Malgré trois victoires dès le mois de février, EF Education-EasyPost a vite calé et s’est retrouvée dans une course aux points dont elle a eu bien du mal à se démêler. Devenue inoffensive, elle a fini par obtenir son ticket pour le World Tour 2023 au terme d’une saison qui figure parmi les pires de son histoire.
La note d’ensemble
9,5/20
9 victoires - 18e au classement UCI
Que la saison fut longue pour EF ! Pas à la hauteur de ses ambitions, l’équipe américaine a réalisé une année laborieuse qu’elle a dû rallonger, s’étant empêtrée dans une course aux points qu’elle n’avait pas vu venir. Auteure d’un gros recrutement destiné à combler les lacunes mises au jour en 2021, elle ne peut un an plus tard se satisfaire d’aucune de ses principales recrues, toutes ayant déçu.
Sans véritable sprinteur dans son effectif, EF Education avait pour ambition cette saison d’animer les courses pour gagner des étapes. Avec seulement neuf victoires dont trois chronos et un titre national en ligne, elle est loin du compte. La formation de Jonathan Vaughters est à l’image d’Alberto Bettiol (17 Tops 10 mais aucune victoire) : quasiment incapable de terminer le travail. Elle ne compte dans ses rangs que six coureurs qui ont su s’imposer au niveau international cette saison. D’ailleurs, aucun coureur n’est parvenu à gagner plus de deux fois, ce qui fait d’EF EasyPost une triste exception dans le World Tour puisque seule Astana a fait pire.
Sur les Grands Tours, heureusement, les maillots roses ont sauvé les meubles grâce à deux Tops 10 lors du Giro et de la Vuelta, et deux victoires d’étapes, lors du Tour et de la Vuelta. Un bilan qui cache la grande discrétion qui a caractérisé EF dans les plus grandes épreuves du calendrier : elle ne compte qu’un Top 5 dans les classements généraux du World Tour, obtenu au terme d’un Tour de Suisse dénué de tout niveau par l’épidémie de Covid ; et aucun Top 5 dans les courses d’un jour où sa meilleure performance est la 7e place de Ruben Guerreiro à la Flèche Wallonne.
Mark Padun, Odd Christian Eiking, Marijn van den Berg ont été bien en-deçà de ce que l’on attendait d’eux, tandis que les valeurs sûres n’ont fait le travail qu’à moitié. Hugh Carthy, par exemple, a connu des jours sans sur le Giro, qui lui ont rendu la tâche très difficile pour aller chercher sa 9e place finale. Stefan Bissegger, premier vainqueur de l’année, a ensuite disparu des radars avant de sauver sa saison grâce au titre européen du chrono. Esteban Chaves, lui, est resté muet en dépit d’une certaine régularité dans les épreuves de second rang.
L’équipe EF doit son salut et son maintien en première division à la régularité d’Alberto Bettiol, même s’il n’a pas gagné non plus, à celle d’un Neilson Powless qui apparaît comme le plus crédible des leaders de l’effectif, à un Magnus Cort transcendé lors des grands événements et à la bonne progression en montagne d’un Ruben Guerreiro.
La surprise
Andrea Piccolo
Recruté en août après un premier changement d’équipe en cours de saison, Andrea Piccolo a rapporté de précieux points à sa nouvelle formation. Très bon lors des classiques italiennes de fin de saison, il a pris la 11e place de son tout premier Monument au Tour de Lombardie en étant d’ailleurs le plus jeune coureur du Top 30. Le jeune Italien, 21 ans au compteur, a même été du voyage de l’écurie américaine à la Japan Classic en fin de saison, où il a terminé 2e derrière son coéquipier Neilson Powless. Excellent grimpeur, il a une place toute assurée chez EF où l’on est à la recherche de valeurs sûres.
La confirmation
Neilson Powless
Révélé au grand public par son excellente fin de saison 2021, lors de laquelle il a remporté la Classique San Sebastian et a terminé 5e des Mondiaux, l’Américain a passé un cap cette année. 8e de Liège-Bastogne-Liège, 4e du Tour de Suisse en manquant de peu une belle victoire d’étape, 3e de la Maryland Classic et vainqueur de la Japan Classic, il a incontestablement gagné en régularité. Là où on ne l’attendait pas forcément, c’est sur le Tour de France. Auteur d’une belle première semaine, il a failli prendre le maillot jaune grâce à son échappée sur l’étape des pavés. Mais il ne s’est ensuite jamais résigné, s’échappant à trois reprises dans les étapes difficiles de la deuxième partie de course pour prendre la 12e place du classement final.
