A l’occasion de l’Essor Basque, la course d’ouverture du calendrier élite dans l’Hexagone, petit coup de projecteur sur des coureurs basques contraints à « l’exil » dans des équipes françaises, pour courir au plus haut niveau amateur. Vincent et Kevin Arhie, portent les couleurs de l’équipe Team U Cube 17 (Charente-Maritime) et Gari Lagnet, celle de l’équipe bretonne Sojasun-Espoir ACNC. Coup d’œil également sur Esteban Miomandre Harambillet (Paris Cycliste Olympique), à la trajectoire un peu différente mais indissociable également du Pays Basque.
En ce début de mois février, les projecteurs sont tournés vers le Pays Basque Nord pour l’ouverture de la saison élite chez les amateurs. Pourtant dès que l’Essor Basque aura replié son barnum, il faudra alors attendre...l’année prochaine, pour revoir le peloton élite revenir sur les routes basques. Et pour dénicher le premier club de N1 ou N2, il ne faut pas avoir peur d’avaler quelques centaines de kilomètres. Pas toujours facile pour un jeune qui aspire à goûter du haut niveau. Heureusement, il existe la filière du Sud, celle de l’autre versant du Pays Basque. Ces dernières années, c’est bien là bas qu’ont émergés Thierry Elissalde, Romain Sicard, Loic Chetout ou Cyrille Barthe. Et c’est probablement avec le même rêve de passer professionnel que le jeune Maxime Renoux a rejoint cet hiver Laboral Kutxa, l’équipe espoir de la Fondation Euskadi.
Parfois certains, après avoir également tenté cette voie, reviennent vers les pelotons tricolores. Pas d’autre choix alors que de courir bien loin de chez eux, faute de structure de haut niveau à proximité. C’est le cas par exemple de Vincent Arhie (23 ans), qui porte depuis l’an dernier les couleurs du Team U Cube 17, club de N1 basé en Charente-Maritime. Formé au SA Mauléon, Vincent est passé également par Lescar et L’Entente 64. Dès les juniors il a beaucoup couru en Pays Basque Sud, avant d’intégrer en dernière année espoir, l’équipe Grupo Eulen, dont l’ancien coureur professionnel David Etxebarria est le directeur sportif. C’était en 2020, année marquée évidement par un calendrier tronqué en raison du covid. « J’ai du partir car je n’étais plus espoir mais je n’ai pas trop marché non plus cette année là. J’ai commencé à démarcher quelques équipes pour venir courir en N1 en France. Le Team U Cube 17 cherchait justement du monde et ça m’arrangeait pas mal, car j’ai de la famille à une demi-heure du siège du club. Cela voulait dire prendre la voiture la veille ou l’avant veille des courses, et dormir sur place ». Un pied à terre pratique, qui évite d’incessants aller-retour, voire un déménagement.
Rejoint par son frère
Vincent a été rejoint cet hiver par son jeune frère Kevin (19 ans), en provenance de Lescar. « Vu que ça marchait bien pour lui et qu’il était déjà intégré dans l’équipe, c’était plus facile de le rejoindre là-bas. En plus c’était aussi l’occasion de courir ensemble pour la première fois. C’est plutôt sympa, il m’aiguille un peu sur les courses ». A l’attaque sur le circuit de l’Essor ce dimanche, les deux frangins se sont même retrouvés un temps ensemble dans le groupe de tête et Vincent est finalement allé chercher une belle 8e place, sa meilleur pour l’instant sur l’épreuve. Sans doute les fruits d’un hiver studieux, avec notamment un stage en Espagne avec son frère, avant d’attaquer la saison.
Dès ce vendredi sur les routes escarpées du Tour de Basse-Navarre, l’aîné des Arhie espère bien remettre ça et même faire mieux. « Le deuxième week-end on se sentira vraiment à la maison, il y aura les copains et la famille au bord de la route. J’avais bien marché l’an dernier le vendredi et j’ai à cœur de bien faire cette année aussi ». Avec le Tour du Piémont Pyrénéen en Béarn, c’est en tout cas la seule occasion de courir devant ses proches, et ça n’est pas rien. «On sait que c’est très rare alors on en profite quand ça arrive ».
