De retour dans le Top 5 mondial, la Bora semble avoir réussi sa transformation dans l’ère post-Sagan. Pleinement axée sur les classements généraux sans pour autant recruter les plus grandes stars du peloton, l’équipe allemande a réussi son pari sans délaisser le sprint, un domaine dans lequel elle a toujours investi. Le plus dur sera de confirmer.
La note d’ensemble
16/20
30 victoires - 4e au classement UCI
Montée en World Tour grâce à un projet construit autour de Peter Sagan, Bora-hansgrohe a dû se réinventer pour écrire la page suivante de son histoire. Grâce à un gros recrutement fin 2021, elle a muté et s’affirme aujourd’hui comme l’une des meilleures chasseuses de classements généraux. Avec trois victoires dans les courses par étapes du plus haut niveau, dont celle de Jai Hindley sur le Giro, elle signe le meilleur bilan toutes formations confondues.
L’Australien a pu bénéficier du soutien d’un collectif fourni en grimpeurs, ce qui est une nouveauté qui permet à Bora d’aligner lors de chaque Grand Tour une sélection intéressante. C’est cette densité qui explique également, au moins en partie, les succès d’Aleksandr Vlasov en Romandie et de Sergio Higuita en Catalogne, ou encore la 5e place du Russe sur la Grande Boucle.
Et si le bilan allemand est déjà plus qu’honorable, il est difficile de s’en satisfaire pleinement quand on souligne les relatives déceptions Sam Bennett et Danny van Poppel ou la disparition de Nils Politt aux avant-postes des Classiques. Emanuel Buchmann transparent en-dehors de son Tour de France intéressant, Wilco Kelderman plutôt consacré à un rôle d’équipier de luxe et Max Schachmann en-deçà de son niveau habituel sont autant d’autres raisons de penser que Bora-hansgrohe aurait pu et pourra faire mieux que son année 2022.
La surprise
Jai Hindley
Surprise ou confirmation ? Toujours est-il que la victoire de l’Australien au Tour d’Italie n’avait pas été prédite par grand monde. Sa 2e place en 2020 dans un contexte de pandémie qui avait détourné bon nombre de cadors de la Botte, avait été relativisée par beaucoup. Et ce d’autant plus après sa dernière saison chez DSM, quasiment blanche. Victorieux cette fois devant Richard Carapaz, Mikel Landa ou encore Vincenzo Nibali, le grimpeur de 26 ans a donné des garanties qui le font entrer dans le cercle fermé des vainqueurs de Grand Tour en activité, et donc automatiquement des favoris aux courses de trois semaines en 2023.
La confirmation
Aleksandr Vlasov
Après deux saisons et un Giro très intéressants sous les couleurs d’Astana, Aleksandr Vlasov avait un cap à franchir pour confirmer son potentiel. Chez Bora, le Russe a répondu présent. Sans parvenir à décrocher un podium sur le Tour, ce qui était son objectif, ni même à rivaliser avec les tous meilleurs, il a néanmoins réalisé une saison pleine en remportant le Tour de la Communauté de Valence et le Tour de Romandie. Il a par ailleurs terminé 3e du Tour du Pays Basque et de la Flèche Wallonne, et a montré des qualités de récupération intéressantes pour aller chercher son Top 5 du Tour en dernière semaine. De quoi préserver son statut d’outsider pour les Grands Tours de la saison prochaine, où il pourrait être inspiré de retourner sur les routes d’Italie.
La déception
Maximilian Schachmann
Victorieux à treize reprises lors des quatre dernières saisons, dont neuf fois en World Tour, Max Schachmann était attendu. Mais le coureur allemand, qui a très peu couru, a disparu des radars malgré une 10e place au Tour de Suisse. Et pour cause : à 28 ans, il souffre selon son équipe de fatigue chronique depuis les JO 2021. Espérons pour lui qu’il connaisse un retour aussi fructueux que celui de son coéquipier Lennard Kämna après son passage à vide de l’an passé.
2022 en 5 dates
26 mars 2022, Cambrils. Après un titre national et une victoire d’étape au Tour de l’Algarve, Sergio Higuita réalise un numéro lors de 6e étape du Tour de Catalogne. Sous la pluie, le Colombien s’échappe très tôt et roule plus de 100 bornes avec Richard Carapaz à l’avant, jusqu’à décourager le peloton de les poursuivre. Battu par l’Equatorien dans la dernière ligne droite, Higuita prend néanmoins la tête du général qu’il remportera le lendemain. Longtemps vu comme un coureur de courses d’un jour, la recrue de Bora-hansgrohe affirme sa capacité à performer sur une semaine, ce qu’il confirmera deux mois plus tard en prenant la 2e place du Tour de Suisse.
1er mai 2022, Villard. Au lendemain d’un doublé Higuita-Vlasov à Zinal, ce dernier remporte le chrono final du Tour de Romandie. Après le Tour de la Communauté de Valence, il s’offre du même coup le classement général de l’épreuve helvète. Redoutable depuis le début de saison, le grimpeur russe continue de valider la stratégie de la Bora qui a choisi de miser gros sur les courses par étapes, domaine qu’elle avait quelque peu délaissée sous l’ère Sagan.
10 mai 2022, Etna. C’est une résurrection pour Lennard Kämna. Le prometteur grimpeur allemand, vainqueur sur le Tour 2020, avait disparu des radars pendant près d’un an avant de retrouver la victoire au Tour d’Andalousie. Trois mois plus tard, après s’être également imposé sur une étape du Tour des Alpes, le voilà victorieux au sommet de l’Etna. Parti tôt dans un groupe bien fourni, l’Allemand se savait surveillé mais n’a pas dévié de sa stratégie. Reprenant un à un les coureurs qu’il avait laissé filer, il revient sur Juan Pedro Lopez et le bat au sprint tandis que l’Espagnol se console avec le maillot rose. Déjà vainqueur de deux étapes en quatre Grands Tours, Lennard Kämna peut désormais viser le gain d’une étape de la Vuelta pour parfaire sa collection.
28 mai 2022, Marmolada. Cela fait une semaine que Jai Hindley entrevoit son rêve. Depuis Turin, il est second du classement général à une poignée de secondes d’un Richard Carapaz qui ne faillit pas. Sur les pentes de la Marmolada, Ineos use ses cartouches une par une et c’est lorsque l’Equatorien se retrouve seul que son dauphin choisit de l’attaquer. Il le sait, il lui reste trois kilomètres pour renverser ce Giro qui lui tend les bras. Il retombe immédiatement sur Lennard Kämna, membre de l’échappée, qui se met à la planche et fait péter, à la pédale, le maillot rose. Richard Carapaz explose, la victoire finale sera pour l’Australien et la Bora, qui n’avaient jamais gagné de Grand Tour jusqu’alors.
20 août 2022, Utrecht. Bien que vainqueur de la Classique de Francfort en mai, Sam Bennett connaît une saison très délicate dans sa nouvelle équipe. Loin de ses standards de victoires, l’Irlandais s’aligne au départ de la Vuelta, une course où il a toujours gagné. Et ça ne manque pas : dès la première étape en ligne à Utrecht, le colosse met la balle au fond. Remonté sur le tard par Danny van Poppel, il devance Mads Pedersen et Tim Merlier. Dès le lendemain, Sam Bennett rééditera sa performance avant de terminer sa saison sans autre victoire. Ces deux succès aux Pays-Bas sauvent sa saison, c’est bien là l’essentiel.
Par Cyprien Bricout