La déception
Mark Padun
Soyons fair-play : même si ni lui ni sa famille ne vivent en Ukraine, Mark Padun dispose de circonstances atténuantes pouvant expliquer qu’il n’ait pas été exclusivement focalisé sur la compétition. Néanmoins, on ne peut pas éclipser la déception qu’il incarne. Le double vainqueur d’étape du Dauphiné 2021 a gagné dès sa reprise au Gran Camino avant de retomber dans l’anonymat, très loin du niveau affiché sur les pentes de La Plagne et des Gets. Toujours sous contrat en 2024, il est un énorme point d’interrogation dans l’effectif d’EF.
2022 en 5 dates
22 février 2022, Ajman. L’année commence bien pour EF : sa bête à rouler Stefan Bissegger, 2e du chrono de l’UAE Tour en 2021, s’impose cette fois devant Filippo Ganna. Ce sera sa seule victoire de la saison sous ses couleurs, puisque sa seule autre victoire sera obtenue au Championnat d’Europe avec la sélection italienne.
21 mai 2022, Turin. Déjà distancé sur les pentes du Blockhaus, Hugh Carthy connaît une déroute totale lors de la 14e étape du Giro. Alors que les hommes du Top 10 se battent pour la victoire sur un profil usant, cela fait longtemps qu’il a craqué dans les jambes et dans la tête. Il coupera la ligne à la 32e place, plus de dix-sept minutes après Simon Yates. Sa réaction sera toutefois à la hauteur de l’échec puisque le Britannique s’échappera à trois reprises lors des trois étapes suivantes pour refaire une partie de son retard. Grâce à une bonne dernière semaine, il se classe 9e de ce Tour d’Italie ; une belle consolation.
12 juillet 2022, Megève. Le palmarès de Magnus Cort commence à ressembler à quelque chose. À la manière d’un Thomas de Gendt, le Danois a pris l’habitude de se sublimer lors des grands événements pour aller décrocher des succès de prestige. Déjà vainqueur sur le Tour 2018, le voici qui s’impose à l’altiport de Megève. Revenu de nulle part, bénéficiant de la temporisation des hommes de tête dans le dernier kilomètre, le Viking moustachu a exploité au mieux ses qualités en se montrant patient et en plaçant son destin dans les mains de ses compagnons d’échappée. Les étoiles étaient alignées pour celui qui restera comme le grand animateur d’un Grand Départ danois pas aussi intense qu’espéré.
7 septembre 2022, Monastère de Tentudia. Le sort des coureurs d’EF dans la lutte pour le général a été vite réglé : relégués assez loin dès la première semaine à cause notamment d’un chrono par équipes assez mauvais, Hugh Carthy et Rigoberto Uran ont vite compris qu’ils ne joueraient rien de mieux qu’un fond de Top 10. Il aura fallu à ce dernier deux tentatives pour aller chercher son lot de consolation. Rarement vainqueur dans sa longue carrière, le Colombien a eu fort à faire pour manœuvrer au milieu des attaques de Clément Champoussin et Jésus Herrada, et du retour tardif de Quentin Pacher aux avant-postes. Mais la possibilité de devenir le 103e vainqueur d’étapes sur les trois Grands Tours était trop belle : Rigoberto Uran résiste et lève les bras. Il sauve ainsi une Vuelta bien terne pour son équipe et remonte à la 9e place du général, qu’il ne quittera plus.
16 octobre 2022, Utsunomiya. La Japan Cup Cycle Road Race est l’une des toutes dernières compétitions de l’année. Même si elle n’a pas été ajoutée au calendrier pour aller gratter des points contrairement à d’autres, puisque l’équipe EF avait déjà prévu initialement d’honorer ses liens avec le Japon, cette épreuve voit cette année le plus beau plateau de son histoire sur la ligne de départ. Sur un circuit difficile, les hommes d’EF-EasyPost prennent les choses en main et attaquent à plusieurs reprises. Neilson Powless parvient à s’isoler en tête. Derrière lui, Andrea Piccolo prend le risque de contrer mais réussit heureusement à faire sauter ses concurrents. Les deux coéquipiers prendront les deux premières places, une belle manière de conclure une saison bien difficile pour l’équipe.
Par Cyprien Bricout