Tout a souri ou presque pour la Wanty en 2022. Victorieux sur les classiques et deux Grands Tours, ils ont réalisé une saison pleine à l’exception peut-être d’un Tour de France légèrement inachevé. Avec un effectif qu’on n’attendait pas à ce niveau, l’équipe belge s’est invitée à la fête plus souvent que prévu et termine cette saison quasiment sans regret.
La note d’ensemble
17,5/20
24 victoires - 5e au classement UCI
Cette saison 2022 fut, et de très loin, la meilleure de l’histoire de la structure de Jean-François Bourlart. Avec 24 victoires, Intermarché-Wanty-Gobert a quasiment doublé son record. Mais surtout, l’équipe belge est devenue une référence au plus haut niveau mondial. Après des débuts en World Tour compliqués début 2021, elle semble avoir changé de dimension depuis la victoire de Taco van der Hoorn sur les routes du Giro l’année dernière puisqu’elle s’est imposée plus de trente fois depuis, dont huit au niveau World Tour.
Dans le rythme d’entrée de jeu, la Wanty a gagné dès le mois de janvier grâce à la révélation Biniam Ghirmay. Le premier objectif de l’année, pour cette formation qui avait largement renforcé son pôle de classicmen à l’intersaison, était de réussir sa campagne flandrienne au printemps. Une ambition qui fut même surclassée lorsque l’Erythréen s’imposa à Wevelgem. Quelques semaines plus tard, le collectif du plat pays réalisait un Paris-Roubaix fantastique en plaçant cinq coureurs dont le Top 20 dont le valeureux Tom Devriendt à la 4e place et le Bison Adrien Petit, meilleur Français, à la 6e.
Sur les bons rails pour attaquer la saison des Grands Tours, Intermarché s’est présenté aux départs des trois avec une double ambition de victoires et de Top 10 au général. Elle est parvenue à s’imposer à trois reprises (deux fois sur le Giro, une fois sur la Vuelta) grâce à Biniam Ghirmay, Jan Hirt et Louis Meintjes ; et à obtenir trois Tops 10 (deux sur le Giro ; un sur le Tour) grâce aux deux derniers cités, mais aussi à un Domenico Pozzovivo arrivé tardivement dans l’équipe, pour le meilleur.
Encore un peu tendre pour mettre la balle au fond sur le Tour de France, Wanty a surtout été victime du manque d’opportunités pour les outsiders, contenus à leur rang par des favoris morts de faim. Alexander Kristoff dans un faux rythme et Taco van der Hoorn battu à Wallers, les jaune fluo ont laissé passé leur chance. Leur Grande Boucle s’est alors résumée aux échappées d’un Louis Meintjes désireux de sauver son Top 10, ce qu’il fera avec brio.
Le bilan d’Intermarché n’en reste pas moins excellent et met en valeur la qualité d’un effectif homogène dans lequel pas moins de neuf coureurs ont pu lever les bras au moins une fois. Chasseuse de victoires offensive en 2021, Wanty poursuit dans cette voie mais peut se vanter de s’être parfois présentée au départ en qualité de favorite, et mieux encore : d’avoir assumé ce statut en s’imposant, notamment grâce à Biniam Ghirmay sur le Giro.
La surprise
Les sprinteurs
Louis Meintjes et Domenico Pozzovivo de retour en grâce, Jan Hirt qui se révèle à 31 ans… Les bonnes surprises ont été nombreuses du côté d’Intermarché cette saison. Mais celle qui s’accompagne le plus de promesses est l’apparition de deux sprinteurs de talents : Gerben Thijssen et Hugo Page. Le Français, qui a choisi Wanty après un passage à la Conti FDJ, a répondu présent dès le Tour d’Oman où il a intégré le Top 10 à deux reprises, avant de prendre la 5e place de la Classic Loire-Atlantique. On retiendra surtout son excellent Dauphiné où, bien que chahuté par Juan Sebastian Molano, il s’est à nouveau invité à trois reprises parmi les meilleurs. 3e à Binche en fin de saison, il sera l’un des hommes à suivre en 2023. Son acolyte le sera tout autant, sinon plus. Gerben Thijssen, 24 ans, s’est imposé cette année comme une valeur sûre des arrivées groupées en Belgique, dans l’ombre des Philipsen ou Merlier. Pleinement épanoui chez Wanty, il a progressé à son rythme jusqu’à s’imposer lors des 4 Jours de Dunkerque. Doublement victorieux en fin de saison, au Tour de Pologne puis à la Gooikse Pijl, il a montré qu’il pouvait battre les meilleurs. Avec trois succès et cinq podiums, c’est un coureur qui pourrait vite devenir l’un des grands leaders de l’équipe belge, surtout après le départ d’Alexander Kristoff.
