2021 fut une cuvée exceptionnelle pour la Bahrain-Victorious qui a bien démarré l’année. Mais depuis le Tour de France et les suspicions extra-sportives qui pèsent sur elle, l’équipe a connu une baisse de régime assez flagrante. Sans être catastrophique et malgré la malchance qui a frappé Sonny Colbrelli et Jack Haig, la saison 2022 des Bahreïnis semble presque décevante.
La note d’ensemble
9/20
21 victoires - 8e au classement UCI
Bahrain espérait mieux. Après une saison 2021 phénoménale, la confirmation attendue n’est que partielle pour l’équipe qui espérait rester une référence sur les Grands Tours. Tout avait pourtant bien commencé puisque lors du Tour d’Italie, les Bahreïnis ont été omniprésents avec pas moins de 19 tops 10 d’étapes, une victoire signée Buitrago et une 3e place finale pour Mikel Landa.
Le Tour et la Vuelta n’ont en revanche pas souri aux maillots orange comme l’année précédente. En France, la promesse Jack Haig a vite tourné au vinaigre puisque l’Australien a dû abandonner lors de l’étape d’Arenberg. Son équipe n’a placé aucun coureur dans les dix premiers et n’a que rarement été en position de remporter une étape. L’occasion la plus flagrante fut l’arrivée à St-Etienne, mais Fred Wright tomba sur un os nommé Mads Pedersen. En Espagne, Mikel Landa est sorti de la lutte pour le général dès la première étape de montagne, tandis que Gino Mäder n’a jamais été un concurrent sérieux au Top 10. Là encore, Fred Wright aurait pu sauver l’escapade ibérique de la Bahrain mais est reparti de Madrid avec trois podiums et quatre Tops 10 d’étapes, sans réussir à la mettre au fond.
Heureusement, certaines courses par étapes ont davantage souri à la jeune équipe bahreïnie. Mikel Landa, Gino Mäder et Pello Bilbao ont tous trois acquis un podium au général d’une épreuve World Tour, respectivement à Tirreno, en Romandie et en Pologne. Mais en ce qui concerne les victoires, elle a dû se contenter du Saudi Tour et de la CRO Race, des courses de second rang.
Concentrée sur ces courses de plusieurs jours, Bahrain-Victorious a participé à très peu de courses d’un jour comparativement aux autres équipes du même niveau. Sans grand sprinteur, elle a largement délaissé le calendrier continental et a donc pris le départ quasi exclusivement d’épreuves obligatoires. Un choix qui peut interroger puisqu’hormis à la Classica San Sebastian, elle n’a jamais manqué le Top 15 de ces courses. Elle s’est même souvent illustrée, y compris sur les Monuments avec la victoire acrobatique de Matej Mohoric à San Remo ou le podium de Mikel Landa au Lombardie.
Les autres belles performances à souligner sont la gagne de Dylan Teuns au sommet du Mur de Huy lors de la Flèche Wallonne, le podium de Mohoric au Gran Piemonte ou encore sa 5e place à l’Enfer du Nord. Mais ce bilan aurait pu être bien meilleur si Sonny Colbrelli, 2e au Circuit Het Nieuwsblad n’avait pas connu des pépins de santé l’obligeant à s’éloigner des pelotons dès le mois de mars.
La surprise
Fred Wright
Âgé de 23 ans comme Santi Buitrago, l’autre révélation de l’année, Fred Wright a signé une très belle saison 2022. Relativement discret depuis ses victoires d’étapes au Baby Giro et au Tour de l’Avenir en 2019, le Britannique est un tout-terrain qui n’a pas eu peur de se frotter aux sprinteurs dans des arrivées de Paris-Nice et de la Grande Boucle. Mais il s’est aussi distingué par une 7e place inattendue au Tour des Flandres et d’innombrables échappées lors de ses deux Grands Tours de l’année. Second à St-Etienne, il est très souvent passé proche de la gagne à La Vuelta et a même failli porter le maillot rouge en première semaine. Pas assez fort pour s’isoler, pas assez rapide pour rivaliser avec les tous meilleurs dans la dernière ligne droite, Fred Wright dispose en tout cas de qualités qui, à coup sûr, lui permettront de s’imposer enfin chez les professionnels sous peu.
La confirmation
Pello Bilbao
Le plafond de verre n’a pas cédé : Pello Bilbao n’a toujours pas réussi à améliorer sa meilleure marque sur un Grand Tour, terminant à nouveau 5e du Giro en mai dernier. Néanmoins, sa régularité est un atout de choix pour Bahrain-Victorious qui tient là un coureur capable de tenir une bonne forme toute l’année. Auteur de vingt-huit Tops 10 en 2022, dont trois victoires et huit podiums, il a toujours gagné lors des cinq dernières saisons. Si l’on met de côté sa course de reprise et sa 9e place à Tirreno, l’Espagnol a terminé dans le Top 5 de toutes les courses par étapes de son calendrier. Les statistiques prouvant sa régularité au plus haut niveau sont nombreuses et pardonnent largement son incapacité à aller chercher un podium sur trois semaines malgré les tentatives qui se succèdent.
