Alors que le tracé du Tour de France 2018 a été dévoilé il y a peu, nous avons voulu connaître l’avis d’un ancien vainqueur de l’épreuve. Et qui de plus légitime que Gustave Garrigou pour nous apporter son éclairage ? Magnifique vainqueur du Tour de France 1911, l’Aveyronnais n’est jamais sorti du top 5 de l’épreuve en huit participations…
Vélo-Club : Alors Gustave, avez-vous suivi la révélation du parcours du prochain Tour de France ?
Gustave Garrigou : Bien sûr, j’étais devant L’Equipe 21 pour suivre la cérémonie en direct.
VCN : Quelle a été votre première réaction ?
GG : Déjà, je dois dire que j’en ai pris plein les yeux durant la présentation. Ces images de la France, cette façon de faire défiler le parcours sur une carte 3D… C’était assez magique… Je me souviens que, de mon temps, on découvrait le parcours dans les pages du journal L’Auto, et c’était plus… Disons plus sobre. Concernant le parcours lui-même, j’ai été surpris par le faible kilométrage. Moins de 3500 kilomètres, ça ne fait pas lourd. Les coureurs doivent être un peu déçus.
VCN : C’est plutôt la norme depuis quelques décennies...
GG : Vous me l’apprenez. En tous cas, ça ne permet pas vraiment de faire le Tour de la France.
VCN : Certes, mais dites-nous plutôt ce que vous retenez sur le tracé en lui-même…
GG : Eh bien, je suis épaté par la quantité de cols à gravir. C’est inhumain ! Je me souviens qu’à la fin de l’étape Luchon-Bayonne, en 1910, Tatave [Octave Lapize, NDLR] avait traité Desgrange et Steines d’assassins. Qu’est-ce qu’il dirait aujourd’hui ! Moi-même, ce jour-là, j’étais resté planté dans le Tourmalet et je n’en menais pas large…
VCN : C’est un Tour plutôt montagneux, en effet…
Plutôt montagneux ? Monstrueux oui ! 25 cols, avec 11 étapes de moyenne et haute montagne, chapeau ! J’ai aussi eu vent de l’inquiétude suscitée par l’étape avec le col des Glière, mais je n’ai pas trop compris pourquoi…
VCN : Ce col comporte une portion non goudronnée de deux kilomètres…
GG : [Il rigole] Les temps ont bien changés ! Nous, c’est plutôt quand il y avait du goudron qu’on s’inquiétait. Je ne m’explique pas non plus pourquoi aucune arrivée ne se fera sur vélodrome. Il me semblait que les organisateurs aimaient à s’assurer quelques recettes de cette façon…
VCN : Aujourd’hui, les recettes viennent beaucoup des droits TV et du sponsoring.
GG : Ah, très bien. J’aime bien l’idée des bonifications aussi. Par contre, quelques secondes, je ne vois pas trop l’intérêt… Et je suis interpellé par le fait que les coureurs terminent à Espelette le 28 juillet et qu’ils courent à Paris le lendemain. Les transferts, voilà quelque chose que je n’ai jamais connu. On partait toujours de la ville dans laquelle on était arrivés.
VCN : Concernant les villes-étapes, y en a-t-il certaines qui attirent davantage votre attention ?
GG : Je retiens évidemment Brest. J’y ai gagné trois étapes là-bas. Les étapes Nantes-Brest des Tours 1907, 1909 et 1910. Deux fois en solitaire, et une fois échappé avec Milou [Emile Georget] et Lulu [Lucien Petit-Breton]. Bon, j'ai cru comprendre que ce genre de scénario ne risque pas de se reproduire l'an prochain...
VCN : Un mot, enfin, sur votre favori ?
Ma foi, je ne vais pas être original. Chris Froome va être très difficile à battre. A moins que certains de ses concurrent ne secouent sérieusement le cocotier dans les nombreuses étapes propices à cela, il finira dans un fauteuil à Paris, comme d’habitude. Froome, il est pas élégant comme Tatave sur son vélo, mais il est aussi efficace.
Propos posthumes recueillis par David Guénel