Alors que le monde a les yeux rivés sur le Tour de France, en Italie se déroulait une grande course par étapes. En l’absence du Tour de l’Avenir cette année, le Giro U23 ou Girobio se trouvait être la course par étapes principale des coureurs espoirs.
Des Marches à la Lombardie, les moins de 23 ans se sont expliqués pendant huit jours sur les pentes du Mortirolo, d’Aprica ou encore de Montespluga. Un parcours, certes montagneux, mais plus varié que les années précédentes, s’expliquant par la volonté des organisateurs d’adoucir le parcours après les différentes démonstrations des coureurs colombiens en montagne. Ces derniers pouvaient prétendre être présentés comme des favoris sur la startlist. Toutefois, avec très peu de jours de courses dans les jambes, Colombia Tierra de Atletas, seule équipe colombienne alignée après le désistement de UAE Colombia, avec dans ses rangs des coureurs comme Jésus Peña, Diego Camargo ou encore Didier Merchán, devait faire face aux Italiens emmenés par les grands espoirs de la Colpack Antonio Tiberi et Andrea Piccolo mais aussi les grimpeurs de la Biesse Arvedi, Kevin Colleoni et Filippo Conca. À leurs côtés, se trouvaient Giovani Aleotti (Team Friuili), 2e du dernier Tour de l’Avenir, Edoardo Zambanini (Zalf Euromibil) mais encore Alessandro Fancellu (Kometa-Xstra). On pouvait aussi compter sur les Belges de la réserve de la Lotto Soudal avec Maxim Van Gils, dernier vainqueur du Tour de Savoie Mont Blanc, Viktor Verschaeve et Henri Vandenabeele, sur les Espagnols de la Kometa avec Alejandro Ropero, Sergio García et ceux de la Caja Rural, Jokin Murguialday, Josu Etxeberria et Carlos García ou enfin sur des individualités telles que Henok Mulueberhan (NTT Continental), Sean Quinn (Hagens Berman Axeon) et Tobias Bayer (Tirol KTM). Seul Clément Davy représentait la France avec la réserve de la Groupama-FDJ ayant pour leaders le Belge Sylvain Moniquet et le Suisse Alexandre Balmer. Mais un nom revenait particulièrement et c’est sans surprise celui de Thomas Pidcock, futur vainqueur de l’épreuve.
Épargné par les nombreuses chutes, les premiers jours, qui ont touché de nombreux favoris et outsiders (Jésus Peña, Diego Camargo, Sylvain Moniquet, Maxime Van Gils, Viktor Verschaeve pour ne citer qu’eux), la pépite britannique n’a pas eu à forcer son talent pour revêtir la maglia rosa sur le podium final. Tout en maitrise, et accompagné par ses équipiers Ben Healy mais surtout de l’aide très précieuse de Thomas Gloag, une des révélations de ce Giro, le coureur de Leeds a ainsi raflé les trois étapes de montagne et confirme qu’il sera une des têtes d’affiche du cyclisme mondial d’ici peu.
Seuls quelques coureurs ont tenté de résister. En premier lieu, Henri Vandenabeele. Se retrouvant seul en montagne à la suite des abandons des plus attendus Maxime Van Gils et Viktor Verschaeve, le grimpeur belge a confirmé ce qu’il avait pu montrer sur le Tour de Savoie Mont Blanc début août et prend la 2ème place finale. Derrière lui, le trio italien Kevin Colleoni, Giovanni Aleotti et Filippo Conca n’aura pas pu ramener le titre à la maison, 9 ans après la dernière victoire italienne (NDLR : Mattia Cattaneo en 2011). Malgré la signature d’un contrat avec l’équipe Androni en été 2019 pour 2021, ce matin la Lotta Soudal a annoncé l’arrivée dans ses rangs de Filippo Conca. Alors que l’avenir de l’équipe managée par Gianni Savio est incertain, Kevin Colleoni, lui aussi ayant signé un contrat avec Androni l’année dernière, pourrait finalement être un bon coup pour une équipe WT désireuse de recruter un jeune grimpeur. Quant à Giovanni Aleotti, après avoir été annoncé chez CCC, qui devrait disparaître, les rumeurs l’annoncent désormais dans l’équipe allemande Bora – hansgrohe.
Au classement général, un fossé se creuse entre eux et les coureurs suivants : le Suisse Yannis Voisard, auteur d’un résultat inattendu, les Espagnols Alejandro Ropero, vainqueur de la première étape et porteur du maillot de leader pendant quelques jours, et Jokin Murguialday, 2ème des dernière championnats d’Espagne aussi bien sur l’épreuve en ligne que sur le contre-la-montre, le longiligne grimpeur danois Asbjørn Hellemose, dernier vainqueur du championnat suisse de la montagne, et Edoardo Zambanini, meilleur jeune de l’épreuve et permettant à la mythique équipe italienne Zalf de placer un homme dans le top 10.
