Baromètre des équipes du Tour de France : Bora entre dans la danse

Guidée par de nouvelles ambitions, l’équipe Bora-hansgrohe est au début d’une mutation qui lui réussit jusqu’ici plutôt bien. Nouvelle venue dans la lutte pour le classement général, elle se présente au départ du Tour avec un Aleksandr Vlasov craint et respecté pour la régularité dont il a fait preuve cette saison. Outsider, le Russe croit en ses chances de podium, voire mieux.
La transformation d’une équipe
Fini, le projet bâti autour de Peter Sagan. Bora a profité du départ du Slovaque vers TotalEnergies cet hiver pour revoir ses plans et changer totalement d’identité. Après des années à viser les étapes grâce à des hommes offensifs et rapides comme le triple champion du monde ou Pascal Ackermann, la voilà désormais tournée vers les classements généraux. Son nouveau visage affiche une mine réjouissante : cette année, elle a déjà remporté trois courses par étapes du World Tour dont, excusez du peu, le Giro d’Italia.
La force de Bora est de ne pas devoir compter sur un leader unique mais bien sur un groupe dense aux têtes d’affiche multiples. Sergio Higuita, Jai Hindley, Wilco Kelderman, Emanuel Buchmann, Max Schachmann et surtout Aleksandr Vlasov sont autant d’hommes capables de batailler avec les meilleurs sur les courses de plus d’une semaine. Sans oublier le franc-tireur Lennard Kämna qui a trouvé comment gagner à nouveau. La seule déception réside dans l’absence de résultats des sprinteurs Sam Bennett et Danny van Poppel, que l’on a presque oubliés tant le reste de l’équipe s’est montré à la hauteur depuis le début de saison.
Vlasov, meilleur des outsiders ?
Aleksandr Vlasov, arrivé cet hiver en provenance d’Astana, a confirmé les qualités entrevues ces dernières années. Le coureur russe a remporté en 2022 le Tour de la Communauté de Valence et le Tour de Romandie, a terminé 4e de l’UAE Tour, 3e du Tour du Pays Basque et de La Flèche Wallonne, et était annoncé vainqueur d’un Tour de Suisse qu’il a dû abandonner en raison d’une contamination au Covid-19. Excellent grimpeur, il a surtout franchi un cap cette année en contre-la-montre. Dans l’exercice solitaire, le leader de la Bora a signé des résultats dignes de rivaux tels Daniel Martinez, Joao Almeida ou Brandon McNulty, des coureurs considérés comme rouleurs-grimpeurs et qui généralement gagnent du temps sur leurs concurrents dans les chronos. Au Pays Basque, il a même terminé dans la même marque que Geraint Thomas et devant Jonas Vingegaard ou Ion Izagirre ; tandis qu’il a écrasé la dernière étape chronométrée romande, bien qu’un peu spéciale puisqu’elle offrait un parcours ascendant.
Ce changement de dimension et la régularité dont il fait preuve lui autorisent toutes les ambitions en dépit de deux inconnues : sa capacité à passer sans encombre la nervosité des premières étapes et sa constance sur trois semaines. Il n’a en effet été confronté à des situations de bordures que très rarement dans sa carrière mais s’en est bien sorti lors des premières étapes de Paris-Nice cette année. Il n’a par contre jamais roulé sur les pavés en compétition, ce qui pourrait lui réserver de mauvaises surprises. Quant à ses capacités de récupération, sa deuxième partie de Giro 2021 et sa Vuelta mitigée lui sont certainement restées en travers de la gorge, mais sa trajectoire laisse à penser qu’à 26 ans, le Russe est toujours dans une phase de progression et la répétition des efforts à partir des Alpes sera peut-être même un atout pour lui face à des Primoz Roglic ou des David Gaudu, en lutte avec lui pour le podium. Restera sur son chemin un certain Tadej Pogacar, à qui il est difficile de trouver des lacunes, mais le podium semble bien être dans les cordes du coureur de Vyborg.
Un groupe homogène qui aura les mains libres
Sur le papier, la Bora est bien sûr un ou deux crans en-dessous des collectifs d’UAE, de la Jumbo ou d’Ineos. Mais c’est justement cette infériorité affichée qui permettra à l’équipe allemande de ne pas avoir à prendre les choses en main et de ne pas se priver d’autres objectifs que le général. Si Felix Grossschartner, Lennard Kämna, Max Schachmann ou Patrick Konrad paraissent bel et bien trop justes pour accompagner leur leader en haute-montagne, celui-ci peut se rassurer en se disant qu’il n’aura qu’à suivre les armadas de ses concurrents directs sans avoir besoin de prendre des initiatives collectives. Ses coéquipiers auront sans doute les coudées franches lors des étapes promises aux attaquants, comme sait le permettre la Bora à chaque fois qu’une victoire est accessible. Depuis 2020 et le recul de Peter Sagan, elle est parvenue à s’imposer à trois reprises en partant de loin.
Le huit de départ : Aleksandr Vlasov, Felix Grossschartner, Nils Politt, Danny van Poppel, Patrick Konrad, Maximilian Schachmann, Lennard Kämna, Marco Haller.
Par Cyprien Bricout