La confirmation
Quinten Hermans
Il s’imposait doucement depuis 2018 comme un homme à suivre, mais le voilà désormais sur une autre planète. Quinten Hermans a changé de statut depuis 2021 et sa première vraie saison sur route. Sans délaisser le cyclocross, discipline dans laquelle il a même remporté sa première Coupe du Monde l’hiver dernier, le coureur de Turnhout a collectionné les bonnes performances et s’est offert une victoire lors de son Tour national, duquel il termina 3e au général. Avant cela, il avait surtout terminé second de Liège-Bastogne-Liège, réglant le groupe des poursuivants de Remco Evenepoel. Très régulier, auteur de nombreux Tops 10 en World Tour et même quatre podiums, il rejoindra en 2023 Alpecin-Deceuninck, une formation où il devra confirmer un nouveau changement de statut par une victoire au plus haut niveau.
La déception
Aimé de Gendt
Antithèse de Quinten Hermans, Aimé de Gendt a connu une saison galère alors qu’on pouvait l’attendre à un bien meilleur niveau. Depuis son arrivée chez Wanty en 2019, il laissait en effet penser qu’il disposait d’une importante marge de progression, qu’il n’a pas su démontrer cette saison. Une déception certaine mais dont l’importance, à l’échelle d’une équipe World Tour, est toute relative. Elle souligne surtout l’atmosphère fructueuse dans laquelle a évolué la formation belge cette saison.
2022 en 5 dates
27 mars 2022, Wevelgem. À 24 kilomètres de l’arrivée, Biniam Ghirmay choisit de suivre un coup lancé par Christophe Laporte. Déjà en vue récemment, 12e à San Remo et même 5e du GP E3 deux jours plus tôt, l’Erythréen dispose de la même image d’outsider que le Français. Rejoints par deux Belges, les deux hommes se savent les plus rapides. Mais Ghirmay ne tombe pas dans le piège de l’excès de confiance, contrairement à Laporte qui aborde le sprint en tête du groupe. Le coureur de la Wanty déboîte tout le monde loin de la ligne et résiste au retour de ses compagnons d’échappée. Il devient le premier coureur d’Afrique subsaharienne à remporter une classique flandrienne et change de statut aux yeux du peloton World Tour.
17 mars 2022, Trouée d’Arenberg. Parti de loin, Tom Devriendt s’isole en tête de son 10e Monument en compagnie de Matej Mohoric et Laurent Pichon. Derrière lui, Adrien Petit ne lâche pas d’une semelle les favoris. Malheureusement, le Belge doit se rendre à l’évidence dans les derniers secteurs pavés mais se console tout de même avec la 4e place. Le Bison, lui, termine 6e. Les deux hommes précèdent de peu leurs coéquipiers. Intermarché termine meilleure équipe de ce Paris-Roubaix avec 6 hommes dans les 23 premiers.
18 mai 2022, Santarcangelo di Romagna. C’est la douche froide pour Biniam Ghirmay qui est contraint de renoncer à la suite de son premier Grand Tour. Victorieux la veille au prix d’un long mano-a-mano contre Mathieu van der Poel, l’Erythréen a fêté son succès à l’hôpital après avoir reçu dans l’œil le bouchon de la bouteille de champagne qu’il a débouchée sur le podium. Un abandon tragicomique pour Bini qui était le seul concurrent crédible d’Arnaud Démare dans la course au maillot cyclamen.
31 juillet 2022, Zamosc. Le Tour de France s’est achevé sans victoire pour le groupe emmené par Alexander Kristoff. C’est à un autre sprinteur que Wanty fait confiance au Tour de Pologne. Escorté par Quinten Hermans jusqu’aux 300 mètres, Gerben Thijssen doit se débrouiller seul pour finir le travail. Habilement, il se cache et laisse faire Pascal Ackermann au moment de produire l’effort qui permettra aux sprinteurs de jouer la gagne. Puis, en force, sur un gros braquet, le Belge remonte l’Allemand pour s’offrir un premier succès en World Tour et devenir, aux yeux de ses dirigeants et des observateurs, l’alternative la plus évidente à la succession du sprinteur norvégien dans les rangs d’Intermarché.
28 août 2022, Les Praeres. Distancé lors des premières étapes, Louis Meintjes a vite compris qu’il aurait du mal à faire mieux sur cette Vuelta que la 7e place obtenue le mois précédent sur le Tour. Dès lors, la victoire d’étape apparaît comme le meilleur moyen de repartir d’Espagne satisfait. Et le Sud-Africain peut croire en ses chances après avoir gagné en juin le Tour des Apennins, son premier succès depuis… 2015 ! Ce jour-là, il se sait le meilleur grimpeur de l’échappée mais ne panique pas lorsque Samuele Battistella et Jimmy Janssens anticipent l’explication finale. Dans le mur de l’arrivée, Louis Meintjes reprend et lâche facilement les deux hommes. En moins de trois kilomètres, il parvient même à leur coller plus d’une minute dans la vue. Intouchable, le grimpeur de poche s’impose pour la première fois de sa carrière sur les routes d’un Grand Tour. Il terminera sa saison avec cette ambition renouvelée pour jouer contre les meilleurs quelques années encore.
Par Cyprien Bricout