Il en a fallu du courage et de la détermination aux ex-coureuses de la formation Zaaf pour briser l'omerta du milieu en exposant au grand jour ce qu'elles vivaient depuis le début de l'année au sein de la formation espagnole. C'est à dire des conditions de travail déplorables, indignes d'une formation pro, mais aussi une absence de rémunération totale, qui a conduit à l'issue que l'on connaît tous. Et si il ne s'agit pas ici de répéter une nouvelle fois l'histoire, il est question d'autre chose, d'un sujet plus profond, ou d'une tendance plutôt, déjà observée avec l'épisode B&B Hôtels. Les coureuses et les coureurs semblent avoir pris conscience d'un élément important, ils peuvent faire entendre leur voix et dénoncer haut et fort les différents abus dont ils s'estiment victimes.
Une volonté de fer et de la solidarité, malgré les pressions et les coups
Malmenées et victimes d'un système qui marche sur la tête, les coureuses de Zaaf n'ont absolument rien lâché depuis le début de l'affaire. Malgré la fatigue, physique et mentale, celles-ci ont en effet fait preuve d'une détermination sans faille pour dénoncer les conditions dans lesquelles elles évoluaient, mais aussi les différents coups bas dont elles ont été les victimes.
Car coups bas il y a eu, entre les punitions infantiles (interdiction de courir pour celles qui avaient parlé dans la presse), l'attente de la garantie bancaire, et l'épisode récent de la Vuelta Femenina, où Michaela Drummond n'a pas pu obtenir l'enregistrement de son contrat au sein de sa nouvelle équipe, bloquée par la RFEC et certainement Zaaf, qui semble t-il est à la baguette en coulisses.
Beaucoup auraient lâché l'affaire face à tant d'obstacles, mais pas ces athlètes, courageuses et déterminées, qui n'ont pas hésité à alerter les médias de la situation que vivait leur ex-co-équipière néo-zélandaise. Une solidarité à saluer, dans un milieu que l'on prétend souvent à tort individualiste et auto-centrée.
Une solidarité qui s'est ensuite traduit sur les réseaux sociaux, où plusieurs ex-pensionnaires de l'équipe n'ont pas hésité une seule seconde pour relayer le désarroi de Michaela Drummond, quitte à se mettre à dos une partie de ce milieu, qui ne pardonne rien, et effectue très rarement son auto-critique, préférant écarter d'un revers de main tout ce qui peut être considéré comme "problématique".
Défaite sur le court terme, mais victoire à long terme
Alors certes Michaella Drummond n'a pas pu faire inverser la tendance, et ne sera pas présente ce lundi au départ de la Vuelta. Un revers pour certains probablement si l'on se base sur le court terme, mais une victoire certainement si l'on se projette un peu plus loin que le bout de son nez.
Une victoire car grâce à leur courage, les coureuses ont envoyé un signal fort au milieu, en dénonçant les abus dont elles étaient les victimes. Une victoire, car les responsables de Zaaf ne sont certainement pas prêts de remettre un pied dans le peloton. Une victoire également, car les liens de "copinage" entre instances nationales et équipes ont été exposés au grand jour, et que désormais, il n'est plus possible de se cacher.
Une victoire enfin, car plus les semaines passent, plus les acteurs honnêtes du milieu semblent ne plus tolérer les différents abus, les différentes combines, ou les petits arrangements entre amis qui polluent ce sport que nous aimons tant.
En effet, ils sont de plus en plus nombreux en public ou en privé à dénoncer ce qu'ils estiment être une injustice, et le dernier épisode en date concerne ce passage hallucinant du Tour de Bretagne. Un passage pour lequel de nombreuses voix se sont élevées, en public, et qui là encore met la lumière sur un véritable problème, celui de la sécurisation des parcours.
Nul doute donc que les 6 derniers mois ont changé quelque chose au sein du peloton, et si l'on se fie sur ce que l'on peut entendre à droite et à gauche, ainsi que les nombreuses alertes que nous recevons chaque semaine, le grand déballage ne devrait pas s'arrêter avec la fin de l'équipe Zaaf (qui ne sera par ailleurs pas résolue sans réception de la garantie bancaire). Et n'en déplaise aux grincheux, et à tous ceux qui vivent de cette omerta, ou l'entretiennent au maximum en moquant et ou tentant de décrédibiliser tous celles et ceux qui osent s'opposer, ceux qui profitent du système n'ont pas fini d'avoir quelques sueurs froides...
Par Charles Marsault