Jacob Hindgsaul à Antalya. Pour Total, le début de saison est également réussi même si les Français n’ont ouvert leur compteur que cette semaine au Tour du Rwanda. Avant cela, elle avait pourtant montré un visage très séduisant, n’hésitant pas à se comporter en équipe-cadre du peloton sur les premières épreuves du calendrier. Pierre Latour et Cristian Rodriguez ont assuré l’essentiel, espérons maintenant qu’eux comme Niccolo Bonifazio ou Peter Sagan parviendront à scorer rapidement.

De l’autre côté du spectre, il faut noter le départ très délicat de B&B Hôtels-KTM. Les Glaz ne se sont distingué que par quelques échappées télévisées, notamment de la part d’Alexis Gougeard, mais n’ont quasiment pas existé dans le haut des classements depuis la reprise. Les hommes de Jérôme Pineau ne comptent aujourd’hui qu’une poignée de Tops 10 et n’avaient toujours pas intégré le moindre Top 5 avant le début du Tour du Rwanda. Il leur faudra très vite redresser la barre. Ils peuvent cependant d’ores et déjà tirer un trait sur les premières places du classement Pro-Continental, précieux dans la définition du calendrier de l’année prochaine.

Nice, déjà meilleure conti française

Du côté des équipes continentales tricolores, c’est Nice-Métropole Côte d’Azur qui tient le haut de l’affiche. La formation azuréenne, tandis que ses homologues St-Michel-Auber93, U Nantes Atlantique ou Go Sport-Roubaix Lille Métropole ont eu du mal à faire mieux que ce qu’on peut appeler trivialement des échappées publicitaires, a su prendre part à la course à plusieurs reprises en face de grosses cylindrées. Tristan Delacroix et Andrea Mifsud ont même tous les deux obtenu un Top 20 de classement général, respectivement au Tour de la Provence et au Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Ses grands débuts sont en tout cas déjà réussis avant que l’équipe ne se présente aux Boucles Drôme-Ardèche ce weekend, puis enchaîne les manches de Coupe de France au mois de mars.

Par Cyprien Bricout

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