Cette année Vincent Arhie veut mettre toutes les chances de son côté. « 2021 s’est globalement bien passé. Je suis assez content, même s’il manquait une victoire, mais j’ai senti que j’ai passé un cap, en arrivant à être acteur sur les courses élite. En 2021 j’ai aussi changé d’entraîneur et découvert d’autres méthodes. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle ça marchait mieux. Cette année je fais vraiment attention à tout et je veux donner le maximum. Je me donne encore une année à fond et on verra où ça mène ».
Gari Lagnet en Bretagne
Lui n’est pas là cette année. A bientôt 24 ans, c’est même la première fois qu’il rate l’Essor Basque depuis qu’il court en élite. Gari Lagnet (Sojasun Espoir) est déçu mais a du se faire une raison. «Bien sûr ça me rend un peu triste, ce sont mes routes d’entraînement quand je rentre chez mes parents et c’est la seule course de ce niveau-là de ce côté du Pays Basque. Mais je viens de rentrer de stage en Espagne avec l’équipe, après je fais deux manches des Plages vendéennes et je vais faire la coupe de France à Aix-en-Provence. Ça allait faire beaucoup de route et engendrer de la fatigue supplémentaire. C’est peut-être un mal pour un bien au fond, l’Essor Basque arrive très tôt dans la saison et je préfère ne pas avoir un creux au mois de mai ».
Gari Lagnet a débuté le vélo en Haute-Savoie, où ses parents ont vécu un temps. A leur retour au Pays Basque, il a connu plusieurs clubs chez les jeunes. En espoir il a lui aussi couru un an de l’autre côte de la frontière, également chez Grupo Eulen, puis à Lescar et avec Océane Top 16. «A la reprise post covid en 2020 j’ai plutôt bien marché, avec notamment une 10e place au championnat de France Elite, et quelques résultats, en étant assez offensif. Quand Jason Yon Snoeck, le directeur sportif de Sojasun Espoir m’a contacté en fin de saison, je n’ai pas hésité. La Bretagne c’est aussi le pays du vélo. Une grande partie de nos courses ont lieu en Bretagne, c’est évidement très pratique. Et là par exemple pour aller aux Plages Vendéennes je n’ai que deux heures de route à faire. Avant, à part l’Essor Basque, je n’avais aucune course à la maison. Même pour aller avec Océane Top 16, basé à Angoulême, j’avais déjà 3 heures de route pour les rejoindre et d’ailleurs on allait souvent courir en Bretagne, ce qui nous faisait de beaux rallyes le week-end. On s’en rend peut-être pas compte de l’extérieur, mais les déplacements c’est vraiment de la fatigue en plus. Une journée sans vélo, mais avec six heures de route, c’est une journée où l’on ne récupère pas et au contraire où on accumule de la fatigue. En bout de saison ça compte ». Avoir des courses à proximité est un luxe en effet.
Gari Lagnet (Sojasun-Espoir ACNC)
«C’est sûr qu’au Pays Basque Sud il y a beaucoup de courses, et d’un côté ça me manque un peu de ne pas courir là-bas. Mais au final ça me convient sans doute mieux ici. Le niveau est un peu plus élevé, c’est plus la guerre, et surtout il y en a pour tout le monde, alors que là bas c’est toujours un peu les mêmes courses avec des chantiers et du gros pourcentage ». Pour lui c’est aussi un changement radical de vie depuis l’an dernier, puisqu’il a quitté le domicile familial et s’est installé près de Rennes. « C’est vrai, la famille me manque, les montagnes aussi. Le Pays Basque c’est un peu sacré quand même. Quand on y est, on ne s’en rend pas forcément compte, mais c’est quand on le quitte. Quand je peux j’y retourne bien sûr, alors je retrouve mon col favori de Lizarrieta et j’en profite ».