Au-delà des trois étapes de montagne, plusieurs jours étaient dédiés aux sprinteurs mais aussi à des coureurs à l’aise sur les parcours vallonnés. Ce n’est pas forcément le coureur le plus attendu qui a réussi à s’imposer plusieurs fois lors de ces journées. Luca Colnaghi a remporté coup sur coup la deuxième et la troisième étape. À Riccione, il se permet de reprendre les échappées en attaquant dans le final, les lâcher dans les derniers hectomètres et résister d’une roue au retour du peloton. Le lendemain, à Mordano, dans des conditions dantesques, il règle facilement au sprint un groupe de costaud devant un certain Thomas Pidcock. Une première à ce niveau pour ce coureur né en 1999.
Les autres étapes sont revenues à Alejandro Ropero (première étape), le pistard, et sans doute le meilleur coureur espoir italien depuis la reprise, Jonathan Milan (cinquième étape) et le Belge Jordi Meeus, doté d’une excellente pointe et d’excellentes qualités pour se montrer sur les flandriennes les prochaines années.
Le carton rouge de la rédaction : les chutes font partie du cyclisme et dessinent le classement de la course. C’est ce qui s’est passé au cours de la deuxième étape. Mais celle qui a eu lieu lors de la troisième étape aurait pu être évitée. Alors que le peloton quitte Riccione sous le déluge, une moto de l’organisation essaye de le doubler sur une chaussée détrempée et provoque la chute de très nombreux coureurs. La logique voudrait que la course soit neutralisée comme ce qui avait été le cas la veille. Est-ce que le cas ? Non. Sans s’expliquer, l’organisation fait poursuivre la course comme si rien ne s’était passé. Les coureurs qui ne sont pas touchés par la chute décident d’accélérer à ce moment-là. De nombreux favoris et outsiders perdront tout au cours de cette étape.
La révélation de la rédaction : on aurait pu citer Henri Vandenabeele, Luca Colnaghi ou Edoardo Zambanini mais notre choix se porte sur un coureur présent au sein de TRINITY Road Racing. Tout le monde avait surligné le nom de Thomas Pidcock, à juste titre comme nous l’avons vu. Pourtant, un deuxième britannique s’est montré plus qu’à son avantage : Thomas Gloag, coureur né en 2001. Ancien membre du VC Londres qui a connu dans ses rangs l’actuel Ineos Ethan Hayter, Thomas Gloag s’est illustré chez les juniors en 2019 aussi bien sur le Tour of Wales, au Pays de Galles, sur le Sint-Martinusprijs Kontich, en Belgique, et sur le Torneo Euskal Herria, au Pays basque. C’est justement sur les routes basques qu’il reprend la compétition après le confinement, au sein de la réserve de la Caja Rural. Courant donc pour une autre équipe, il s’est montré indispensable pour son leader Thomas Pidcock et l’a parfaitement lancé sur les différentes étapes de montagne, se permettant même de faire 4ème à Montespluga après avoir imposé un train toute la montée et 7ème à Aprica lors de la dernière journée. Il prend la 14ème place finale et termine 2ème meilleur jeune derrière Edoardo Zambanini. On peut alors légitimement se demander ce qu’il aurait pu réaliser s’il avait eu un rôle de leader au cours de cette semaine italienne.
Giro degli Italiani o Giro degli stranieri ? Malgré les deux victoires de Luca Colnaghi, le top 10 de Kevin Colleoni, Giovanni Aleotti, Filippo Conca et Edoardo Zambanini, ces dernières années les Italiens semblent toujours tomber sur plus fort qu’eux à domicile. Lors de l’édition 2017, les nationaux ne semblent pas peser face à Pavel Sivakov, Lucas Hamilton, Jai Hindley, Mark Padun ou encore Nelson Powless. Seuls Nicola Conci et Luca Raggio rentrent dans le top 15. En 2018, Alessandro Covi permet à l’Italie de faire un top 10 mais loin derrière Aleksandr Vlasov et João Almeida. L’année dernière, malgré une bonne prestation, à nouveau, d’Alessandro Covi et de Filippo Conca, les Colombiens menés par Camilo Ardila ne laissent aucune miette aux Italiens en montagne. On peut se contenter de dire que Thomas Pidcock était trop fort, que les Italiens dans le top 5 sont un ton en dessous, que les jeunes Antonio Tiberi (18e), Alessandro Fancellu (50e) et Andrea Piccolo (non-partant lors de la cinquième étape) ont montré des limites sur une course d’une semaine, ou qu’Edoardo Zambanini n’a que 19 ans, mais on ne peut que constater que l’attente commence à se faire longue pour les coureurs locaux. La grande majorité de ces coureurs devraient passer professionnels en 2021, ils seront alors dans l’incapacité de disputer cette course à l’avenir et de corriger un ‘’vide’’ d’une décennie. Voyant la domination des escarabajos en 2018 et 2019, les organisateurs ont décidé « d’adoucir » le parcours en montagne, de limiter la présence d’équipes étrangères et, par conséquent, de refuser d’inviter une sélection colombienne qui aurait envoyé ses meilleurs espoirs. Sans un réel effet pour cette année. Alors à quand viendra le tour des Italiens ? Il est vrai que beaucoup d’espoirs italiens ont du mal à confirmer une fois chez les professionnels mais une nouvelle domination italienne ici ne serait que la simple logique des choses pour une nation qui a toujours possédé de grands talents chez les jeunes.
Par Thomas Fiolet