La déception
Jack Haig
Lorsqu’on termine 3e de la Vuelta, on est forcément attendu l’année suivante. L’Australien avait bien débuté en Andalousie, puis sur la Course au Soleil (deux fois 6e). De retour aux beaux jours avec une 5e place au Dauphiné, Jack Haig a su rassurer son coéquipier avant de prendre le départ du Tour. Malheureusement, il fut l’un des grands perdants de l’étape des pavés et de la fameuse botte de foin qui a envoyé Primoz Roglic par terre. Victime de multiples fractures du poignet, il n’a plus donné de nouvelles durant toute sa convalescence mais l’on a appris récemment la prolongation de son contrat. À 29 ans, il lui faudra confirmer en 2023 s’il ne veut pas retomber dans l’anonymat relatif qui était le sien avant de rejoindre Bahrain.
2022 en 5 dates
19 mars 2022, Poggio di San Remo. Matej Mohoric a-t-il fait le plus dur en s’accrochant aux favoris jusqu’à la bien connue cabine téléphonique ? Toujours est-il que le numéro ne fait que commencer à cet instant. Le Slovène, toujours placé lors des trois précédentes éditions, se jette dans la descente tombeau ouvert. Grâce à ses talents de descendeur hors-pair, à une prise de risque rarement observée et à une tige de selle télescopique, le double vainqueur d’étape du Tour 2021 distance ses rivaux. En solitaire, il remporte le premier Monument de sa carrière.
21 mars 2022, Sant Feliu de Guixols. Battu quelques secondes auparavant par Michael Matthews en ouverture du Tour de Catalogne, Sonny Colbrelli s’effondre, victime d’un malaise cardiaque. Le champion d’Europe, homme-clé de Bahrain-Victorious la saison précédente, a dû se faire opérer fin mars pour se faire poser un défibrillateur sous-cutané. S’il a pu reprendre une activité physique légère en avril, le coureur italien sait d’ores et déjà qu’il n’aura plus le droit de courir en Italie à cause de ce dispositif médical, et ignore encore s’il pourra reprendre sa carrière.
20 avril 2022, Huy. Des trois classiques ardennaises, la Flèche Wallonne est celle qui a le moins souri à Bahrain depuis que l’équipe a rejoint le peloton en 2017. Cette fois, l’équipe peut compter sur un Dylan Teuns en pleine forme. 5e au pied du Mur, il a fait des efforts tôt pour suivre le rythme de Carlos Verona. Mais cela ne l’a pas empêché d’allumer la première mèche. Traqué par Valverde et Vlasov, le Belge paraît battu mais ne se rassoit pas lorsque l’Espagnol revient à sa hauteur. Après 40 secondes d’effort maximal dressé sur les pédales, le trentenaire peut lever les bras. Il vient de remporter l’un de ses plus beaux succès.
25 mai 2022, Lavarone. Profitant du départ de cette 17e étape en bosse, vingt-cinq hommes s’échappent sur les routes du Giro. Parmi eux, Mathieu van der Poel, Guillaume Martin, Hugh Carthy, Thymen Arensman, Giulio Ciccone ou encore Santiago Buitrago. Ce dernier commence à se faire un nom grâce à sa victoire d’étape au Saudi Tour, sa 8e place au Tour des Alpes mais aussi sa 5e place à Gênes et sa seconde place à Cogne dans les jours précédents. Dans une descente, le Colombien chute seul mais repart. Dans la montée finale, il se paie même le luxe d’attaquer ses compagnons de contre, voyant l’écart avec la tête grandir. Rapidement, il revient sur Gijs Leemreize et le contre. Le grimpeur colombien file seul vers sa plus grande victoire, à 23 ans. Derrière lui, c’est son équipe qui a pris les rênes du groupe des favoris et fait exploser Joao Almeida. Mikel Landa remonte ainsi à la 3e place du général, une place qu’il ne quittera plus.
30 juin 2022, Copenhague. Un an après avoir été perquisitionnée à Pau, Bahrain-Victorious fait encore l’objet d’une descente à son hôtel de Copenhague. Quelques jours plus tôt, ce sont les domiciles de certains coureurs et membres du staff qui ont été visités par les enquêteurs. Cette fois, ce sont les chambres d’hôtel et les véhicules de la formation bahreïnie qui sont fouillés. Suite aux traces de tizanidine, un décontractant musculaire non-interdit par l’Agence Mondiale Antidopage, retrouvées dans des prélèvements capillaires de coureurs en 2021, le parquet de Marseille a cette fois saisi du matériel électronique et des médicaments. Jusqu’ici, aucune information complémentaire n’a été publiée concernant ces perquisitions.
Par Cyprien Bricout