Dans un coin de la tête, le rêve de passer est toujours là. « Il est là depuis que j’ai commencé le vélo. Je fais tout pour que ça devienne une réalité, mais il ne faut pas trop se mettre la pression non plus, ça peut gâcher une saison. Pour passer pro il faut de la maturité physique et mentale aussi, et le fait d’être parti loin de chez moi seul, ça m’a permis justement d’en prendre de ce côté là. L’objectif c’est de gagner des courses et faire des résultats. Si ça marche les ouvertures viendront ».
Un parisien peut cacher un basque
Le premier jour de l’Essor Basque, deux hommes ont réalisé un raid de 70 kilomètres en tête de la course. Florian Rapiteau (Laval Cyclisme) était accompagné d’un jeune coureur portant le maillot du Paris Cycliste Olympique. Esteban Miomandre Harambillet (20 ans) a beau avoir grandi à Paris, ses attaches sont très fortes au Pays Basque. Et son histoire est un peu différente des précédentes, puisque lui n’a pas été contraint de s’éloigner pour courir au plus haut niveau. «Mes parents sont partis du Pays Basque quand j’étais tout petit, mais j’y ai mes grands-parents, mon oncle, de la famille, tous mes potes à Saint-Jean-de-Luz et Urrugne, ma copine. Dès que je peux j’y retourne et j’adore m’y entraîner, car on ne va pas se mentir, c’est quand même mieux qu’en région parisienne de ce côté là ». Comme souvent, c’est son père qui l’a initié au cyclisme. « Il était fan d’Euskaltel à l’époque de Samuel Sanchez, et c’est ce qui m’a donné envie de faire du vélo, alors que j’avais commencé par le foot. Et voilà maintenant trois ans, depuis les espoirs 1, que je suis au Paris Cycliste Olympique ». Club qui vient d’ailleurs d’accéder à la N1.
Esteban Miomandre Harambillet (Paris Cycliste Olympique)
« L’année dernière c’était ma première saison vraiment en 1ère catégorie, je découvrais un peu. Cette année par contre je mise tout sur le vélo, j’ai perdu huit kilos et je l’ai senti dès le premier jour de course à l’Essor Basque où j’ai pu faire une longue échappée avec Florian, chose que je n’aurai pas fait l’an dernier ». On l’ a senti en effet à l’aise dans les bosses, avec un coup de pédale fluide, lui qui était plutôt réputé avant pour sa pointe de vitesse. Esteban Miomandre Harambillet est déterminé à passer encore un cap et garde en ligne de mire le rêve d’accéder à l’étage supérieur. « Cette année il y a de belles courses espoir en vue, notamment Liège-Bastogne-Liège et d’autre rendez-vous important. L’objectif est d’essayer de se faire repérer. Il faut que je prenne confiance en moi, mais j’ai travaillé dur cet hiver et ma première course m’a montré que ce n’était pas pour rien ».
Dorian Foulon en sens inverse
Enfin on ne pourrait terminer ce rapide panorama, sans évoquer quelqu’un qui a fait le chemin inverse. Le breton Dorian Foulon est venu s’installer en Pays Basque, pour rejoindre le club d’Urt Vélo 64 et sa section paracyclisme. A 23 ans, le médaillé d’or de Tokyo en poursuite individuelle (catégorie C5), est devenu basque d’adoption.
Dorian Foulon
Il a rejoint cet hiver la formation Occitane CF pour les épreuves sur route, et vient d’obtenir un bel accessit au sprint pour la reprise (5e des Boucles de l’Essor). Interrogé sur son rêve de passer professionnel, il confiait juste avant le départ de l’épreuve. « Je commence à avancer en âge, mais forcément ça reste un peu dans un coin de la tête. De toute façon c’est toujours un peu le rêve quand on est coureur, mais mon but c’est de prendre du plaisir tout en donnant le maximum. Ensuite, arrivera ce qui arrivera ».
Dans un paysage local où le cyclisme amateur est en souffrance, chacun de ces coureurs contribue à sa façon à y faire vivre la flamme du vélo. Puisse-t-elle ne jamais s’éteindre.
Ximun Larre (Photos : Ximun Larre, Sojasun Espoirs ACNC, compte twitter Esteban Miomandre Harambillet, compte Facebook Dorian Foulon)